Chapitre 33 : La seconde

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Le jour de ma première rentrée au lycée fût marqué par un évènement majeur : à table, mes parents m’annoncèrent qu’ils allaient se séparer. Je n’en cru pas mes oreilles. Certes, je savais que cela allait mal entre eux, mais je ne m’y attendais pas. Cependant, cette annonce me brisa le cœur autant qu’elle me soulagea. Depuis la mort de mon frère, l’ambiance était devenue pesante à la maison.

Ma mère ne se remettait pas de l’accident de son fils et en parlait tout le temps. Mon père, quant à lui, buvait plus que de raison pour oublier. Leurs disputes sonores se répétaient au fil des jours et rien de leur vie privée ne m’était épargnée. Je les entendais s’engueuler jusque dans leur chambre à coucher. Ma mère reprochait à mon père de ne pas avoir été suffisamment ferme avec Sébastien. En retour, mon père lui reprochait de l’avoir trop couvé. Puis l’un et l’autre se morigénaient mutuellement pour toutes les fautes et erreurs commises depuis le début de leur mariage. Entre ces deux-là, tout était prétexte à s’en mettre plein la tronche. Cela me donnait l’impression d’être constamment l’arbitre d’un match de boxe où je devais départager lequel était le meilleur... ou le moins pire.

Passé le choc de cette révélation, le repas se déroula dans un silence de morts. Puis mon père m’expliqua qu’il allait prendre un appartement pas très loin et que je le verrai « comme avant ». Comme avant. Cela ne voulait rien dire pour moi. Il était impossible de vivre comme avant. Nous étions obligés de vivre « dans l’après » depuis le décès de mon frangin, près de trois ans auparavant.

J’avais quinze ans et cela faisait des mois que je n’avais pas vu Adam. Je l’avais entraperçu quelques fois dans le quartier, toujours au volant de sa Volvo grise, probablement lorsqu’il revenait voir ses parents lors de ses jours de congés. Il faisait ses études de tourisme en Bretagne, là où il pouvait s’adonner à de nombreuses activités sportives, comme il l’avait toujours rêvé. Il me manquait énormément mais, le temps aidant, j’avais presque fini par me résigner.

Presque, j’ai bien dit.

Car oublier Adam était une gageure. Pourtant, j’étais en seconde dans une nouvelle école privée où il y avait pléthore de beaux mecs. Mathilde avait flashé sur l’un d’eux et avait déclaré que celui-ci, elle en ferait son quatre-heures. Nous portions toujours nos bracelets-serments, ceux-là même qui nous avaient empêchées d’approcher les garçons ces deux dernières années.

Mais ils n’étaient plus que décoratifs. Mathilde voulait passer aux choses sérieuses et moi je voulais toujours qu’Adam me passe sur le corps, mais j’étais sûre désormais que ma meilleure amie attendrait son objectif avant moi.

Entre l’annonce de mes parents et celle de Mathilde, je me sentis submergée de nostalgie durant tout le mois de septembre. J’avais l’impression que ma vie m’échappait. Je ne pouvais retenir le passé, les jours s’écoulaient malgré moi et tout se transformait sous mes yeux effarés. La disparition de mon frère, la séparation de mes parents, mon enfance qui s’éloignait sans que je puisse la retenir... les choses évoluaient trop brutalement. Et paradoxalement, le seul évènement que j’aurais vraiment aimé voir arriver n’avait pas l’air d’avoir l’ombre d’une chance d’advenir. Je me sentais vide et triste. Démoralisée. L’hiver arriva trop rapidement et les belles journées ensoleillées laissèrent place aux interminables nuits.

Quand la vraie vie allait-elle commencer ?

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