Chapitre 65 : Les conséquences
Adam m’appela un million de fois sur mon portable et m’envoya des dizaines de SMS, affolé. Je ne lui répondis pas, à la recherche d’un moyen de locomotion autour de moi pour rentrer à mon domicile par mes propres moyens. Hors de question de revenir avec lui comme si de rien n’était. Au bout d’un moment, mon téléphone n’ayant plus de batterie, je fus soulagée de ne plus rien recevoir de lui.
Le problème c’est que je ne pouvais plus prévenir mes parents. Or, je ne savais pas à quelle heure j’allais réussir à trouver de l’aide et on m’attendait pour onze heures pour nettoyer la salle. J’étais coincée. De toute façon, si j’avais pu leur téléphoner, ils auraient voulu savoir ce que je foutais au bord de la mer à cette heure indue du matin alors que j’étais censée passer la nuit chez ma meilleure amie. J’étais finalement contente de m’épargner cette discussion car c’était bien les dernières personnes à qui je voulais raconter les raisons qui m’avaient amenée ici.
Parler d’Adam n’était pas une option. Si j’apprenais à mon père qu’Adam Bellaji avait emmené sa fille de seize ans dans une grotte au lever du soleil, sans même préciser qu’il m’y avait pelotée, ce connard était un homme mort. Et j’avais beau lui en vouloir de toutes mes tripes du sale coup qu’il m’avait fait, je ne voulais pas que mon père l’exécute.
J’étais doublement coincée. J’allais être obligée de mentir à mes parents et je détestais cela.
Je marchai d’un pas vif jusqu’au bourg le plus proche, à la recherche d’une bonne âme pour me ramener chez moi. Je demandai au cafetier et au gérant du tabac-presse, qui venaient d’ouvrir, s’ils connaissaient à tout hasard des personnes faisant le trajet vers ma ville aujourd’hui.
Négatif.
Ma bonne fée m’apparut en la personne d’une fringante quinqua qui sortait de boîte de nuit. Je la croisai à la station-service et l’alpaguai avec mes yeux de chien triste. Moyennant de supporter la description par le menu de ses prouesses nocturnes, elle accepta de me reconduire chez moi avec une grande générosité.
Quand j’arrivai à la maison l’après-midi, ma mère me hurla dessus et me passa un savon décapant. D’abord, parce que j’avais disparue et que tout le monde s’inquiétait de ne pas me voir au rendez-vous de ménage. Ensuite parce qu’elle comprit que j’étais revenue d’on-ne-sait-où en stop. Et enfin, pour avoir été on-ne-sait-où, avec on-ne-sait-qui car elle devinait que je n’y avais pas été seule.
La coupe était pleine et je fus généreusement arrosée de reproches.
— Après ce qui est arrivé à ton frère ! ponctuait-elle toutes ses phrases indignées.
Mon père me priva de sortie un mois complet à compter de la minute où j’étais rentrée. Je m’effondrai en larmes sur mon lit, désespérée. Je voulais mourir et je m’en voulais de ressentir cela, car je n’avais rien éprouvé de tel lorsque mon frère était décédé.
J’étais un monstre. Un monstre au cœur brisé.
Mon cœur était en lambeaux, mon cerveau était ceint d’une migraine carabinée.
Tout s’embrouillait autour de moi, en moi. Mes sentiments exacerbés par la nuit passée, mes remords, mes regrets, mes peurs, mes craintes et mes doutes. Je n’étais plus que confusion et douleur. Toutes les parties de ma vie semblaient me faire souffrir.
Mes parents m’en voulaient à mort et je les avais, malgré moi, mis dans tous leurs états. Je les avais déçus et j’avais trahi leur confiance, comme ils ne cessèrent de me le répéter.
Adam allait partir et disparaître de mon existence et ce, durant toute une année.
Toute une foutue année !
Un vertige d’effroi me saisit face à cette horrible perspective.
Trois jours après, ma mère, qui n’avait toujours pas décoléré, m’apporta un mot manuscrit. Froidement, elle déclara :
— C’est Adam qui l’a déposé tôt ce matin, avant de prendre son train.
Étonnamment, je sentis qu’elle ne faisait pas le lien entre ce qui s’était passé l’autre nuit et cette missive inattendue. Elle était comme Adam. Elle aussi me voyait toujours comme une enfant, alors m’imaginer en train d’échanger caresses et baisers avec un homme était bien sa dernière idée.
Je me retins de pleurer devant elle.
Adam était parti.
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