Chapitre 96 : La cicatrisation
Après m’avoir rassurée concernant mes futures aptitudes à lui faire du bien, il me serra plus fort entre ses bras et, de sa voix rauque, me chuchota :
— J’espère que tu as aimé.
La remarque m’étonna. Pensait-il vraiment que ce ne fût pas le cas ? Doutait-il encore du plaisir que j’avais ressenti si fortement avec lui ?
— J’ai adoré, crois-moi.
— Tu n’as pas eu trop mal ?
— Presque pas, je t’assure. Rien d’insurmontable, je te le promets.
— Il faut que tu attendes un peu avant de recommencer.
Son conseil m’interloqua. De deux choses l’une, il ne précisait pas que j’allais le refaire avec lui. Il avait dit cela comme si cette possibilité était ouverte à tous les mâles environnants. Et d’autre part, il n’employa pas le nous. Comme s’il n’était pas concerné.
Aussi puérile fût ma réaction, cela me blessa. Pour moi, la seule bonne façon de s’exprimer aurait été de me dire : « Il faut que l’on attende un peu avant de recommencer. »
Mais ce n’était pas les mots qu’il avait prononcés et mes craintes d’être congédiée revinrent au galop. Et puis pourquoi, au fait ? Pourquoi avait-il émis cette drôle d’idée ?
Je me sentais idiote de ne pas savoir pourquoi il m’avait dit cela. Ignorante aurait été plus exacte. Depuis que je le connaissais, j’apprenais tout à ses côtés. Mais souvent, j’en concevais de la honte, comme s’il avait fallu que je sache faire les choses avant d’avoir eu le temps de les expérimenter. Aussi insensée soit-elle, cela était pourtant ma façon de penser. Adam allait forcément finir par se lasser d’être avec une cruche comme moi.
Je repensai à son conseil. Attendre, mais attendre quoi au juste ? Que je digère l’évènement ? Que je me fasse à ma nouvelle vie de femme et non plus de jeune fille. Que ma mentalité change pour s’adapter aux évolutions de ma physionomie ? Les questions se bousculaient dans ma tête. J’avais besoin de clarté.
Je le lui demandai à voix basse, pour ne pas casser l’ambiance cotonneuse de notre réveil à deux :
— Pourquoi est-ce qu’il faut que j’attende ?
— Pour cicatriser.
Évidemment, nunuche.
— Ah. D’accord.
— C’est comme une plaie, tu sais. Il faut laisser passer quelques jours, sinon tu risques de resaigner et d’avoir encore un peu mal.
Je hochai la tête en signe d’assentiment, tout à fait ravie qu’il se préoccupe de ma santé. Un peu moins à l’idée d’être déjà privée de ce doux plaisir alors que je venais tout juste de découvrir.
— Ça ne veut pas dire ne plus avoir de relations sexuelles, précisa-t-il dans la foulée, comme s’il avait entendu mon discours intérieur. Seulement, pas de pénétration. Les caresses et baisers ne sont pas concernés.
Disant cela, il fît onduler sa main sur mon sein et un courant électrique me parcourut subitement. Bizarrement, j’avais beau savoir que l’orgasme me venait plus facilement de sa main ou de sa bouche que grâce au coït, je regrettai déjà de ne pas pouvoir le sentir en moi.
Il dut percevoir ma frustration car il s’évertua à me faire jouir à deux reprises avec ses doigts. Un délice que cette explosion de plaisir entre mes cuisses. Je n’avais pas besoin d’en redemander qu’Adam rempilait souvent pour un second round. Me faire grimper aux rideaux semblait être une activité qui le comblait autant que moi. Sa bouche contre mon oreille me le prouvait. J’entendais toujours son souffle saccadé devenir plus rauque et désordonné, me donnant l’impression qu’il vivait les sensations avec moi. Il paraissait les ressentir à travers mon corps, comme s’il pouvait me traverser.
Malgré l’absence de relations antérieures avec lesquelles j’aurais pu le comparer, je savais qu’Adam était un amant exceptionnel. Il n’était ni empressé, ni exigeant. Il donnait, donnait et donnait encore, sans jamais rien réclamer. Je n’avais jamais fait de fellation, évidemment, et ma peur de mal faire me paralysait pour me lancer. Je ne savais pas comment m’y prendre et, de plus, je craignais de passer pour une chienne en chaleur si j’essayais. Certaines filles de ma classe s’étaient faites traiter de tous les noms lorsqu’elles racontèrent sans discrétion ce dont elles étaient capables au lit. Je ne souhaitais pas que ce même sort m’arrivât. J’avais beau avoir confiance en Adam, une toute petite partie de moi redoutait son jugement.
Pourtant, j’en avais envie et le désirais vraiment. Si ce n’étaient les pensées qui me bloquaient, m’interdisant de me montrer entreprenante, je me serais déjà occupée de lui. Je fulminais intérieurement contre toutes ces barrières érigées autour de moi. Elles m’oppressaient. Je voulais être libre de faire ou dire ce qui me passait par la tête, ce que mon instinct me dictait, mais rien n’y faisait. Je n’osais pas. J’étais coincée.
Je croyais devoir attendre sagement qu’il fasse le premier pas, qu’il me demande quelque chose, qu’il me suggère ses idées.
Et comme il avait décrété que nous unir sous les draps n’était plus d’actualité, malgré mes deux orgasmes, je sentais mon désir inassouvi. J’avais encore faim de lui. Faire corps avec lui me manquait déjà. La sensation avait été tellement magique, tellement enivrante. Ce fût le seul moment, depuis que je le connaissais, où j’avais vraiment eu l’impression de ne faire plus qu’un avec lui. D’avoir été plus proche de lui que jamais par le passé. Et cette proximité m’avait nourrie et apaisée. L’espace d’un instant, trop court évidemment, j’avais été rassasiée.
À présent, avec mon organe déchiré, qui me privait de recommencer, une distance insupportable semblait s’installer.
La vie m’apparaissait bien cruelle pour un si doux matin...
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