Chapitre 14

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Seyvanna



Au réveil, je suis avachie sur les draps, la lumière du jour pénètre par la fenêtre, malgré un ciel nuageux. Je me suis assoupie juste après le départ de Jonas et j’ai sombré dans un sommeil profond. J’ai assurément dormi toute la nuit et une bonne partie de la matinée. Je redresse la tête pour jeter un œil aux dégâts. J’ai un mal de crâne, mon corps n’est rien d’autre qu’un énorme hématome. Ma gorge me brûle, et je me sens toute collante. Il me faut dans l’immédiat une douche chaude. Mais lorsque je m’assois sur le lit, prête à me relever, de vives courbatures dans tout le corps surgissent et plus encore entre mes jambes. En touchant délicatement avec mes doigts, je retrouve du sperme séché et un peu de sang. Pas étonnant, avec la violence à laquelle il m’a enfoncé ses doigts et son sexe si imposant, il m’a assurément causé une légère déchirure.

Je rassemble mon énergie et sort du lit sous une grimace de souffrance. L’os de ma joue est sensible à cause de son coup de poing qui s’est écrasé sur ma figure, mais ma mâchoire à encore plus morflé en recevant un coup de botte. Je n’ai plus aucun vêtement, alors j’ouvre une des penderies de Jonas pour lui piquer un t-shirt noir que j’enfile aussitôt. Ce type est si grand que son vêtement, une fois enfilé, termine à la hauteur de mes genoux. En mettant un pied en dehors de la chambre, j’écoute le silence. Le penthouse semble vide. Alors j’accélère le pas jusqu’à la salle de bain en bordant le couloir -telle une intruse- et referme immédiatement la porte derrière moi. Mon reflet dans le miroir me renvoie les marques de strangulation contre ma gorge, avec ces empreintes de doigts qui ont laissées des rayures rouges qui virent doucement au violacé. J’ai une mine affreuse. Mes longs cheveux noirs sont ondulés et emmêlés. Mes yeux émeraudes sont fatigués et mon regard semble vaseux.

Les images de la veille, lorsque nous nous battons puis qu’il m’embrasse, surgissent dans ma tête. Je m’appuie au lavabo, ferme les yeux et sens à nouveau la douleur entre mes jambes. Une douleur qui m’a étrangement plus. Une douleur que je n’avais jamais ressentie. Un mélange de haine et d’attirance pour lui envahi mon corps. Je n’ai jamais été baisée comme ça. J’ai eu l’impression qu’il m’a possédé entièrement et que j’avais plus le contrôle de rien. Mais cette fois, un homme m’a prise pour me faire jouir et non pour ne satisfaire que ses besoins. Ce n’était pas comme avec Mikhaïl. Non, ça n’avait rien avoir. C’était nouveau. Différent. Intense. Tout m’a plu : ses touchers, ses baisers, son parfum qui m’enivre. Sa façon de laisser son haleine chaude dans le creux de mon oreille pour me laisser savoir que je l’exalte. Il a regardé mon corps et on aurait dit qu’il le glorifiait. La manière dont il a caressé mes seins et qu’il a observé chaque courbe de mon corps.

Une nouvelle chaleur me monte au visage. Pour me changer les idées, j’ouvre les robinets de la douche, retire mon t-shirt et saute sous l’eau dès qu’elle est chaude. Aussitôt une buée émerge dans toute la pièce.


+++


En sortant de la salle de bain, une fois lavé et portant le t-shirt de Jonas, je rejoins la cuisine. Je meurs de faim. En tournant au coin du couloir, je sursaute en voyant Dominik dans le salon, qui ne bouge pas, la posture rigide, cagoule sur la tête et cette imposante arme d’assaut dans les mains.

—Merde… tu m’as fait peur, dis-je le cœur battant.

Je constate que la corp de Katerina n’est plus près de l’entrée au sol.

—Qu’est-ce que tu fais, planté là ?

—Je te surveille.

Je ris.

—Je t’assure, je ne suis pas en forme pour escalader le mur extérieur à nouveau. Alors détend toi.

—Jonas veut que je veille à ce que tu ne te fasses pas de mal pendant son absence.

Du mal ? Je comprends tout de suite qu’il veut s’assurer que je ne compte pas remettre ma tentative de suicide à exécution. Cette « tentative » qui était purement théâtrale, m’avait juste permis de voir à quel point il avait besoin de moi. Je devais avoir une confirmation, de savoir si cet homme qui me battait, pouvait aller jusqu’à me tuer si jamais je refusais de me soumettre. Il avait été clair qu’il n’hésiterait pas à me supprimer. Malheureusement pour lui, j’ai eu ma réponse. Il a tellement besoin de moi, que même s’il me bat ou me menace de me tuer, il ne pourra pas aller jusqu’au bout. Son plan ne peut fonctionner sans moi. Il le sait. Ce qui me laisse une marge défensive à utiliser contre lui. Mais au moment opportun. À partir de maintenant, je n’ai plus à redouter vraiment qu’il puisse m’assassiner, même s’il me menace, une arme pointée sur ma tête, je ne vais pas le croire.

Je tourne les talons pour aller me faire un truc à manger dans la cuisine et sens les yeux de Dominik dans mon dos. Forcément il jauge la façon dont je marche avec douleur et courbature.

Pendant que je me prépare un café et des tartines, je me remémore la scène où Jonas déclenche un orgasme. Simplement, machinalement, comme s’il suffisait de presser un putain de bouton. Comme si lui seul pouvait y arriver. Il m’a fait jouir si spontanément que je n’ai pas eu le temps de suivre ce qui se passais : tout mon corps a répondu à cette irruption, qui normalement considère le toucher d’un homme intrusif et là, pas du tout. Je ne contrôlais rien. Mon corps lui a obéi. Carrément. Mon corps avait accepté Jonas alors qu’il avait l’habitude de rester de glace avec Mikhaïl. Cet échange qui avait eu lieu entre nous, me mets à l’envers à présent. Mon ennemi est un petit diable ténébreux, mais exquis… je n’ai pas d’autre mot. Mon ennemi est attirant, foutrement beau, puissant et il a conquis mon corps. Mais je ne le laisserai pas atteindre ma tête. Encore moins mon cœur.

Au cours de la journée, j’ai encore fait le tour du penthouse. Mon père m’avait toujours appris à connaître son ennemi par cœur. Jusqu’à trouver sa faiblesse. Une faille. Tout le monde en avait une. Alors je voulais jouer le jeu, et montrer à Jonas que j’étais docile et que j’allais faire la mission. Lui faire croire que, petit à petit, je me détache de Mikhaïl. Je ne sais pas si cela va fonctionner, mais je suis bonne manipulatrice. Déjà, la veille, il a mis les pieds dans mon piège en croyant que je voulais mettre fin à mes jours plutôt que de retourner auprès de Mikhaïl. Il y a cru ! Son corps a vibré de peur, j’ai pu voir sa quête de pouvoir s’envoler comme un rêve perdu à tout jamais. Il me veut à ses pieds, et pourtant c’est moi qui vais jouer avec lui.

Et… que ce soit claire dans ma tête, plus question que lui et moi couchions ensemble, ça me perturbe et je dérive de ma mission.

Avec mes connaissances pour crocheter des serrures de porte, j’ai réussi à ouvrir une armoire dans le couloir, qui contient une armurerie assez complète. Aucune n’est chargée. Les munitions doivent être ailleurs. Ou alors cette armoire est une collection. Mais rien n’est neuf, tout a déjà été utilisé.

Je m’empare de deux armes de poing. À première vue, je dirais des M57 Tokarev. Ils sont usés et sans aucun numéro de série.

Au moins une fois par semaine j’ai entrainement avec Edja, formation de combat et parfois de tire. Et même si j’ai des douleurs dans tout le corps, je décide que je ne dois pas m’affaiblir et reprendre des forces le plus tôt possible. Ma cheville est moins douloureuse, ce qui est déjà bon signe.

Je me dirige dans le salon, où il y a plus d’espace pour pratiquer mes manœuvres telles que dégainer mes armes et travailler la hauteur de mes coups de pieds, la force de mes coups de coude suivie du mouvement du corps.

Dominik se tient près des portes de la sortie, son arme pointée vers le sol. Même si j’en deux dans les mains, m’amusant à le viser en faisant semblant de tirer sur lui, il ne cille pas.

—Impressionnant. T’es pas quelqu’un de nerveux.

Il ne dit rien. Assurément il savait que ces armes sous clefs n’étaient pas chargées.

—Si ça te dit, on échange ? Je t’en file deux, tu me passes le tien pour que je m’entraîne.

Je lui fais un clin d’œil.

—Il revient quand ton patron ? demandé-je tout en continuant de le mettre en joue.

Je fais comme si quelqu’un arrivait derrière moi, dégaine le plus vite possible le deuxième revolver, enlève-le cran de sûreté et pivote, mais dans ce mouvement, je perds l’équilibre. Ma cheville m’arrache une grimace et je dois m’asseoir une minute sur le canapé pour la masser.

Je ne vais pas pouvoir m’entraîner avant un jour ou deux. Edja me dirait de me relever et de continuer, mais je l’emmerde. Mon oncle, déshonneur la famille. Après ce qu’il a fait pour ensuite tenter de m’assassiner, la rupture entre lui et moi est avérée. Je ne veux plus jamais voir sa sale gueule. Mais je dois revenir vite auprès des miens pour tout révéler à Mikhaïl. Je dois voir Jonas et lui demander quand il compte me renvoyer chez moi. Je dois le convaincre que je vais bosser pour lui pour trahir ma famille. Donc je dois changer ma façon d’être avec lui. Lui montrer que je ne le vois plus comme un ennemi. Ce qui veut dire que je dois me soumettre à lui pour qu’il y croit.

Je remarque une armoire vitrée dans le salon, comme si c’était un objet fascinant. À l’intérieur, il y a ce bâton noir, avec un crâne de même couleur. Cette « canne » que Jonas faisait tourner dans sa main la première fois que je l’ai vu au club. Je me lève doucement, encaissant la douleur à ma cheville et m’approche de l’objet.

—Éloigne-toi, m’ordonne Dominik.

Mais évidemment, je ne l’écoute pas.

J’ouvre la porte et il braque son arme dans ma direction. Il a ordre de ne pas tirer. S’il est là, c’est pour s’assurer que je ne me fais pas de mal, pour s’assurer que je reste en vie pour la mission, alors sa menace est fausse.

Je m’empare de la canne, la contemple dans mes mains. Elle est excessivement lourde, massive. Magnifique. Je pourrais croire qu’elle est l’objet d’un Roi.

—Seyvanna, remet ça tout de suite à sa place !

Est-ce une arme ? Elle a quoi de spéciale ?

Je la fais tourner dans mes mains, puis, en marchant, je reproduis le geste qu’il a fait au club : d’une main, je la fais tourner, dessinant une roue. C’est à cet instant que je détecte qu’il y a quelque chose à l’intérieur. Une forme de liquide. Je me tourne vers la lumière de la fenêtre, dos à Dominik pour regarder sous la canne, mais d’emblée il me l’arrache des mains !

Je me retourne et suis confrontée au visage furieux de Jonas lui-même. Putain, il sort d’où lui ?! Je vois au-dessus de son épaule, la porte de l’ascenseur se refermer et les grandes portes du hall faire de même. Je ne l’ai même pas entendu entrer ni charger sur moi !

—Putain, Dom ! hurle Jonas. Je te paie pour quoi, connard ?! Pour faire office de pot de fleur ?!

—Calme-toi, c’est juste une fichu canne ! riposté-je.

—En apparence ! me relance-t-il, fulminant.

Il remet son satané bâton précieusement à sa place et verrouille la porte vitrée.

Je retourne m’asseoir sur le sofa et lorsqu’il se tourne vers moi, il voit les deux armes de poings sur la table basse devant moi. Une colère noire s’empare de lui. Là, il me déteste, plus encore qu’hier, quand il m’a battue.

—Dom, retiens-moi, je vais la tuer, putain.

J’écarquille les yeux en le voyant récupérer ses armes et donner ensuite un coup de pied contre la table basse en vitre qui se renverse à mes pieds !

—Bordel ! C’est bon ! J’ai compris ! Pas touche à tes jouets, merde !

Ne comprenant pas ce qui se passe, je fronce les sourcils et lorsqu’il revient, je le dévisage. Il ne pose les yeux sur moi qu’une nanoseconde. On dirait qu’aujourd’hui il est incapable de me regarder en face. En dehors de notre moment torride passé ensemble, il est redevenu exactement le connard qu’il était avec moi. Prêt à me frapper si j’ouvre une fois de plus la bouche.

Enragé, il repart d’ici après avoir murmuré un ordre dans l’oreille de son garde et disparaît.

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