Accoudée à la balustrade, je regardais les collines au loin. Le calme apaisant et le froid léger de cette matinée avait le don de me détendre, peu importe la situation. M'étant encore pris la tête avec Léa, hier, j'avais eu énormément de mal à m'endormir. Je détestais me disputer avec l'adolescente que je considérais maintenant comme ma fille. A 16 ans, la jeune fille avait un caractère bien trempé et se contrariait rapidement. Je la comprenais, elle et ses frères avaient perdus leurs parents dans un crash d'avion, un an plus tôt. Ils avaient passés quelques mois en orphelinat.

Quant à moi, j'avais appris que je ne pourrais jamais avoir d'enfants, l'idée de ne pas pouvoir être mère me déchirait. Depuis toute petite, j'avais toujours voulu avoir des enfants. Mon petit-ami, Alexis, et moi avions donc décidé d'être famille d'accueil. Et voilà qu’il y a deux mois, on nous confiait la garde de cette fratrie. Les deux cadets, Martin et Raphaël, avaient respectivement 11 et 6 ans.

Martin était un garçon renfermé et très timide, il parlait peu et ne se confiait à personne à part sa sœur. J'avais beau essayé d'avoir un semblant de discussion avec lui, il se refermait toujours sur lui-même. Cependant, il restait un jeune garçon poli et discret.

Le benjamin de la famille, Raph', était un petit garçon turbulent, malgré son visage d'ange et ses boucles blondes trop mignonnes, il pouvait être un petit démon surexcité. Ce gosse était une vraie pile électrique, infatigable, il courait partout, du matin au soir. Le faire dormir était un vrai calvaire, de même pour l'état de sa chambre, les jouets et les vêtements trainaient partout par terre, à l'inverse de son grand frère très ordonné. Raphaël n'en était pas moins adorable, il était gentil et serviable, drôle et attendrissant.

Bref, pour en revenir à Léa, on s'était disputée la veille au soir et j'avais élevé la voix un peu trop à mon goût. Alexis était en déplacement pour son travail, j'étais donc seule avec les enfants. On s'était engueulé parce que Léa s'était encore battue, je n'en pouvais plus qu'elle rentre à la maison pleine de coupures. Je savais qu'elle vivait très mal la disparition de ses parents et je ne pouvais lui en vouloir. Cependant, frapper d'autres enfants n'était pas une solution. Après notre échange mouvementé et plutôt violent, l'adolescente avait claqué la porte de sa chambre et refusé de m'ouvrir malgré mes nombreuses excuses. J'avais dû réconforter Raphaël et assurer à Martin que sa sœur ne ferait pas de bêtises, puis une petite demi-heure plus tard, j'avais retenté ma chance auprès de la jeune fille qui avait déverrouillé sa porte et finit par s'endormir.

J’étais rentrée et l’avais recouverte, comme l’on borde un enfant, ça l’avait légèrement réveillée et elle avait murmuré un « maman » dans son sommeil. J’avais eu mal au cœur à ce moment-là, je venais de me rendre compte que je ne pourrais jamais remplacer la mère qu’ils avaient perdus, que je ne serais jamais leur mère et qu’il ne me considéreraient sûrement pas comme telle, même dans les années à venir.

Je sortis de mes pensées en entendant la voix du plus jeune de la fratrie.

- Tatie Rachel ?

- Oui ?

- J’ai faim, dit-il encore endormi.

- Je vais te préparer un bon petit dèj’, tu veux ?

- Oui ! s’exclama-t-il.

- Allez descends, j’arrive, lui ordonnai-je.

- D’accord.

Et il partit, son pouce dans la bouche, traînant derrière lui, Gustave, son doudou chien entièrement bleu, offert par son père. Je le suivis en rigolant doucement. Raphaël s’assit sur le canapé et serra la peluche dans ses petits bras. Je partis dans la cuisine et préparais une tartine de Nutella ainsi qu’un verre de jus d’orange et un yaourt, le petit déjeuner préféré de Raph’, avant de l’apporter à table.

- Tu viens mon grand, dis-je en m’approchant du canapé pour le prendre dans mes bras, il entoura mon cou de ses bras et me fis un bisou sur la joue, que je lui rendis. Je le portais jusqu’à la chaise, où une fois assis, il se jeta sur la tranche de pain recouverte de pâte à tartiner.

Je m’installais à ses côtés et commençais à parler avec lui. Une dizaine de minutes après le début de notre conversation, c’est Martin qui fit son entrée. Je l’embrassais sur le front et il déposa un baiser sur ma joue accompagné d’un : « Bonjour, Rachel. Bien dormi ? ». Auquel je répondis en mentant, je n’allais tout de même pas dire que je n’avais pas fermé l’œil de la nuit à cause d’une simple dispute.

C’est vers 10h que Léa se pointa en bas. Elle avait toujours l’air en colère contre moi et avait un bel œil au beurre noir, souvenir de sa bagarre de la veille.

- Bonjour Léa, tu as bien dormi ? demandai-je en faisant semblant de ne pas voir le regard noir qu’elle me jetait.

- Ouais, dit-elle sèchement.

- Aujourd’hui, on va aller à un rassemblement littéraire, vous vous préparez ?

- Ouais, une sortie !! s’écria Raph’.

- Ok, répondit Léa, retrouvant légèrement son sourire.

Martin se contenta d’hocher la tête en souriant timidement. Ils montèrent tous se préparer dans la bonne humeur. Une demi-heure plus tard, on était tous les quatre dans la voiture prêts à partir.