Mardi 7 octobre

6 minutes de lecture

Julie

Je fais défiler les prénoms dans mon répertoire sans trouver un seul homme capable de m'aider en dehors de Martin, Tim et Manu. Je ne vais pas réclamer le soutien de mon ex et mon ancien voisin semble avoir choisi son camp, par contre Manu...

Il me manque. Son regard, ses attentions, sa prévenance, sa gentillesse. Sans plus attendre, je lance l'appel et il décroche au bout de seulement deux sonneries :

— Emmanuel Roucal ?

— Salut Manu. Emmanuel ? J'ai perdu l'habitude de te nommer ainsi, souris-je.

— Je n'ai pas reconnu ton numéro, bonsoir, Julie.

— C'est normal, j'ai changé d'opérateur. Tout était au nom de Tim.

— Tu vas bien ?

— Oui. Je rentre à peine de Lausanne, je suis un peu crevée, mais ça va. Et toi ?

— La maison est vide. Charlotte est partie quelques jours chez ses parents avec les enfants.

— Effectivement, ça doit te faire drôle.

Zut, je refuse de diriger la conversation sur une quelconque intimité, mais juste réclamer un coup de main à un ami. Heureusement Manu n'insiste pas.

— Tu aimerais parler à Charlotte ?

— En fait, j'aurais voulu lui demander si elle te libérerait un soir pour m'aider à faire quelques travaux de rénovation dans ma nouvelle maison.

— Ça m'étonnerait qu'elle refuse, mais je te laisse lui téléphoner, répondit Manu en riant légèrement.

— Et le principal intéressé serait partant pour protéger les poignées de portes et les pourtours des fenêtres ?

— Quand veux-tu que j'enfile ma salopette ?

— Un soir de cette semaine, suivant tes disponibilités.

— Ce soir ?

— J'attends un étudiant pour qu'il fasse un devis pour la pose d'un parquet et je commence après. Tu crois que Charlotte sera d'accord ?

— Appelle-la, elle sera heureuse de t'entendre.

— Promis, je le fais immédiatement.

— Tu as mangé ? J'avais prévu pain fromage, mais je peux passer au traiteur ?

— Je n'ai rien ici, même pas une fourchette ou un verre, Manu.

— Je m'arrête en route, te préoccupe pas de ça, dit-il avant de raccrocher.

Charlotte

Je regarde attentivement mon téléphone vibrer et j'hésite à répondre. Les numéros inconnus réservent souvent la surprise d'un appel commercial. Mais c'est qu'il insiste. Je décroche dans un « ouais » à peine poli.

— Bonsoir Charlotte.

— Julie ? C'est quoi ce numéro ? Tu appelles du boulot ?

Elle m'explique son changement d'opérateur, son envie de faire table rase de sa vie passée et surtout de ne plus rien devoir à Tim. Même si l'ambiance semble cordiale, elle préfère se débrouiller toute seule.

— J'ai eu Manu chez vous et il m'a dit que tu étais chez tes parents.

— Oui, la voie est libre !

— Charlotte ! me réprimande-t-elle. J'ai besoin d'un coup de main pour quelques travaux et je me demandais si...

— Manu n'est pas très bricoleur, mais je suis certaine qu'il sera ravi de t'aider. Pour tout ce que tu voudras bien lui faire faire.

— Charlotte, soupire-t-elle.

— Julie, tu as pris ta décision ? demandé-je ne supportant plus cette attente interminable.

Elle garde le silence, je retiens ma respiration. Je m'étais pourtant promis de ne pas la bousculer, mais j'ai besoin de savoir.

— C'est long Julie... Réellement.

— Charlotte, tu es vraiment sûre... certaine que...

— Tu acceptes ? m'exclamé-je soulagée.

— Je sais pas trop. Je verrai les prochains jours, mais ne te fais pas de films. Et je mettrai des limites, me prévient-elle.

— Comme quoi ?

— J'en sais rien, les lieux de rencontres, la fréquence... Et ici, ça sent un peu le moisi et il n'y a aucun meuble. Ce n'est pas ce soir que ça va se faire, c'est juste ce que je voulais te dire !

— Il n'y a pas toujours besoin d'un lit, tu le sais, non ? minaudé-je.

— Charlotte, j'ai réclamé un coup de main pour protéger les fenêtres pas...

— Moi la seule condition que je mets, c'est que tu ne me demandes pas l'autorisation de te servir de mon mari. Je préfère le retrouver avec le sourire et me dire que dernièrement tu es passée par-là.

— Chacune nos exigences, murmure-t-elle.

— Il a intérêt à assurer, le pauvre !

Je l'entends pouffer avant qu'elle ne bredouille :

— Je n'en reviens pas de ce que je viens de te dire.

— Arrête de réfléchir, Julie. Vis ! Profite. Je ne changerai pas d'avis. N'aie aucune crainte.

— Charlotte, quelqu'un frappe à la porte. Ça doit être le jeune que j'attends pour les travaux. Je vais te laisser.

— Et comment est-il ? Beau, musclé, les cheveux noirs ?

— Non, il est plutôt... blond !

— C'est pas mon mari ça ! m'esclaffé-je.

— Kevin ? demande Julie, sans doute en invitant l'ouvrier à entrer.

— B'soir m'dame.

— Ni sa voix ! ajouté-je. Je te laisse, Julie. Mais n'oublie pas, la vie est courte. Je passerai te voir, en rentrant.

— Avec plaisir.

Emmanuel

Je regarde longuement le visage souriant de Julie affiché sur l'écran de mon téléphone espérant que ce rapprochement ne soit pas qu'amical. J'ai promis de ne pas la brusquer, d'attendre qu'elle prenne seule la décision et même si je comprends que son quotidien soit plus que chargé, je trouve le temps long. Je n'en parle pas à Charlotte, elle le fait suffisamment pour deux et si je la rassure, je m'impatiente aussi. Et surtout, plus les jours passent et moins j'estime nos arguments convaincants. Je n'imagine vraiment pas Julie changer d'avis. C'est tellement éloigné de son monde, de son éducation. Comment pourrait-elle accepter de coucher avec un homme marié ?

Soudain je crains de la revoir, qu'elle me réponde et qu'elle refuse. Tant que je ne la vois pas, je garde l'espoir d'un potentiel oui, mais si ce soir, elle me dit non. Et si ce soir, elle me confirme que cette attirance n'était que passagère pour elle ?

Je me raisonne. Au moins je saurai et je pourrai aller de l'avant.

Je prépare un en-cas avec ce que je trouve dans le frigo et qui peut se manger froid, j'ajoute une bouteille de vin, les couverts et les verres, puis je monte dans la voiture et suis les indications que Julie m'a envoyées par message.

Je reconnais sa voiture, j'arrête la mienne derrière et quitte l'habitacle, le panier pique-nique entre les mains. La porte d'entrée est ouverte et j'entends des voix. Celle de Julie évidemment, mais aussi une masculine. Sans doute l'étudiant.

— Les outils, c'est mon affaire. Faut mesurer les surfaces au sol ajouter dix pour cent pour les coupes, ne pas oublier de prendre une sous-couche pour isoler le parquet dans les chambres, les plinthes et les seuils sous les portes. Pour la peinture des murs...

— Ça, je m'en charge. Je m'en occupe avec les enfants ce week-end. Ça va si vous commencez lundi ?

— C'est parfait.

— Vous ne m'avez toujours pas dit votre tarif.

— Cent par chambre et deux cents pour le salon.

Julie relève les yeux et après m'avoir salué d'un clin d'œil, me demande silencieusement mon avis. Je lui souris. Le tarif est plus que raisonnable.

Je me cache dans la salle de bain le temps qu'elle remercie le jeune, mais il cherche manifestement à prolonger l'entrevue. Heureusement, elle a pris une assurance que je ne lui connaissais pas et elle l'accompagne jusqu'à la porte sans trop de manières.

— À lundi. Sept heures sans faute. Je dois être à Lausanne pour huit heures.

Il acquiesce, lui serre la main sans la quitter des yeux et je m'impatiente.

— J'en connais un à qui tu fais pas mal d'effet, dis-je dès que la porte est refermée.

— Un seul ? Mince alors ! me surprend-elle en riant.

Elle me tourne encore à moitié le dos et le temps qu'elle se retrouve face à moi, j'en profite pour l'admirer sans détour.

Elle porte un jean et un petit haut blanc très sage, le col rond offre une vue sage sur son décolleté que l'on devine généreux. Le tissu colle à sa peau et montre la cambrure de ses formes. La finesse de son cou me paraît différente, elle a relevé ses cheveux et le collier finit joliment le tableau.

Elle se retourne entièrement et nos yeux se fixent.

Annotations

Vous aimez lire Méline Darsck ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0