15. Rachel : Marche et explication
Je cherchais Léa depuis plusieurs minutes déjà quand je l’ai aperçue auprès de deux jeunes femmes, l’une d’elle en fauteuil roulant, l’autre accroupie à ses côtés. En m’approchant, j’ai fini par reconnaitre l’auteure, Livia Perez. Mais que faisait Léa avec cette jeune femme qui paraissait secouée ?
- Léa ?
L’adolescente se retourna et parût surprise de me voir là.
- Excuse-moi Rachel, je pensais pas mettre aussi longtemps mais disons que j’ai eu un petit contretemps, explique-t-elle en lançant un regard complice à Livia.
- Aucun souci, tu viens avec nous ? Enfin, tu préfères peut-être faire un tour seule, demandai-je peinée, espérant qu’elle décline et me suive.
- Non du tout, je viens. Au revoir, Livia.
Alors qu’elle s’avance vers moi, l’écrivain la rappelle et lui offre un exemplaire dédicacé de son prochain livre. Léa revient vers moi, elle a l’air heureuse et je ne sais pas, apaisée, peut-être. Il faut qu’on ait une discussion.
- Alors ? demandai-je.
- Alors quoi ? réplique-t-elle avec un petit sourire en coin.
- Ce contretemps ?
- Oh ! Je vais t’expliquer. Mais on peut prendre à boire d’abord s’il te plaît ? Et où sont les garçons ?
- Bien sûr ! Ils font un tour tous les deux, Martin a son téléphone pour m’appeler en cas de besoin. Je me suis dit que ça serait peut-être bien d’être juste toutes les deux. Je sais que tu es dans une période difficile en ce moment, et que tu as besoin qu’on te porte de l’attention. Enfin, c’est ce que je me suis dit, ça n’a rien de méchant ! assurai-je, pour ne pas qu’elle se renferme et redevienne froide.
- Aucun souci, je sais que je suis pas facile à vivre. En fait, parfois, je me sens tellement seule que j’ai besoin d’attirer l’attention. Je me doute bien que cogner le premier venu, n’est sûrement pas la bonne façon de le faire, mais c’est la seule que j’ai trouvé, confia-t-elle en baissant la tête.
Je mis mes doigts sous son menton et la lui releva.
- Eh, Léa ! Tu n’es pas seule, tes frères sont là, je suis là, Alexis, aussi, même s’il est souvent en déplacement ces temps-ci, il vous aime tous les trois. Ok ? Tu n’es pas seule ! Et si tu ressens le besoin de parler, je suis là pour t’écouter.
- Oui, t’as sûrement raison. Mais est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose, parce que là, c’est un peu déprimant ? plaisanta-t-elle.
- Evidemment. Viens, on va s’installer à une table, dis-je en la prenant par la main pour la guider jusqu’au petit espace de restauration.
- Eh ! J’suis plus une gamine, t’es pas obligée de me tenir la main, tu sais ?! s’indigna Léa avant d’exploser de rire.
Je lui souris et fis un signe à la serveuse.
- Bonjour, qu’est-ce qui vous ferez plaisir ?
- Alors, un café pour moi et une part de tarte aux pommes. Léa ?
- Euh, un chocolat chaud et un cookie, s’il vous plaît, répondit-elle.
- Très bien, je vous apporte ça tout de suite.
- Merci.
Elle repartit vers le comptoir.
- Bon, alors, ce contretemps ?
- T’as gagné, je te raconte ! Bon, j’étais en train de marcher et je cherchais un distributeur pour acheter à boire. Et en passant devant l’un des stands, j’ai entendu des cris, quand je me suis tournée…
- Excusez-moi, voici votre commande.
Elle déposa boissons et desserts sur la table et s’en alla.
- Donc, où j’en étais ?
- Tu t’es retournée, et ? annonçai-je, totalement impatiente.
- Ah oui ! Donc, je me suis retournée et j’ai vu un gars, assez costaud, qui tenait une jeune femme par le col de sa veste. J’ai commencé à m’approcher et j’ai bien fait parce que deux secondes plus tard, il la giflait. Ça m’a énervé, je sais que c’est ironique, parce que moi aussi, je tape des gens et pire que je ne connais même pas ou à peine. Mais eux, ils avaient l’air de bien se connaître. Et le mec, j’appris plus tard, qu’il s’appelait Damien, lui reprochait quelque chose, le décès de quelqu’un si j’ai bien compris. Ensuite tout est allé très vite, il a voulu lui remettre un coup, mais je me suis interposée, je l’ai repoussé et la sécurité est intervenue. Ils ont virés Damien et je me suis approchée de Livia, et elle avait tellement eu peur de lui qu’elle faisait une crise d’angoisse. Je savais pas quoi faire pour l’aider, elle m’a demandé de chercher Nora au service de restauration, alors j’ai couru et j’ai ramené la fameuse Nora. Pendant qu’elle la calmait, je lui ai pris un grand verre d’eau. Et t’es arrivée juste après, voilà, c’est tout.
Son récit était un peu confus, mais j’étais tellement fière d’elle. Je me levai et la pris dans mes bras, elle se détendit et resserra même l’étreinte.
- Je suis fière de toi, Léa. C’est vraiment génial ce que tu as fait, je ne sais pas si j’en aurais eu le courage, la félicitai-je.
- Merci, Rachel. Au fait, tu sais, t’es franchement cool comme famille d’accueil, je préfère mille fois être chez toi, qu’à l’orphelinat au milieu des gosses qui crient, déclara l’adolescente.
Elle ne pouvait pas imaginer combien ses mots me touchaient. Depuis qu’ils étaient arrivés chez moi, mes relations avec Léa avaient toujours été tendues. Je ne supportais pas qu’elle se batte sans arrêt et elle, en voulait au monde entier et me montrait constamment qu’elle n’aimait pas la vie qu’elle menait. Aujourd’hui, on avait tellement progressé que j’avais l’impression d’être dans un rêve, qu’une fois revenue à la maison, tout redeviendrait comme avant. Rien que d’y penser, je resserrais encore plus mes bras autour de ses épaules.
- Je t’aime, Léa. Je t’aime comme si tu étais ma fille, murmurai-je à son oreille, sa tête enfouie dans mon cou.
- Moi aussi, je t’aime énormément, Rachel. Mais ma mère me manque encore énormément et je peux pas la remplacer, chuchota-t-elle.
Je sentis mon cou et le haut de mon T-shirt s’humidifiaient. Je me détestais d’avoir dit ça. Pourquoi ne m’étais-je pas arrêté à un simple « je t’aime » ? Non, il avait fallu que je lui rappelle que sa mère était morte, évidemment. Je détestais savoir qu’elle pleurait à cause de moi.
- Pardon, Léa. Je ne voulais pas te faire du mal, bien sûr que je ne remplacerais jamais ta mère. Je le sais, et ce n’est pas du tout ce que je cherche, crois-moi.
Elle renifla et releva la tête. Je déposais un baiser timide sur son front, de peur qu’elle me rejette. Mais contre toutes attentes, elle se laissa faire et m’embrassa même la joue avant de se rassoir. Je la fixais quelques secondes, avant de lui faire un sourire, qu’elle me rendit.
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