Vendredi 28 juin / 2
Charlotte
Alors que je m’apprête à descendre l’escalier, j’entends une porte claquer. Je fronce et me dépêche de rejoindre la cuisine pour n’y trouver que les deux hommes. C’est donc Julie qui est partie. Je fronce les sourcils en embrassant mon mari qui m’accueille d’un sourire. Un peu crispé le sourire, mais un sourire quand même.
Tim contourne la table et s’approche de la machine à café, semble vérifier les boutons tout en marmonnant :
— Ne va pas croire qu’elle me faisait tout… Mais sans elle, je vais être…
— Sacrément perdu, renchérit Manu.
— Et dans la merde aussi ! Je pige pas… cette nuit elle m’a dit que j’aurai plein d’occasions pour lui prouver que… enfin que j’avais encore une chance et ce matin…
— Tu as reçu un message. Elle l’a lu et est montée te réveiller.
— Elle était furieuse ?
— Avant, ça allait. Elle ne rayonnait pas, hein ! Mais elle semblait assez calme.
— Chier.
Il semble réfléchir à chaque geste. Que mettre dans son café, où trouver une cuillère, quelle confiture choisir. Je l’observe en silence et lorsqu’il relève enfin le regard sur moi je lui annonce :
— Ce sont vos salades, on ne s’en mêlera pas… Mais est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?
Ben si… moi j’aimerais bien composer un peu avec leur salade. Surtout savoir de quoi il est question.
— J’en sais rien… je suis paumé.
— Tu cumules les histoires ou c’est qu’une seule nana ? dis-je sans pouvoir retenir mes mots.
Manu tourne son visage vers moi et me fait son regard noir. Mais je m’en fiche. S’il veut pas se confier, il se tait. À moi, il ne doit rien.
— Je croyais que vous ne vouliez pas savoir ! grimace-t-il. Et tu vas t’empresser de tout raconter à Lili ?
— Je ne suis pas une cafeteuse, non. Et je me pose des questions. Si tu ne veux pas répondre…
— Une seule… histoire. Mais c’est un peu plus qu’un plan cul.
— Parce qu’un plan cul elle accepterait ?
— Charlotte ! me gronde Manu.
— Non… Elle n’accepterait pas. Je sais.
Perdu dans ses pensées, Tim reste muet et je respecte. Je ne veux pas fâcher mon mari plus qu’il semble l’être déjà.
— J’adore Julie, ce n’est pas le problème. J’aime vraiment la vie avec elle. Je n’aurais pas voulu d’une autre femme qu’elle… elle est juste parfaite.
— Trop parfaite ? supposé-je.
— Peut-être oui. Certains disent que c’est ennuyeux la perfection.
— Je vais avoir du mal à te laisser dire du mal de Julie, intervient Manu. Même si je ne veux pas prendre parti.
— Je comprends.
— En tout cas, là… je pense qu’elle est partie pour une jolie petite rébellion.
— Apparemment, elle serait prête à coucher avec n’importe qui !
— Génial, m’exclamé-je, vraiment heureuse pour elle.
Mais les hommes ne semblent pas du même avis et je me retiens de poursuivre avec mon enthousiasme.
— Pour te faire chier ?
— Je ne sais pas trop… peut-être juste pour s’amuser !
— D’après ce qu’elle a dit hier soir, tu ne la gâtais plus beaucoup. Elle doit être sacrément en manque !
— Julie n’a jamais tellement aimé ça !
— C’est pas qu’elle n’aime pas le sexe, c’est juste qu’elle a besoin de beaucoup de préliminaires. Après ça semble rouler tout seul ! dis-je avant de mordre dans une tartine.
Les pauvres, tous les deux semblent totalement surpris par ma déclaration. Tim en a même lâché sa tartine alors que Manu reste la main en l’air le café risquant à tout moment d’éclabousser son short.
— Tu… elle… vous, bredouille Tim.
— Ben oui, je lui ai demandé. Faites pas cette tête, pourquoi deux femmes ne pourraient pas parler de sexe ?
— Je ne vois pas Lili parler de sexe… même avec toi, s’exclame Tim, retrouvant soudain l’usage de la parole.
— Détrompe-toi… On en parle souvent, même ! Et je me réjouis qu’elle me raconte ses nouvelles frasques.
— Parce qu’elle… enfin… tu… elle a…
— Tu bégaies mon amour. Oui, hier soir, elle ne s’est pas trop gênée.
Le clin d’œil que je lui adresse lui fait comprendre que mes confidences sur l’oreiller étaient correctes, alors qu’en ce moment je cherchais à faire réagir Tim.
Les garçons commencent à bouger à l’étage. Tim est parti se doucher pour essayer de se redonner une allure un peu moins froissée, puis en descendant, il attrape son téléphone, le range dans la poche de sa veste. Manu se lève et m’embrasse tendrement avant de suivre son collègue. Je me retrouve seule prête à accueillir les enfants pour leur petit déjeuner. Mais à peine la voiture éloignée de la maison, qu’une main frappe contre la baie vitrée. Je me retourne surprise, et me lève d’un bond pour ouvrir à Julie.
— Qu’est-ce que tu faisais dans le jardin ?
— J’ai fait le tour du quartier trois fois, puis je me suis réfugiée derrière les buissons. Je ne voulais plus le voir. Pas ce matin.
— Il ne faisait pas le fier.
— Encore heureux. Il… Il m’a trompée Charlotte… Comment je peux pardonner ça ? chuchote-t-elle.
Une larme roule sur sa joue, qu’elle essuie rageusement. Les voix des garçons nous parviennent et nous préviennent de leur arrivée imminente. Julie ferme les yeux et chuchote :
— Pas un mot devant les enfants.
Je pose une main sur la sienne, embrasse sa joue et lui en fais la promesse.
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