Vendredi 29 mars /3
Charlotte
J’entre dans l’enceinte de l’école et croise une femme portant un jeune garçon en larmes, blessé sans doute. Je la salue amicalement, le regard compatissant. Elle me répond gentiment, ses joues rosies par l’effort. Elle a de beaux yeux, une longue chevelure blonde et sa silhouette est harmonieuse, fine, sportive. Je me retourne une dernière fois pour admirer son déhanché puis lorgne ma famille. Mon homme a aussi suivi des yeux cette belle femme.
J’aime qu’il regarde, je ne suis pas jalouse. Il m’a choisie et nous sommes heureux autant en famille qu’en couple. Je préfère sa franchise, qu’un banal mensonge auquel personne ne croit vraiment. Je préfère qu’il reluque, flirte, sourit au lieu de faire semblant de ne rien voir et prétendre que je suis la plus belle. Ce qui m’importe c’est que chaque soir, c’est moi qu’il tient dans ses bras.
Il plait, faut dire, c’est un bel homme mon Manu, avec sa peau mate, ses cheveux noirs, son regard sombre, sa mâchoire carrée, sa barbe de trois jours toujours entretenue et son corps athlétique… je fais des jalouses.
J’ai compris depuis le début de notre relation que pour me supporter, et supporter ma pathologie, il faut que je lui laisse plus de liberté. Nous sommes amoureux, fous l’un de l’autre, et heureusement nous arrivons à dissocier le sexe du reste de notre histoire. Mais les autres ne le comprennent pas. Nous avons essayé d’en parler à quelques amis, ils nous ont tourné le dos. Soit le mari craignait que sa femme succombe au charme de mon ténébreux, soit l’épouse voyait là un moyen pour que son mari déjà un peu volage n’en profite. Ils n’avaient rien à craindre, puisque notre règle d’or était bien de ne pas s’approcher de nos amis.
Je salue le directeur, embrasse chastement les lèvres de Manu et la joue de mon fils tout en demandant des nouvelles de Marion.
— Elle a le nez sur son smartphone, les fesses dans la voiture, sourit Manu.
Ça ressemble bien à notre fille. Même si en théorie, elle a accepté le déménagement, au moment de dire au revoir à ses amis elle avait tout remis en question. Comme si on pouvait d’un jour à l’autre reprendre son ancien job, retourner dans son ancienne école et annuler le déménagement. Ça lui passera.
Nous avons promis une grande fête durant les vacances d’été, où chacun pourra inviter ses amis.
Nous emboîtons le pas au directeur qui nous présente la cour de récré, puis les différents lieux d’enseignement.
Entre deux portes, Manu me chuchote à l’oreille :
— Tu as eu du mal à trouver l’école ?
Je secoue négativement la tête.
— Tu es sortie tard de ton rendez-vous ? Ça s’est bien passé ?
— Très bien, je te raconterai ce soir. Et non. Je suis sortie à l’heure.
— Tu as eu du mal à trouver une place de parc ? insiste-t-il.
— Non, j’ai eu du mal à trouver un endroit discret.
Manu ralentit ses pas, avant de me rattraper et de me demander :
— Toute seule ou… ?
— Maxime, voici ta nouvelle classe, annonce fièrement Monsieur Schmutz en frappant contre une porte avant de l’ouvrir. Mademoiselle Juiliard bonjour. Voici notre nouvel élève : Maxime Roucal ainsi que ses parents.
L’enseignante s’approche pour nous saluer, puis embarque notre fils et lui fait faire le tour de la classe. Monsieur Schmutz apostrophé par le concierge s’éloigne quelques minutes. Manu en profite pour se mettre derrière moi, pose une main sur mon ventre et tout en regardant attentivement un panneau bricolé par les enfants, réclame des détails sur mon escapade.
— Ici ? Tu es sûr de vouloir nous émoustiller à l’intérieur d’une école ? ironisé-je.
— Trois mots.
— Main dans la culotte, oups désolée mon chéri, ça en fait quatre. Je te montrerai ce soir, promis, dis-je en lui faisant un clin d’œil avant de m’éloigner pour rejoindre notre fils.
La présence des enfants m’aide en général à canaliser mes envies. Et je sens que si je ne m’éloigne pas rapidement de Manu, on pourrait bien finir enfermés dans les toilettes à faire trembler les parois.
Qu’est-ce qui lui prenait de me titiller de la sorte ?
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