Chapitre 27 : Traître translucide
Coucou ici ! Bonne rentrée à tous ! On se remet à l'écriture du Chant de l'Oiseau Solitaire, en espérant pouvoir réussir à le terminer avant les prochaines grandes vacances, même s'il reste encore beaucoup de travail dessus. Le rythme de publication reste le même, un chapitre toutes les deux semaines, et j'espère vous revoir nombreux pour tenir compagnie à Adrick ! La pause m'a fait un bien fou, et je suis prête pour repartir sur de bonnes bases sur ce texte. Des bisouilles !
LE CHANT DE L'OISEAU SOLITAIRE
Chapitre 27 : Traître translucide
L’entrevue de la compagnie dura un temps effroyablement long. Je ne savais plus quoi faire pour m’occuper, ainsi me mis-je à vadrouiller dans le grand porche qui s’étendait devant moi. La plupart des pièces qui longeaient les murs étaient vitrées. Des elfes étaient confortablement installés derrière des bureaux et tapaient frénétiquement sur des briques de plastiques couvertes de lettres, reliées à un bloc de métal qu’ils appelaient des “Sache-tout”. Ce concept n’est pas simple à expliquer, alors même que nous ne connaissons pas cette technologie dans cette partie du monde. Les Sache-Tout permettaient aux elfes d’accumuler des informations physiques, de discuter avec leurs collègues des étages inférieurs et supérieurs sans quitter leur siège, et surtout automatiser toutes les tâches de la citadelle, qui ressortaient d’autres boîtes en métal sous forme de parchemins blancs très courts et très plats.
Je restai près de vingt minutes à observer l’étrange balai de l’un d’entre eux, jusqu’à ce qu’il me remarque, m’adresse un regard noir et que de gros rideaux ne tombent devant mes yeux pour m’empêcher de voir ce qui se passait derrière. Vexé, je continuai mon exploration dans la salle suivante, cette fois-ci ouverte. Il y avait un petit comptoir, derrière lequel un de ces elfes translucides se tenait immobile. Curieux, je vérifiai que personne ne me regardait pour l’approcher. La chose se redressa immédiatement.
“Bonjour, visiteur. Puis-je vous offrir quelque chose à boire ou à manger ?”
Sous mes yeux ébahi, le comptoir commença à afficher des plats tous plus alléchants les uns que les autres. Ma main s’approcha de l’un d’entre eux, mais passa au travers à ma grande surprise. Mon interlocuteur ne dit rien. Il attendait, la tête légèrement penchée sur le côté, que je lui réponde. Après quelques secondes de réflexion, je choisis un morceau de viande accompagné de pommes de terre longues sans peau.
“Pavé de coléraptère géant et frites de noisetier. Excellent choix.”
Alors que je doutais fortement de mon choix, l’étrange machine se mit à vibrer devant moi. Le liquide rouge contenu dans sa tête vira au vert, puis au violet. Un bruit de clochettes résonna soudain, et son ventre se décrocha. La chose saisit le plat que j’avais commandé et le posa sur le comptoir. Il ressemblait exactement à ce qui se trouvait sur l’image intouchable juste à côté de lui. Perturbé, je regardais longuement le plat avant de m’installer sur le tabouret pour y goûter.
“C’est quoi un coléraptère géant ? demandai-je timidement.
— Coléraptère géant, nom masculin. Insecte de six à huit mètres de long possédant quatre ailes, dont deux cornées. Le coléraptère géant est élevé dans le petit village de Hivarii, à l’ouest de la forêt de Qerod. Sa viande est très appréciée par le peuple elfe, à commencer par son anus gonflé aux hormones par les éleveurs, met le plus répandu. Celui-ci est préparé en pâté en croûte et en pavé. Vous en avez un dans votre assiette.”
Je repoussai l’assiette du bout des doigts et commençait une retraite stratégique. Hors de question que je ne mette ne serait-ce qu’une cuillerée de cette chose dans ma bouche. L’elfe translucide ne me quitta pas des yeux. Etait-il seulement capable d’émotion ? J’en doutais fortement.
“Je… Je… Je suis désolé, bafouillai-je. Je dois partir, quelqu’un… quelqu’un m’attend dehors.
— Cela fera vingt-trois crédits, votre carte s’il vous plaît.”
Je l’ignorai et continuer vers la sortie. Une grille de métal tomba devant moi, me bloquant totalement le couloir. Oh non, ça recommençait. Je venais encore de me mettre dans de beaux draps. La chose quitta le comptoir et se rapprocha de moi.
“Défaut de paiement. Je vais maintenant appeler la garde afin de procéder à votre arrestation. Veuillez ne pas tenter de vous enfuir, je suis habilité à vous ôter la vie.
— Je vous assure que c’est une erreur, je… J’ai rien fait de mal, j’ai même pas touché à votre plat. Mon ami m’attend là bas, il va s’inquiéter pour moi. Laissez-moi partir, s’il vous plaît.”
Il ne répondit pas, bien sûr. Il me saisit le bras et me traîna derrière le comptoir. Sa poigne était ferme et froide, j’eus beau me débattre, il ne me laissa pas partir. Il ouvrit l’arrière-boutique et me jeta à l’intérieur avant de fermer la porte. Il s’agissait d’une petite pièce vide, avec une table et des fils colorés dessus. La technologie avait remplacé tous les besoins ici, cette pièce servait surtout de réserve pour les mécanismes étranges et complexes qui composaient les elfes translucides. La seule fenêtre disponible me dissuada de tenter une évasion : je me trouvais à environ cinquante mètres du sol, à peine visible de là où je me trouvais. La chute serait mortelle et je n’avais pas envie de m’y risquer. Il ne me restait qu’à espérer une intervention miraculeuse d’Iphranir pour me sauver la vie, encore une fois.
Les minutes s’écoulèrent, interminables. J’avais fini par me laisser tomber contre un mur, faute de mieux, et j’attendais que le destin frappe à ma porte pour faire ce qu’il voulait de moi. J’espérais que Lorette n’aurait pas vent de ce ridicule accident, d’autant plus que pour une fois, je n’étais pas franchement responsable. Je n’y connaissais rien à leurs coutumes !
La porte ne tarda pas à s’ouvrir sur l’elfe translucides et deux elfes à la tenue bleu foncé. Ils avaient le regard dur de ceux avec lesquels il n’était pas bon de discuter. Ils me dévisagèrent un moment, avant que l’un d’eux ne sorte deux anneaux métalliques.
“Ficuyv ! m’ordonna l’un des gardes. Neopt dupsi mi nys !”
Je n’avais rien compris. Le garde soupira et reprit en langue commune.
“Lève-toi, sale voleur ! Contre le mur, mains dans le dos.”
Je m’exécutai lentement, il me saisit ma veste et me plaqua contre le mur de brique. Il me plaça les anneaux de métal aux poignets et les serra.
“Vous allez être paralysé jusqu’à votre déplacement en cellule. Veuillez ne pas bouger. Plus vous opposerez résistance, plus ça fera mal.”
Il sortit un petit boîtier et appuya sur un bouton. Pendant quelques secondes, il ne se passa rien, puis d’un coup, une violente décharge électrique dans mes poignets me propulsa à terre. Je ne pouvais plus bouger, mais mon corps, lui, avançait sans que je ne comprenne vraiment comment. Je flottais quelques centimètres au-dessus du sol, guidé par les deux gardes vers les ascenseurs. Malheureusement, Iphranir ne vint pas à ma rescousse cette fois-là. Lorsque l’on passa devant la salle, elle était toujours fermée. L'ascenseur me donna une nouvelle fois l’envie de vomir, renforcée par mes liens rendus douloureux avec le mouvement. Contrairement à ce que je pensais, nous n’atterîmes pas dans le grand hall d’entrée, mais sous-terre, dans un lieu loin d’être aussi charismatique. Il s’agissait d’une prison, pour faire court, même si les cellules étaient aussi blanches que les étages précédents. Je fus libéré dans l’une d’entre elle, et une vitre épaisse glissa lentement devant moi à la sortie des gardes.
“Le vol est interdit, expliqua l’homme avant de s’éloigner. Vous êtes enfermé ici jusqu’à votre passage devant le tribunal, où vous devrez choisir quel main vous allez perdre.”
J’en glapis de terreur. C’était un cauchemar, j’allais me réveiller. Comment la situation avait pu déraper aussi mal en seulement quelques secondes ? Paniqué, je me jetai contre la vitre, et frappai dessus jusqu’à m’en faire mal aux mains. L’elfe de la cellule d’en face, agacé, se retourna sur sa couchette.
“J’ai rien fait ! Laissez-moi sortir ! C’est une erreur ! S’il vous plaît !”
Il ne se retourna pas. J’appris plus tard dans la journée que mon procès aurait lieu le lendemain. Iphranir n’était toujours en vue, et je commençais à douter quant au fait qu’il me sauverait sur ce coup-là. Certes, il avait l’air sincère lorsqu’il disait qu’il voulait que je retrouve Lorette, mais je n’oubliai pas comment il me l’avait retirée à Mornepierre, alors même que nous aurions pu affronter les terribles événements qui avaient suivis ensemble. Terrifié, je ne trouvais rien d’autre à faire que de me coucher à mon tour, difficilement à cause de la taille invasive de ces deux fichues ailes qui m’empêchèrent de dormir tant elles brillaient.
Je n’eus pas le droit à un repas, ni à une considération. Malgré mes appels à l’aide, aucun des gardes qui faisaient leur ronde ne m’adressèrent la parole. Effrayé à l’idée du procès le lendemain dans cette civilisation dont je ne comprenais ni la langue, ni les coutumes, je me laissais sombrer dans un sommeil agité pour passer le temps. Je trouverais bien une solution pour m’en sortir. Je m’en sortais toujours.
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