Dimanche 2 juin / 4
Charlotte
Incroyable… il est obligé de rabaisser sa femme ? Et elle qui ne dit rien. Ça doit être habituel entre eux. Peut-être le fait-il si souvent qu’elle ne le remarque plus. Malheureusement.
— Au fait, chéri, tu n’as pas donné notre cadeau à notre hôtesse, rappelé-je à mon mari.
— C’est juste, tu avais les mains mouillées, se justifie-t-il en regardant Julie. Je n’ai pas voulu te mettre dans l’embarras. On s’est dit que c’était différent d’un bouquet de fleurs, ajoute-t-il, alors que Julie saisit le cadeau tendu.
— Un livre, se moque Tim. Oui, c’est bien choisi. Elle en a toujours au moins deux d’entamés, mais elle l’a sûrement déjà lu, vu qu’elle bosse dans une librairie.
Une librairie ? J’observe attentivement Manu et les joues rosées de Julie. Je plisse les yeux et me remémore des quelques mots que mon homme m’avait confiés sur son baiser échangé au milieu des bouquins… Une pulsion, un petit smack sur le bout des lèvres, puis elle avait pris l’initiative de le rendre plus passionné, s’était collée contre son torse, avait joint ses doigts dans sa nuque… non, ce ne peut pas être elle… Il m’avait dit que la femme l’avait allumé par un regard charmeur et un sourire lumineux lors de l’accident. Il avait ajouté une tenue sexy le jour du baiser, avec une jupe courte et un chemisier à moitié ouvert… C’est sans doute ce petit détail qui avait poussé mon homme à s’approcher et voyant qu’elle ne refusait pas, il avait fini par l’embrasser.
J’observe attentivement l’attitude de Julie, ses vêtements… et même si elle est très belle, elle ne montre aucune partie de son corps dans un but de séduction. Elle reste nature, simple, joyeuse et souriante, mais vraiment pas femme fatale ou provocante.
— Oh… Emma de Jane Austin. Je ne l’ai encore jamais lu. Merci, dit-elle en se penchant vers moi pour m’embrasser.
Lorsque Tim s’approche du grill, Julie demande à sa fille de venir l’aider à transporter les différentes salades dehors, mais Manu se propose. Je crois qu’il n’est pas très à l’aise de voir notre hôtesse se démener ainsi pour nous accueillir et que son mari ne fasse que rôtir les saucisses. Faut dire que chez nous, les rôles s’inversent régulièrement. Ce n’est pas lui qui tond la pelouse et moi qui cuisine, mais plutôt un jour l’un, un jour l’autre. Évidemment les grosses bricoles, je les laisse à Manu, il a plus de force, mais il est aussi capable que moi de lire une histoire aux enfants ou cuire des pâtes. Et même pour ce dernier point, si j’excelle en pâtisserie, j’avoue ne pas être une très bonne cuisinière.
— Non, c’est gentil, Manu. Tu es invité, profites de l’ombre, Tiphaine, s’il te plaît.
— J’arrive, ronchonne l’adolescente.
Bredouille, Manu s’approche de Tim et lui fait la conversation pendant qu’il dépose la viande sur le grill. Ils parlent sans doute boulot. Je jette un coup d’œil aux enfants qui s’amusent dans le jardin et je choisis de m’allonger sur le transat près de la piscine.
Tim m’a bien dit de faire comme chez moi, je ne vais donc pas me gêner. En plus, les coussins sont bien épais, très confortables.
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