Chapitre 22 : Ce qui disparaît... ou pas
Nous venions de prendre le goûter et je lézardai à présent au bord de la piscine dans mon maillot une pièce. Mon anatomie fine n’avait pas encore les formes d’une jeune fille. Pourtant, je me sentais belle et bien femme. En tout cas, je n’étais plus une enfant. J’avais mes règles depuis deux ans, contrairement à Mathilde, qui ne les avait pas encore et n’arrêtait pas de s’en plaindre. Elle disait qu’à cause de ça, sa mère la traitait encore comme un bébé.
Après la mort de mon frère, les miennes avaient disparu pendant six mois. Le médecin avait dit que c’était le choc et que cela allait s’arranger. C’est étrange les réactions de nos enveloppes corporelles quand notre cœur est brisé. Ne pas verser de larmes, ne plus avoir ses règles, on dirait dit que mon anatomie avait en partie cessé de fonctionner. Heureusement, le toubib avait dit vrai, elles avaient refait surface comme si de rien n’était.
Si les gens pouvaient réapparaître aussi facilement...
Malgré ma puberté, le développement de mes courbes ne suivait pas l’évolution de mes hormones. Mes seins étaient riquiqui et mes hanches ne s’arrondissaient pas. À peine avais-je pris une petite taille de jean ces trois dernières années. Pourtant, je grandissais encore, c’était bien là le problème. Je prenais plus de centimètres que de kilos et ma taille avoisinait le mètre soixante-quinze. Cela me donnait l’allure d’une longue planche de surf. Grande et fine, sans courbes affriolantes, sans atouts à faire valoir auprès des garçons. Enfin surtout d’un, les autres je me foutais comme d’une guigne.
Après la piscine, je pris une douche qui me fit le plus grand bien. J’eus envie de me masturber avec le pommeau mais n’osai pas. Je trouvai déplacé de faire ça ici, alors que nous étions invités. J’abandonnai l’idée mais mes envies sensuelles, elles, ne me quittèrent pas. Je pensais tout le temps à Adam.
Difficile de l’oublier alors que j’étais dans sa maison, dans la pièce qui jouxtait la sienne. Je savais que j’étais installée dans l’ancienne chambre de Bastien car Violaine m’avait indiqué que les garçons dormaient en bas. Voyant que celle que j’occupais était dépourvue d’objets de décoration qui le représentaient, je supposai que ses affaires avaient été retirées pour ne pas raviver son souvenir. Mes parents avaient fait pareil chez nous. Ils avaient rangé une partie de ce qui avait appartenu à Seb dans des cartons, à présent remisés au grenier. Même si tout le monde en parlait encore régulièrement, on aurait dit qu’on avait voulu les effacer, eux, et les traces de leurs existences trop courtes.
Mais aimer quelqu’un ne s’oublie pas ainsi, j’étais bien placée pour le savoir...
Durant mes ablutions, j’avais mis la musique assez forte pour couvrir le bruit de l’eau. Depuis la mort de Sébastien, je ne supportais plus le silence. Je chantai à tue-tête en sortant de la douche et m’enveloppai dans la grande serviette que l’on avait mis à ma disposition.
On toqua à la porte.
Je sursautai, me demandant qui pouvait bien venir ici, alors que j’étais exilée à l’autre bout de la propriété. J’espérai que ce n’était pas le bruit assourdissant de mon tapage diurne qui avait provoqué cette visite inopinée. J’avais peur que nos hôtes me trouvent impolie et viennent me réprimander.
J’ouvris la porte et mon cœur s’arrêta.
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