Jeudi 19 septembre

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Julie

Il est vingt heures lorsque j'arrive chez Charlotte. Elle m'a promis une soirée entre filles et j'ai proposé de venir la chercher. C'est Manu qui m'ouvre la porte et je marque une seconde d'hésitation. Même si je m'y attends, je reste toujours surprise par l'attirance que je ressens envers lui. Il me sourit avant de parcourir du regard ma silhouette.

J'ai pris un soin particulier pour me vêtir ce soir et j'espère que cela se remarque, mais je n'ai pas besoin d'attendre longtemps pour le savoir.

— Bonsoir Julie. Tu t'es faite toute jolie. Tu pars en chasse ? me lance Manu alors que Charlotte descend les escaliers et siffle d'admiration.

— Pas en chasse, juste récupérer quelques sourires pour me sentir bien.

— Waouh, s'extasie Charlotte. Tu veux que j'aille me changer ? demanda-t-elle précipitamment en jugeant sa tenue et la mienne.

— Non, Charlotte, tu es toute mimi. Je n'avais jamais eu l'occasion de mettre cette robe. J'en profite.

— La tenue, la coiffure, le maquillage, les hauts-talons, énumère mon amie.

— Arrête répliqué-je gênée d'être ainsi détaillée.

— Entre, deux minutes, je reviens, je ne veux pas avoir l'air en reste, dit-elle en remontant précipitamment.

Manu s'écarte et me fait signe de rejoindre le salon. Je sens son regard sur moi. Je ferme les yeux, essayant de reprendre une contenance. J'ai aimé son attention et l'étincelle que j'ai vue passer dans ses pupilles m'a montré que je lui plais. Même si je n'ai pas mis cette tenue pour lui, je suis heureuse de sa réaction. Je me tourne pour lui faire face tout en cherchant un sujet de conversation, mais c'est inutile. Il s'approche, me fixe tant que c'en est presque indécent. Je constate qu'il semble dans le même état d'émotion que moi. Il inspire profondément, son regard ne quitte plus mes pupilles, il écarte légèrement les lèvres pour mieux respirer et je pince les miennes. Il soupire fortement, puis son intensité change. Il se penche vers moi et me chuchote :

— Charlotte sait pour nous.

Je déglutis, ferme les yeux et deviens toute pâle. Mon sang a quitté mon visage, mes mains se mettent à trembler et j'entends mon cœur cogner mes tempes. Je savais qu'il lui avait avoué avoir embrassé une femme, mais pas qu'il s'agissait de moi.

— Tu... tu le lui as dit ? m'étranglé-je.

— Elle a deviné. Elle n'est pas fâchée, ne panique pas !

— Mon cul, oui. Elle va me massacrer !

— Non, au contraire.

— Manu... j'ai embrassé son mari ! Elle ne peut pas être contente de ça.

— Elle t'expliquera mieux que moi, mais je ne pouvais pas te laisser partir sans te prévenir.

— Sympa !

J'ai un vertige et me sens vaciller. Je m'agrippe au meuble près de moi et tente de remettre de l'ordre dans ma tête.

— Julie, dit-il en s'approchant plus encore de moi.

— Manu... je ne gère pas là. C'est même la panique totale !

— Tu préfères en parler ici ? Tous les trois ?

— Avec les enfants sous le même toit, tu délires toi ! J'aimerais mieux m'en aller, dis-je en faisant demi-tour immédiatement.

— Ne dis pas n'importe quoi, me surprend Charlotte. Allez viens, on va faire les folles.

Je me retourne et la détaille des pieds à la tête. Sa robe est magnifique, mais si courte que j'en reste bouche bée.

— On prend ma voiture ? demande Charlotte sur le pas de la porte.

Pour qu'elle m'abandonne au milieu d'une forêt ? Pas question.

— Non, la mienne, déjà que tu fais l'effort de me sortir ! tenté-je de dire pour me détendre, mais c'est peine perdue.

— N'importe quoi ! Je fais des efforts, mais pas celui de te sortir.

Et merde ! C'est pour moi cette remarque ? La soirée sera une catastrophe. Je me vois valser dans la boue, espérant échapper aux coups de Charlotte qui me tiendra par les cheveux. Je n'aurais pas dû mettre des hauts talons, et encore moins cette superbe robe. D'un seul coup, je me sens minable et plus du tout à mon avantage.

— Où allons-nous ? demandé-je d'une petite voix.

— Un bar tranquille. Que penses-tu du Pony's ?

— Je n'y suis jamais allée.

— C'est sympa tu verras.

La route me paraît atrocement longue et je dirige la conversation sur l'école et les nouveaux enseignants de nos enfants. J'ai rapidement compris que Charlotte a une dent contre l'un d'eux et ça meuble la discussion jusqu'à ce que j'arrête le moteur de la voiture dans le parking.

Mais une fois installées dans un coin au fond du bar, Charlotte me détaille avec attention.

— Il n'a pas pu s'empêcher de te le dire ? annonce-t-elle doucement.

— Charlotte...

— Je vois que tu es mal et que tu ne gères pas. Tu as à peine répondu à mes questions dans la voiture. Détends-toi, s'il te plaît.

— Comment je pourrais ? marmonné-je en plongeant mon attention dans le verre que la serveuse vient de poser devant nous.

— Et si je te dis que j'aimerais que tu recommences ? Ça t'aiderait ?

— Quoi ? m'étranglé-je.

Je redresse le visage et la regarde d'un air ahuri. J'ai du mal entendre. Elle ne peut pas être sérieuse.

— Non... non... non, répété-je en secouant la tête. Tu ne peux pas dire ça, tu ne peux pas vouloir ça.

— Si ! Et surtout, j'aimerais que tu couches avec lui. Mais pour que tu le comprennes, il faut que je t'explique mon fonctionnement.

Je passe une main dans mes cheveux, défais une attache et je réalise soudain que je vais avoir l'air ébouriffé. Je tente de me recoiffer à l'aide de mes doigts, mais sans miroir, je n'arrive à rien. Charlotte attrape une mèche et je marque un mouvement de recul.

— Ne crains rien, s'il te plaît. Je ne suis pas fâchée, bien au contraire.

— Mais comment tu peux... Charlotte, je suis tellement désolée.

— Ne le sois pas. Mais écoute-moi.

Sans répondre, je hoche la tête. Mon cœur bat à une vitesse incroyable, je me sens toute transpirante, j'ai les mains moites et mon souffle est de plus en plus saccadé. Sans trop savoir pourquoi, je sais que ma vie va changer... immanquablement après cette soirée tout sera forcément différent.

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