Un jour peut-être

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J’étais devenu un monstre. Destiné à errer jusqu’à la fin des temps en solitaire. Je m’étais réfugié dans la forêt, las d’effrayer mon double qui s’entêtait à vouloir m’échapper. J’avais toujours voulu fuir ce que j’étais, tant dans mon métier que dans ma vie personnelle. A présent, je ne pouvais qu’affronter la vérité. Je suis un monstre. Les meurtres que j’avais commis, les âmes que j’avais volées étaient mon propre fait. C’était d’ailleurs la seule chose que j’avais choisie dans mon existence. Je suis un monstre et je le resterai. Je ne m’étais jamais senti autant entier, autant à ma place ; pourtant, je n’étais plus humain. Je n’étais que laideur, voué à me conduire tel un animal pour le restant de mes jours.

Un bruit attira mon attention. Quelqu’un semblait se rapprocher de ma position. Mes yeux me permettant de voir dans la nuit, je fixais l’humain qui m’approchait sans peur.

— Eh bien mon vieux, on peut dire qu’ils t’ont pas loupé ! s’exclama Jean.

Son regard se fit triste.

— Si seulement tu m’avais avoué ce que tu avais fait, tu ne serais peut-être pas dans cette situation.

— Rrrrrrrr, répondis-je, impuissant.

Je ne parvenais à émettre aucun autre son. Pourtant, il comprit, comme toujours.

— C’est dommage, je te préférais avant. Tu étais pas mal.

— Rrrrrrr

Il mit les mains sur ses hanches, me contemplant en fronçant les sourcils. Je baissai la tête, honteux qu’il me voie dans cet état.

— Il semblerait que tu sois bloqué ici avec moi.

Je relevai la tête. Si mon visage n’était pas aussi fixe, il aurait arboré un air interrogateur.

— Laisse-moi t’expliquer.

Il s’assit sur une racine, faisant glisser ses mains vers ses genoux.

— Ecoute et enregistre. Je ne pourrai plus le répéter.

Il se râcla la gorge.

— Je ne t’ai pas dit toute la vérité. D’abord, je n’écris pas par plaisir, mais par devoir… le mot punition étant plus juste. J’ai commis des erreurs dans mon passé. En venant à la Réunion, ils m’ont coincé. Ils me suivaient depuis longtemps, tout comme toi. Ils nous ont laissé une chance d’avouer nos fautes. On ne l’a pas fait. Alors, ils nous ont puni. L’écriture constitue mon cercle. Ton apparence et ce que tu as vécu ici, c’est le tien. Tu es voué à te revoir échouer, encore et encore et à devenir ce que tu considères être. Je l’ai compris quand je suis allé dans ta chambre pour t’apporter le fruit du dragon. Je t’ai croisé, mais pas au bon moment. C’était la première fois que je rencontrais quelqu’un ayant subi le même sort que moi. Je t’avais laissé un mot pour t’avertir, mais tu n’y as pas accordé grande importance.

— Rrrrr

— Quand il fera jour, tu reprendras forme humaine. Ils me l’ont dit. Je t’attendrai chez moi.

Il commença à partir avant d’ajouter :

— Tu verras, ce ne sera pas si terrible que ça. Nous sommes deux maintenant.

FIN.

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