Chapitre 7
Seyvanna
On arrive dans un étrange sous-sol. J’avoue que je n’aurais jamais douté d’un lieu pareil dans cet immeuble luxueux. Ici c’est humide, l’éclairage est rouge, l’ambiance assez sinistre et horrifique. J’ai l’impression qu’ils me conduisent dans un hôpital psychiatrique abandonné où l’odeur de sang et d’urine est forte. J’entends des cris effroyables, provenant de certaines cellules. Je ne peux pas voir à l’intérieur des hublots, car Jonas et Dominik me tirent rapidement par les épaules. Comme mes chevilles sont attachées, ils me soulèvent juste assez pour que mes pieds frôlent le sol.
—Dis-moi, Seyv, tu sais très bien comment fonctionnent les interrogatoires russes quand un suspect est en garde à vue, n’est-ce pas ?
Je ne réponds pas. Bien sûr que je le sais.
—Ils fonctionnent sous la torture pour faire avouer des vols, des meurtres. La pratique est assez cachée, mais elle existe. Parfois même les suspects sont violés et parfois d’autres sont retrouvés morts. On parle de flics. Alors, imagine lorsqu’un réseau criminel place une personne en garde à vue. Imagine un peu le supplice. Parce que c’est dans cette cellule qu’on t’emmène. Cette cellule sert principalement à soumettre les prostitués. Et ça marche à tous les coups. Parce que pas une seule de mes esclaves n’a jamais tenté de fuir, pas une seule n’a refusé de satisfaire un client dans les chambres à l’étage. Elles bossent toutes pour moi après avoir été torturées et que j’ai instauré la peur et le contrôle sur elles. De toute manière, elles savent que si jamais elles me tiennent tête, elles finiront ici, dans un cachot, vendues à un client qui a envie de tuer.
Je sursaute lorsqu’une femme blonde se jette contre la porte d’une cellule, le visage en sang, lâchant un cri de mort ! Le bruit de ses coups dans la porte en métal résonne dans le sous-sol et me laisse une frayeur, puisque l’instant d’après, un homme, portant un masque de la purge, la poignarde dans le dos !
L’endroit fait ressortir des émotions que je n’ai jamais ressenties auparavant. Jonas est bien plus taré qu’il ne le laisse paraître. Ce n’est pas juste un connard, c’est un pur sociopathe. Comment il peut détenir un tel endroit ?
On me pousse dans une pièce où tous les murs sont en céramique verte, comme une énorme douche commune. Au centre, il y a une table, avec des chaînes suspendues au plafond et un truc qui ressort du plafond, comme un tuyau pour un jet d’eau, mais pas standard.
Dominik verrouille la porte dans un son lourd et terrifiant alors que Jonas enroule son bras autour de mon cou et me traîne jusqu’à la table. Il me place, à plat ventre, puis, se dirige vers la porte, où sont placés des trucs qui ressemblent à un tablier noir en latex pour protéger leur habit de l’eau.
—Faut d’abord que tu comprennes que tuer un de mes hommes, c’est punissable. Alors je vais actionner le levier ici au mur et un jet d’eau à 3 degrés t’aspergera. Il faut savoir qu’une eau glaciale comme ça pendant quinze minutes, t’envoie en hypothermie et voire même jusqu’à la mort. Si j’abuse. C’est comme se retrouver dans les eaux arctiques. Et puis, je trouve que t’as besoin d’un bon rinçage.
Jonas baisse le levier et à la seconde où un jet d’eau touche mon dos, j’ai la sensation que des milliards de couteaux tranchants contre me peau ! J’ai l’impression qu’on me coupe à mainte reprise avec une hache !
C’est plus fort que moi : je hurle ! Mon corps réagit immédiatement, et commence à sangloter violemment.
Au bout de cinq longues et interminables minutes, il arrête tout, me laissant au bord de l’hypothermie, comme si on me sortait d’un océan glacial. J’ai tellement perdu de chaleur, que même mes organes internes sont saisis par le froid violent. Je n’expulse aucune buée d’une chaleur quelconque. Mon corps est raide, je ne sens plus mes lèvres, je suis incapable de parler et mes cheveux trempés me collent à la peau, tels des glaçons.
On coupe les liens à mes poignets, me retourne sur le dos et je vois Jonas au-dessus de moi, les genoux de chaque côté de mes hanches sur la table et, muni d’un couteau, il déchire mon t-shirt, partant du cou jusqu’aux cuisses. Ma peau est ferme, mes seins dévoilés lui exposent mes tétons mouillés et bleutés par le froid. Il apprécie la vue et fait glisser la lame sur mon ventre qui ne cesse de tressauter. Il est assis sur mes hanches, mais en laissant tomber ses yeux, il voit mon pubis sous lui. Il promène la pointe du couteau près de mes lèvres et lorsqu’il relève la tête pour m’examiner, il sourit. À voir son expression et ce regard sombre, je devine que ce mec a fait des choses… horribles dans sa vie. Il a tué, assurément violé et torturé des filles. Durant une seconde, j’ai cru qu’il avait envie de m’enfoncer ce couteau dans le vagin, juste pour me faire crier de douleur. Mais il s’est ressaisi.
Il a retiré son tablier en latex qui protégeait ses vêtements. J’essaie de parler, même si ma gorge est serrée et qu’un tremblement envahit ma voix :
—Fais-moi… toute… les tortures que tu veux… j’ai été entraînée pour ça.
Il se penche sur moi, son visage est à quelques centimètres du mien. Mon corps décide qu’il se réchauffe, comme si les battements de mon cœur reprenaient de la vigueur. Le parfum de Jonas envahit mes narines.
—Tu n’es pas entraînée face à mes tortures, Seyv…
—Je… je bosser…bosserai pas pour toi, insisté-je en le dévisageant.
—Quoi, tu vas me faire croire que tu préfères retourner dans ta famille ? Avec un oncle qui veut t’assassiner et continuer à être l’objet de désir de ton frère ? C’est ça ton souhait et l’avenir que tu veux ?
Il mordille sa lèvre, voyant ma réaction. Comment sait-il tout ça ? Et ça l’amuse en plus de savoir que je suis le jouet de mon frère ?!
Je continue de grelotter, mais le corps ardent de Jonas sur le mien, me réchauffe, alors je ne cherche pas à le repousser. Au contraire, je voudrais qu’il reste là, le temps que je reprenne des forces.
—Juste parce que t’appartiens à Mikhaïl et que ça le mettrait hors de lui qu’un autre homme pose la main sur toi, ça me donne envie de te déglinguer solide.
Je réussis à échapper un rire, malgré mes tremblements.
—Je… je préfère encore que ce soit… Dominik, lui balancé-je à la figure juste pour le rembarrer et lui écorcher son égo démesuré.
Jonas pince les lèvres, l’air de dire « aie ».
Il va même jusqu’à se retourner vers son pote qui attend près de la porte et échange un rire avec lui.
—Putain, cette fille me plaît, Dom. Je m’amuse grave.
En baissant les yeux furtivement, je constate qu’il est encore en érection. Il suit des yeux ce que je regarde et vient poser sa main sur son membre qui bondit sous son pantalon. Il se caresse un peu, comme pour soulager son gland gorgé de sang. Ou pour tenter d’apercevoir une excitation chez moi, puisqu’en relevant les yeux, je constate avec gêne, qu’il me fixe. Mon sang chute dans mon corps. Un doux frisson provoqué par sa chaleur recouvre la surface de ma peau.
J’ai beau le détester, sa proximité me donne la fièvre, comme si je perdais mes moyens. Je deviens toute molle et mon ventre qui se noue à chaque fois qu’il pose les yeux sur moi, me perturbe.
Je me ressaisis et reprends une expression hargneuse.
—Je vais te tuer.
—On ne tue pas son meilleur allié…
Je fronce les sourcils.
—Vois-tu, je surveille la mafia depuis… au moins un an. J’ai des caméras et des micros partout. Comme j’ai un contact infiltré, Edja Pavlenski que tu connais bien, il a pu installer des caméras dans les bunkers, les hangars, les bars que vous possédez, et même dans le charmant manoir. J’ai vu des tas de choses, j’analyse le fonctionnement du réseau. J’apprends vite. Désormais, je connais les faiblesses de chacun, les secrets, mais surtout les failles pour abolir la mafia. Les tuer jusqu’au dernier.
Jonas s’annonce être mon pire cauchemar. Il arrive à me faire douter un instant si je suis de taille à l’affronter. Merde… je dois me ressaisir, bien sûr que je peux le tuer. C’est facile ! En fait, j’essaie de me convaincre.
—Oh… et j’ai vu comment Mikhaïl abuse de toi. Quand tu sens que tu vas passer une rude nuit, tu essaies de te saouler avant ou de consommer une drogue pour oublier ce moment. Je vois comment tu tournes la tête quand il t’embrasse ou quand il te baise. Durant un an, t’as pas joui une fois au lit. Au fils des mois, je peux dire que je te connais, Seyv, peut-être même mieux que personne. Je t’ai observée pendant tes moments de solitude, tes passe-temps, les conversations que tu as eues avec Lee, ta seule copine. J’ai regardé tes séances de masturbations, dans l’espoir d’avoir un orgasme alors que tu étais trop effrayée de t’abandonner à ton corps, car Mikhaïl a réussi à jouer dans ta tête et à te laisser croire que ton corps lui appartient. T’as pas le contrôle sur ton propre désir et n’obtiens aucune satisfaction sexuelle.
—Va te faire foutre, craché-je avec moins de sanglots dans ma voix.
Mais il se fiche de ma haine, il continue :
—Travaille pour moi, Seyv et je t’offrirais la liberté.
Je reste sous lui, à le contempler, yeux dans les yeux, cette fois je ne détourne pas le regard. Il finit par regarder mes lèvres, mais qu’une seule seconde, comme s’il s’était laissé distraire et qu’il devait revenir à son personnage d’homme froid et autoritaire.
—Laisse-moi t’expliquer. Pour abolir une grande organisation criminelle telle que la mafia, et prendre entièrement son territoire et le réseau, il faut éliminer d’abord le parrain. Fait. Ensuite, la distribution. Qui s’occupe de la distribution ?
Je reste figée. Il connaît la réponse, mais il attend de moi à ce que je participe à cette discussion. Je vais enfin découvrir pourquoi je suis là et ce qu’il attend de moi.
—La distribution est composée de deux gangs qui travaillent pour nous.
Il sourit.
—Exact. Et qui sont-ils ?
—Il y a le gang Ulichnyy Terror « terreur de la rue » qui gère pour la mafia la vente de stupéfiant dans la rue et la prostitution de quartier. Ce sont des sauvages qui pillent partout et font du vandalisme. Ils affichent fièrement leur bandeau rouge sur le visage.
Jonas me fait un clin d’œil, me rappelant que j’ai vécu un gang bang avec cinq membres de ce gang dégueulasse et je ne sais toujours pas pourquoi il m’a fait ça.
—Continue.
—Ensuite, il y a le gang Krov’ Ada « le sang de l’enfer » les motards qui gèrent les bunkers d’argent sale et la vente d’armes dans les hangars.
—Bien. Et qui deal avec ces gangs pendant que Barron était cloué au lit avec des soins palliatifs pour son cancer généralisé ?
—Euh… bah, c’est Mikhaïl.
—Exact. Alors dis-moi, Seyv… comment je peux faire éliminer ces deux gangs qui appartiennent à la mafia ?
—Je… j’en ai aucune idée.
—Si on creuse, on finit toujours par trouver le point faible d’un ennemi. Et celui de Mikhaïl, c’est toi.
Je ne comprends pas où il veut en venir. Mais je sens qu’il va éclaircir tout ça. Il a intérêt.
—Si un homme te touche… Mikhaïl perd la tête, au point d’être distrait sur son poste. Je l’ai vu te frapper dans la boite de nuit, parce que tu m’as souri. J’ai vu tellement de choses et entendu tellement de choses provenant de lui en le surveillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Alors, supposons que j’ai pris mes hommes, cinq, pour être plus précis, je les ai habillés comme le gang des terreurs de rue, avec aussi de faux bandeau rouge du gang et que j’ai filmé une scène de viol collectif et que ça s’est retrouvé ce matin, entre les mains de Mikhaïl et qu’il croit que le gang a tué non seulement Barron, mais kidnappé sa précieuse petite sœur pour en plus… abuser de son jouet le plus précieux. À ton avis, comment un homme pareil réagirait ?
Mon corps se remet à trembler lorsque Jonas s’écarte et débarque de la table.
—Allez, cherche un peu.
—Je ne sais pas ! J’n’en sais rien ! Je ne comprends rien !
Jonas ajuste sa cravate et son veston. Ce n’est pas possible d’être aussi séduisant et détestable à la fois.
—Eh bien, à l’heure actuelle, Mikhaïl qui a reçu la vidéo anonymement et la photo de votre père mort, ordonne l’exécution du gang. Ce qui veut dire qu’il réunit toute la mafia russe pour venger la mort du parrain, mais aussi te récupérer. Car il croit que tu es leur captive. Donc si tu fais les calculs, ton frère est inconsciemment en train d’éliminer pas moins d’une quarantaine d’hommes. Donc il affaiblit son maillon lui-même. Lorsqu’il aura tué les deux gangs, il ne restera plus que lui et sa famille. Plus aucun allié. Et je pourrais attaquer.
Je ris. Mais cette fois, sans être capable de m’arrêter.
—T’as la folie des grandeurs Jonas Somber Jann.
Il me sourit. Mais cette fois, on dirait que son sourire est affectueux.
—J’ai toujours été comme ça. Et… j’obtiens tout ce que je veux. Ce que je veux, c’est faire disparaître la mafia dans son entièreté.
—Et dis-moi, comment comptes-tu faire tuer le gang de motards après que Mikhaïl ait fait assassiner l’autre ?
—C’est là que tu rentres en scène, ma beauté. Tu vas retrouver Mikhaïl dans quelques jours, tu auras été torturée, ton corps sera couvert d’hématome et de bleu, tu seras démolie, oh peut-être quelque fracture aussi. Et tu lui parleras de combien tu as été malmenée par les deux gangs, alors qu’ils montaient un complot contre lui pour le tuer. Mais tu as réussi à t’enfuir. Ton frère va croire à tout ce que tu racontes et fera liquider son autre gang. Il perdra tous ses pions. Il n’est pas prêt à diriger un territoire aussi énorme. Alors rendu-là, je vais gérer la suite. Mais ne me supplie pas d’épargner Mikhaïl Pavlenski. Pour ton boulot, tu seras payée un million. Et comme je te l’ai dit, je suis non seulement ton meilleur allié en ce moment, mais je suis le seul à pouvoir t’offrir une vraie liberté. Car une fois que j’aurai le pouvoir et obtenu le territoire et tué tout le monde, tu seras libérée de la mafia et… libérée de ton frère. Alors avant de croire que je suis une ordure, souviens-toi que le matin où j’ai choisi de te faire monter sur ma moto, je t’ai sauvé de cette vie impitoyable… ou d’une mort certaine.
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