Meutre
« Pourquoi est-ce que cette vipère m’a demandé de venir ? La connaissant, je redoute le pire…
- C’est très gentil à vous d’être venu me rendre visite. Annonça joyeusement Madeleine.
- Je n’ai fait que répondre à votre invitation. Répliqua François.
« Elle est vraiment trop aimable. Songea-t-il. Méfiance, méfiance…
- Alors, vous vouliez me parler de quelque chose, non ? demanda le notaire.
- Tout à fait.
Silence.
- De quoi voulez-vous me parler ?
« De la clé ? se demanda-t-il. Non, tout de même pas !
- Je suis assez gênée. Dit Madeleine. C’est assez compliqué…
« Pitié ! Qu’elle ne me fasse pas des avances ! Pas des avances ! pensa François, horrifié.
- C’est une histoire d’argent…
Enorme soupir.
« Ils sont toujours à parler d’argent, de toute façon…
- Vous m’avez l’air bien pâle, tout à coup. Un peu de thé ? demanda Madeleine.
- Euh, oui… volontiers.
Antoine remplit la tasse de François, puis désigna le sucrier. D’un geste de la main, le banquier lui fit comprendre qu’il prendrait son thé nature.
- Il n’y a pas de poison dedans, au moins ? interrogea François.
« Gloups ! Aurait-il deviné ? S’inquiéta Madeleine.
- Euh… Non… Pas du tout ! Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? C’est… c’est ridicule !
- Du calme ! Je plaisantais juste.
« Elle est bien nerveuse, ces temps-ci.
- Alors, oui. Cette histoire d’argent ? reprit-il.
Gorgée de thé.
- Comme je vous l’ai dit, c’est assez compliqué. Répondit-elle.
- Ne vous en faites pas, j’ai tout mon temps.
« Pas sûr, mon coco !
- Il a un drôle de gout votre thé.
- C’est normal, il est moitié thé, moitié café.
« Et si tu savais ce qu’il a vraiment dedans, … songea-t-elle.
« Elle a de drôle d’idées. C’est répugnant.
- Vous n’aimez pas ? demanda Madeleine, inquiétée.
- Disons que c’est… assez étrange. Je ne suis pas encore habitué.
« Tu auras du mal à le faire, cruchon.
- Donc, je disais, à propos de cet argent…
- Attendez deux secondes. L’interrompis François. Je me sens un peu fatigué.
- Mais, que vous arrive-t-il ?
- Je ne sais pas…
« Tu m’étonnes ! Tu as toujours été naïf.
- Je… je…
Affaissement sur le fauteuil. Plus de bruit.
- Antoine ! Prenez son pouls !
« Quelle garce, celle-là ! grogna le majordome.
- Il nous a quittés. Affirma-t-il.
- Parfait ! Ce n’était pas si difficile, finalement. Marcel est vraiment un incapable.
« Maintenant qu’il est mort, préparer une rapide mise en terre. Mais avant, prévenir les autres.
- Montez le corps dans une des chambres. Et fermez-la à clé. Ordonna la sorcière.
« Elle est vraiment détestable. Grommela Antoine.
- Bien, madame.
Antoine prit donc le cadavre par les bras et le traina jusqu’aux escaliers. Il eut quelques difficultés à lui faire grimper les premières marches, mais au bout du premier palier, ce fut plus facile.
« Il n’est pas très léger, le comptable. Le pauvre…
Arrivé au deuxième étage, Antoine soupira en pensant qu’il fallait atteindre le quatrième en trainant le corps. Il était déjà essoufflé, sans doute à cause de son âge relativement avancé.
« Quelle idée d’avoir installé les chambres aussi haut !
Un quart d’heure plus tard, le corps fut enfin installé sur le lit d’une chambre lambda au quatrième étage. Les six avaient été appelés par Madeleine pendant ce temps-là, et Simone sur son scooter fût la première à arriver, suivie de près par Martin. En effet, Martin était venu chez elle pour lui proposer de la conduire au rendez-vous, mais pile au moment où il sortait de la voiture, le scooter quittait le garage.
- Pourquoi étiez-vous chez moi quand je suis partie ? lança Simone.
- J’étais venu vous proposer de vous conduire ici. Répondit Martin.
- Mon Dieu, mais qu’il est galant. Traitez moi aussi de faible femme, tant que vous y êtes !
- Mais… mais pas du tout !
- Taisez-vous ! Je ne veux plus entendre vos propos machistes.
Soupir.
Entrée de Madeleine dans le salon.
- Vous êtes les premiers ici. Dit-elle.
- Peut-on aller le voir ? demanda Martin avec envie.
- Attendez les autres !
« Quelle odieuse vieille peau ! pensa Simone.
Le suivant fut Théophile dans son side-car, puis Hortense dans son 4*4 odorant. Quelques minutes plus tard arriva Francis ; Marcel termina mauvais-dernier avec un décalage de dix minutes.
- Vous n’êtes pas avance ! se moqua la cinglante propriétaire des lieux.
- Mes problèmes de santé m’empêchent de trop me précipiter.
« Dis plutôt que tu as eu du mal à sortir de ton fauteuil, espèce d’hippopotame !
- Faites-nous donc voir votre « œuvre ». réclama Théophile.
- Il est au quatrième.
Regard sardonique vers Marcel.
- J’ai hâte de voir cette nature morte ! rit Francis.
Etant donné son excitation, Hortense arriva en haut au moins une minute avant les autres. Sa maitrise de la course en talons-haut ne s’était pas émoussée.
- Vite ! Vite ! Dépêchez-vous ! criait-elle du haut des escaliers.
- Du calme ! Il ne va pas s’en aller.
« Quelle hystérique, celle-là !
Quand ils furent enfin arrivés au bon étage, Marcel était encore au deuxième en train de faire une pause. Madeleine, triomphante, sortit une clé de son gant blanc.
- Derrière cette porte se trouve le défunt François ! dit-elle d’un ton triomphant.
- Ne devrait-on pas attendre le pauvre pâté ? proposa Simone.
- Hors de question. Il a échoué lors de son tour, cet incapable ne mérite pas de voir le mort !
- Dans ce cas, ouvrez la porte. Ordonna Martin.
Madeleine s’exécuta sans dire un mot, ce qui était tout à fait inhabituel. Elle attendait de voir les visages stupéfaits de ses invités une fois qu’ils verraient le contenu de la pièce. Elle ne fut pas déçue.
- Voilà le travail d’une pro ! claironna-t-elle.
- Mais… mais…
- Ça fait un choc ! dit-elle.
- Pas dans le sens que vous espérez, ma chère, rétorqua Théophile.
- Comment ça ? demanda Madeleine, soudainement inquiète.
- Regardez par vous-même…
Madeleine se retourna et constata que personne ne se trouvait sur le lit.
Instant général de stupeur.
Bruit de chasse d’eau.
Les six présents regardèrent avec stupéfaction le cadavre sortir des toilettes. Il semblait un peu gêné.
- La porte de la chambre était fermée…
Arrivée de Marcel essoufflé.
- Me voilà… pff, pff… Vous en faites… une tête. Il s’est passé… pff… quelque chose ?
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