La chute
Un fouet qui claque. Un hurlement de douleur.
Gordon se réveille dans un hurlement dans une pièce sombre.
Personne en vue. Pas de fouet non plus...
Ai-je révé ce hurlement? Ou était-ce le mien?
Une odeur abjecte l’entoure s’insinuant dans ses narines. Etonné de respirer, et se sentant en danger, il jure pour la énième fois qu’on ne l’y reprendrait plus à boire plus que de raison. Comme pour accentuer sa promesse, son estomac se soulève et Gordon se penche pour soulager son estomac.
C'est alors qu'il la remarque.
L'humidité.
Elle est pesante. Cette moiteur ambiante a quelque chose de lourd de collant. L'impression est désagréable. La chaleur aussi est présente. A chaque inspiration il a la sensation de sentir son système respiratoire fondre.
J'avais l'impression d'être mort mais ceci est pire! se dit-il, une nuance de peur se glissant le long de sa colonne vertébrale. Son front est couvert d'une transpiration rance et nauséabonde.
Il traîne les pieds pour faire le tour de sa cellule. Aucun indice ne semble prêt à livrer le secret de ce lieu. Il s'agit d'une sorte de prison sous-terraine. C'est la seule conclusion qu'il peut tirer de son observation. Néanmoins, portant son regard au delà des barreaux d'acier, il ne parvient pas à voir l'extrêmitée la salle qui contient sa petite cellule. Après cette lente observation, Gordon commence à se faire une raison. Bien sûr qu'il est effrayé. Qui ne le serait pas? Mais jusqu'à quel point peut avoir peur un individu qui n'a pas grand chose à perdre? ll choisit alors d'apaiser sa respiration afin que son larynx ne finisse pas par réellement fondre à cause cette maudite chaleur. Il se força à ralentir son coeur. Une petite inspiration. Une petite expiration. Cela aussi lentement que son corps usé pouvait lui permettre. Une fois calmé, il va s'installer au fond de la cellule, plie ses genous et met sa tête entre ses bras.
Les jours passent, sans que personne ne vienne le chercher. Bizarrement, il ne ressent ni faim ni soif. Par contre l’ennui commence à s’installer. Aucune activité à faire sinon tenter maladroitement de compter le temps. Il gratte des batons contre le mur mais n'est même pas en capacité de séparer le jour de la nuit. Au bout de quelques jours, il s’aperçoit qu’il se parle à lui même.
Est-ce que je vais devenir fou? se dit-il. A cet réflexion un gloussement s'échappe de sa gorge. En entendant le bruit qu'il fait, il a l'impression que ce son appartient à quelqu'un d'autre. Trouvant cela particulièrement drôle, il transforme malgré lui ce gloussement en rire et se met quelques secondes plus tard à rire à gorge déployée.
La démence s’insinue en lui progressivement. Le temps passant - jours? mois? années? - il commence à entendre des voix. Des murmures qui lui parlent sans arrêt de mort et de souffrance. Il pleure beaucoup, hurle souvent jusqu’à perdre la raison. Parfois il entend son nom murmuré mais ne le reconnait pas. Il ne se demande même plus qui il est. Il ne pourrait rien faire de cette information de toute façon.
Quand finalement, son esprit se brise comme une coquille d'oeuf malmené, une silhouette s'approche de lui. Son visage lui dit quelque chose mais il n'arrive pas à faire sortir cette information de son esprit morcelé. Voyant son visage, il se rend compte qu'elle a tout d'une démone. Sa peau est rouge comme le feu de l'enfer. Elle a des cones majestueuses qu'elle arbore avec une fierté insolente.
Tu as perdu, tu as perdu lui chantonne dans son esprit une voix maléfique. Sa geôlière, après avoir pris le temps de le détailler avec avidité lui annonçe :
- Malgré le fait que notre rencontre ait déjà eu lieu, je vais me présenter comme il se doit. Je me nomme Elfira, je suis une démone supérieure. Quant à toi, ta mue va débuter. L'humanité a déjà commencé à quitter ton esprit. Tu vas bientôt pouvoir servir Hadès. Tu seras un Tieffelin et même si tu m’es bien inférieur, comme nous tous, tu serviras.
A ces mots, de la fumée noire s'échappe des mains d'Elfira, se dirige comme un serpent diaphane vers Gordon et s'insinue d'abord dans sa gorge, étouffant un hurlement qui n'aura jamais d'écho. Son corps commençe à changer. Dans sa bouche se déverse la fumée, comme de la lave en fusion. Il sent qu’une part importante de lui s’enfuit mais il est déjà dans l’incapacité de se souvenir ce que c’est. Sa peau a pris une teinte charbonneuse et le prolongement de ses doigts s’ornent dorénavant de griffes acérées.
Des cornes sombres comme sa peau ont pris place sur le haut de son crâne et une queue à l’apparence maléfique sort du bas de son dos.
Elfira le regarde, satisfaite :
- Lève toi! Ton nom est maintenant Keltaor. Sache que tu as oublié ta vie pathétique et que tu nous appartiens. Tout ce que tu feras, tu le fera en notre nom.
Elfia fait une pause en regardant le tatouage inatendu qui s'est dessiné sur son épaule suite à la transformation.
- Intéressant...
Keltaor gronde, ne ressentant qu'une haine intense pour cette créature en face de lui. ll sent son coeur battre à tout rompre. Il plie les jambes s'appretant à égorger Elfira se délectant par avance de ce meurtre.Mais à sa grande surprise, au moment où il va se jeter sur elle il s'entend répondre laconiquement et malgré lui :
- Bien… Maîtresse.
Son esprit hurle alors qu'Elfira le regarde avec mépris.
- Gentil chaton, sussure-t-elle en caressant l'une de ses cornes avec suffisance.
Il se jure que, dès qu’il le pourra, il s’enfuiera ou tuera cette démone, probablement même les deux.
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