Ce matin, c’était l’enterrement.

Je ne suis pas allé à l’église. Le souvenir de ta cérémonie était encore trop fort pour que je la revive. Les rugissements de l’orgue ont dû emporter la responsabilité collective du drame.

À distance, j’ai vu arriver le convoi, sous des monceaux de fleurs pour dissimuler les vraies raisons de leur meurtre. Camille me rejoignit et nous nous sommes approchés. Sentant des ombres auprès de moi, je découvris nos amis, nos camarades, d’autres étudiants inconnus qui déferlaient. Qui les avait avertis ?

La cérémonie commença, avec le curé et ses psalmodies infâmes.

Un murmure s’éleva, roulant vers une rumeur s’amplifiant : « Honte, honte au rejet, honte, honte ! ». Ce sont nos blessures qui enflaient en une litanie entêtante. Le père énervé fait un pas vers nous, renforçant notre chœur de plainte.

Soudain, une fille sortit de l’assistance, marcha vers nous, me prit la main et m’amena au bord du trou, bousculant père et mère pour les chasser, alors que les endimanchés du deuil reculaient, hargneux contre l’évidence, marmonnant des imprécations sous la houlette du sorcier.

Le groupe de jeunes s’était rapproché. J’entendais maintenant : « Hugo, Hugo, honte à ceux qui t’ont tué, honte à l’intolérance ! »

Je restai un long moment, pleurant et serrant Émilie dans mes bras. Le groupe s’était resserré, faisant cercle autour de nous. Un drapeau aux six couleurs apparut, tendu par nos mains. Sans concertation, d’un geste précis, nous l’avons lâché et il est venu s’enfouir sur le cercueil de Hugo. Sans autres mots, nous sommes sortis du cimetière alors que les voitures de police arrivaient. Quelques coups de menton délateurs tentèrent de faire comprendre que les fauteurs de trouble étaient ces jeunes effondrés de chagrin.