Camping forestier.

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Rien de mieux qu'un camping en forêt avec les gens qu'on aime et qui partagent notre vie. Un petit groupe de quatre, chiffre pair, chiffre parfait où personne n'est laissé de côté, le pire est que des duos se forment, mais il reste donc un duo. Mais on est inséparables depuis le collège, alors il n'y a pas de problèmes ! Une amitié solide nous lie et n'est pas prête de se défaire, c'est d'ailleurs pour cela que l'on s'organise des sorties et des vacances ensemble depuis des années. L'habitude fait que nos rôles sont délimités d'avance dans cette aventure, et sauf si on prévient on ne peut pas s'occuper de la nourriture en sachant parfaitement qui s'en charge d'habitude et cela perturbe l'organisation. Ce serait bête d'avoir pour un mois de nourriture mais pas de tentes pour dormir.

Ce soir autour du feu de camp, c'est activités libres, pour se donner de l'espace. Tous les soirs le planning fait en amont annonce jeux, karaoké improvisés, concours de blagues et tout un tas de choses amusantes qu'on adore faire.

Mais une soirée temps libre, c'est parfait pour moi ! Je décide de me rapprocher de ce membre qui a un comportement retranché ces derniers jours. Je lui fais signe de venir marcher un peu a l'écart, et prends la lampe torche à ma droite, pour retrouver notre chemin si on s'éloigne de trop. Les deux membres restant au camp ne me regardent pas, j'aurais aimé signaler que l'on revient, mais un livre et une envie pressante me volent la vedette.

Marchant côte à côte en silence, je réfléchis à une manière d'aborder la conversation, j'ai envie de revoir un sourire éclatant sur son visage et ses yeux pétiller. Ça me fait mal de voir sa tête baissée, le regard collé à la pointe de ses chaussures, les mains dans les poches. C'est tellement différent de son caractère et de sa façon d'être. Je ne sais pas comment les autres ne l'ont pas remarqué, ou peut-être que c'est volontaire pour que je m'en charge.

C'est vrai que dans un quatuor, c'est difficile d'avoir des préférences, ou pas de quoi délaisser quelqu'un, mais je dois avouer que ça me fait vraiment mal de sentir son mal-être et plus que n'importe qui ici. Il n'y a jamais eu d'amour entre nous, de ce que je sais en tout cas, pourtant quelque chose nous rapproche fortement, sans que ça altère l'amitié globale du groupe. Je sors de mes pensées me rendant compte que je ne sens plus sa présence à ma gauche, je me retourne et fait quelques pas en arrière pour m'asseoir sur un tronc mousseux.

Je suis ses envies, et si cet endroit lui convient, il me convient aussi. Pour la première fois de la soirée je croise ses yeux aussi verts que la cime des arbres et ils sont bordés de larmes. Je sens les miens se remplir, c'est ça d'être empathique. J'ouvre mes bras pour l'accueillir et l'on reste ainsi dans un câlin réconfortant. Je respire l'odeur de ses cheveux bouclés tandis que je sens son corps tembler contre le mien. Je décide de rester comme ça le temps qu'il lui faudra, et je ne briserai pas le silence non plus. Je frissonne quand les mots fatidiques sont chuchotés à mon oreille :

— Je vais mourir...

Quelque chose dans sa voix se brise, en écho à cette fêlure qui apparaît dans mon cœur. Je comprends maintenant son enthousiasme à venir à ce camping avec nous. Mais je comprends aussi son éloignement, partager un moment avec ceux que l'on aime une dernière fois c'est bien, mais c'est justement se rendre compte que c'est la dernière fois.

Je laisse ses larmes imprégner mon tee-shirt en me réfugiant dans la douceur de la capuche de son pull. J'aimerais dire quelque chose, n'importe quoi, mais rien ne vient. Moi qui ai l'étiquette "moulin à paroles" je me retrouve sans rien. Mais beaucoup de choses se bousculent en moi, un tas de questions d'abord, et puis la folle envie de l'embrasser, tous ces souvenirs de moments partagés affluent. Non, je refuse que ça se termine comme ça, j'ai envie de crier, de m'énerver, est-ce que c'est une blague ? Non, personne ne fait de blagues aussi affreuses, et je le vois dans ses yeux que ce n'en n'est pas une. Je sèche ses larmes de mon pouce, et tant pis pour les regrets, je l'embrasse. Ses lèvres ont un goût salé, mais je m'en fiche. À quoi me servent mon courage, ma force et mon humour si je ne peux pas changer le cours de choses ? Mais je peux toujours offrir de l'amour jusqu'à la fin.

On se relâche pour finalement se refaire un câlin.

— Je t'aime.

C'est bancal, hésitant, mais je dois le dire. Avant que ce soit trop tard.

— Je sais. Merci d'être là pour moi. Ça a toujours été ta meilleure compétence d'être là pour nous.

Je suis son regard qui se tourne en direction du camp.

— Je m'en sortirais peut-être tu sais, même si les chances sont infimes. Mais... s'il te plaît, fais en sorte que ce groupe reste soudé à jamais, même sans moi.

— Je te le promets. Je te promets aussi qu'on va se battre avec toi, et tu n'es pas du genre à te laisser aller alors ça va bien se passer.

Je ne crois pas vraiment à mes propres mots, mais si c'est efficace... Ai-je déjà dit que je ne voulais rien de plus que retrouver ses sourires et ses yeux étincelants ? Je vois que le fait de me l'avoir avoué à enlevé un poid de ses épaules, même si ça rend la chose plus réelle et que l'on partage ce secret à deux. Et je compte bien assumer d'être un pilier pour mes proches et maintenant je sais que je suis à ma place et que j'ai eu raison d'avoir proposé de faire ce tour, et d'avoir absorbé ses larmes. Après un moment à avoir écouté la nature, le chant des oiseaux, le craquement de branches au loin et le feuillage qui tremble sous une brise légère, l'ambiance entre nous s'est apaisée.

— On rentre ? je propose doucement.

Un sourire sincère apparait en réponse. Je saisis sa main pour montrer que je ne l'abandonnerai jamais et la lampe torche de l'autre et nous revenons sur nos pas pour pouvoir de nouveau rire à quatre, profiter à fond, avant l'épreuve qui nous attend.

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