Jeudi 27 juin / 5
Julie
J’entre dans l’habitacle complètement essoufflée, tremblante de colère, mais craignant un revirement de comportement de Tim. Qu’il hurle et effraie les enfants. Je n’aurais pas supporté. J’avais savamment évité le regard de Manu que je devinais pas très chaleureux envers son collègue, mais j’avais trop peur de changer d’avis.
Mais ce soir je n’arrivais plus à faire semblant. Et encore moins devant Charlotte et Manu. Je sentais son regard sur moi mais heureusement elle attendit que nous soyons suffisamment éloignées de la maison pour émettre un sifflement admiratif qui me fit éclater de rire.
Ma sœur fut si enthousiaste à ma venue qu’elle n’arrêtait pas de trinquer à ma petite révolution. Elle ne pensait pas si bien dire, mais j'avais fait promettre à Charlotte de ne pas aborder le sujet. Et nous avons profité de la fête jusque tard dans la nuit.
J’ai remarqué quelques regards sur moi, je surpris quelques sourires que je rendis avec une certaine assurance que je ne me connaissais pas.
En milieu de nuit, nous retrouvons le chemin de la maison, roulant tranquillement, comme si inconsciemment je refusais de la rejoindre.
Charlotte évite sans cesse le sujet délicat, jusqu’à m’embrasser chaleureusement dans le couloir. Elle m’assure que tout ira bien, puis s’enferme dans la chambre d’amis rejoignant ainsi son mari. Je ferme les yeux, répétant intérieurement qu’elle a raison. Tout ira bien.
Je m’enferme dans la salle de bain pour me démaquiller et me déshabiller. J’enfile une nuisette, puis rejoint à mon tour mon lit. Sauf qu’en entrant dans notre chambre, je découvre la lumière sur la table de chevet allumée et Tim le regard rivé sur moi. Je serre les dents.
— Bonsoir, dit-il d’une voix calme.
— Salut ! dis-je froidement.
— Je suis désolé, Lili… j’ai merdé c’est clair.
— Tu es désolé de quoi au juste ? Mon anniversaire ? Ton ignorance ou tes sorties en soirée ?
— Tout. Mais tu sais Lili…
— Ce n’est pas le moment d’en parler, dis-je en soulevant le côté de la couette pour me glisser dans le lit.
— Peut-être pas… mais…
Je reconnais son regard. Même si ça fait longtemps que je ne l’ai pas vu. Mon sang ne fait qu’un tour et je cingle :
— N’y pense même pas. Tu vois, ces mains qui se trouvent au bout de tes bras… plus jamais elles ne se poseront sur moi.
— Tu es drôlement sexy dans cette nuisette, dit-il en ignorant mes paroles.
— Cette nuisette, je me la suis achetée à Noël. Je la porte régulièrement depuis près de six mois, en espérant qu’un soir tu daignes la remarquer. Mais rien. Alors, là cette nuit, tu oublies… compris !
Mais il ne semble pas m’entendre. Il approche ses doigts de ma poitrine et avant qu’il puisse m’effleurer, je m’exclame à voix basse mais suffisamment forte pour qu’il n’y ait aucun doute :
— Je ne suis pas encore prête à te quitter et tu auras des dizaines de moments plus appropriés pour essayer de me convaincre que tu es bien l’homme que j’aime depuis près de vingt ans. Mais si tu t’approches ce soir, cette nuit… je boucle mes valises immédiatement et te ferai vivre un véritable enfer. Divorce pour faute, avec trois enfants plus une femme à charge, il ne te restera plus que tes yeux pour pleurer. Et plus aucune bonne femme ne posera un regard sur toi parce que tu seras devenu une loque à force de ramer pour récupérer ma sympathie.
Cette fois il a enfin compris. Il se retourne en bougonnant tapant son oreiller, éteignant sa lumière et grognant un « bonne nuit » à peine audible.
Non mais ! Ça serait trop facile sinon !
Charlotte
Faut vraiment être aveugle pour voir qui de nous trois, Sophie, Julie et moi est la plus désirée. Aucun homme ne peut passer près de nous sans se retourner et chercher le sourire de Julie. Elle illumine totalement notre groupe. Je ne suis pas jalouse de son attrait, au contraire, cela m’amuse de voir tous ces coqs lui tourner autour et j’en profite pour m’amuser à en charmer un. J’ai bien compris son manège et m’en affole pas plus que ça. Le jeu de la séduction prend parfois des chemins bien particulier.
Julie me propose d’attendre la fin du concert et de raccompagner sa sœur avant de reprendre sa voiture pour enfin rentrer. J’ai l’impression qu’elle repousse le moment fatidique. Et je la comprends. La parenthèse était bienvenue mais il faut bien revenir à la réalité.
Manu ne dort pas lorsque j’entre dans la chambre. Seule la lumière de son smartphone éclaire son visage mais cela me suffit pour que je ne me cogne pas dans les meubles. Je me sens un peu guillerette, le dernier cocktail devait être plus fort que je le pensais. Je retire mes vêtements et me blottis dans ses bras. Il m’embrasse tendrement et murmure :
— Sage ?
— Oui. Trop.
— Comment va Julie ?
— Durant la soirée, elle allait bien. Elle ne se laisse pas facilement aborder. Tim est jaloux tu crois ?
Manu hausse les épaules. Apparemment, les hommes parlent moins entre eux que nous.
— Si elle veut récupérer son mec, faudrait peut-être qu’elle essaie de fricoter avec un autre pour le rendre jaloux.
— Ouais… peut-être. Il y a une chance pour qu’elle lui pardonne ?
— Pas ce soir.
Je me remémore les quelques paroles qu’elle marmonnait sur le chemin du retour. Elle est trop polie pour devenir vulgaire, mais dans sa bouche ce n’était pas beaucoup mieux.
— Et Tim ? Tu en sais plus ?
— Il s’est pris une sacrée claque, en tout cas.
— Vous avez parlé ? Il t’a raconté ?
— Pas vraiment, comme deux mecs. Il n’est pas très causant, tu sais. Apparemment il aurait vécu un truc avec une nana qui semble avoir un peu du mal à se finir.
— Oh ben c’est pas grand-chose ça… Et sur le fait d’ignorer Julie ?
— Arrête Charlotte. Tout le monde ne pardonne pas une incartade et je suis pas certain que Julie accepte ce genre de chose.
— C’est plus important que l’amour pour elle tu penses ?
— Je pense que c’est tout aussi important. Ils se sont sans doute promis fidélité et il a bafoué cette promesse.
— Ouais… bon ça je pourrai peut-être…
Manu pose un doigt sur mes lèvres pour me faire taire et se redresse pour me fixer de son regard.
— Non Charlotte ! Du moins pas avant qu’elle te demande ton avis. Elle est totalement ton inverse, Charlotte. Ta discussion sur le sexe devrait t’aiguiller, non ?
— Tu as sans doute raison. Ça m’embêterait si… ils n’arrivaient pas à se rabibocher. Même si j’ai pas d’accroche avec Tim.
— En effet, tu ne le calcules même pas, dit-il en reprenant sa place et me serrant dans ses bras.
— Ben c’est mieux, non ? Il est bel homme c’est vrai et je comprends qu’il peut plaire… mais perso il ne me fait ni chaud ni froid. En plus, j’ai du mal avec son comportement envers Julie. J’ai appris à l’accepter, puisqu’elle semblait heureuse avec lui, mais…
Je me love dans le creux de son cou, embrasse tendrement sa peau, picore amoureusement la lisière de sa barbe tout en caressant le haut de son torse.
— Oui, c’est mieux. Il faudrait dormir, Charlotte.
Je ne vais pas insister. Mais il y a quelques années que l’on soit chez nous ou ailleurs, il n’aurait pas rechigné me faire l’amour. C’était peut-être sa façon de me punir pour la scène de hier.
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