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— Où as-tu vu cela ? me demanda-t-il.
— Dans un livre. Pourquoi ? fis-je en levant la tête.
— Et ce livre, l’as-tu encore ?
— Non.
— Dommage…
Pourquoi avais-je menti ? Mon seul souhait était de me débarrasser enfin de ce poison n’est-ce pas ? Le dessin était fini. J’arrachai la page avant de la déchirer en mille morceaux. Ce n’était pas aussi efficace que de la brûler, mais ça fonctionnait aussi.
— Pourquoi… commença l’inconnu.
Je sentais le mal de crâne revenir à la charge. Je jetai les morceaux avant de m’asseoir un peu plus loin. Habituellement, je n’étais pas aussi désagréable, mais là je n’étais pas dans un bon jour. Je m’en voulus tout de même un peu et levai la tête.
Nos regards se croisèrent. C’était un homme dans la vingtaine, un peu plus âgé que moi. Il avait de courts cheveux bruns, un visage carré avec un menton volontaire. Mais ce qui ressortait le plus chez lui, c’étaient ses yeux d’un vert perçant. Un peu comme les miens en fait…
C’est à ce moment-là que le médecin arriva enfin.
— Ah, Céline, je suis content que tu sois restée. J’ai trouvé quelque chose qui pourrait bien t’intéresser, dit-il en me faisant signe de le suivre dans son cabinet.
Une fois la porte fermée, je m’écroulai sur la chaise.
— Tout va bien ?
— Oui, ça va… C’est juste ce fichu mal de tête… Vous avez un nouveau patient ? Le type de la salle d’attente ?
Je remarquai alors que nous n’étions pas seuls. L’inconnu était lui aussi entré dans le bureau. Je me sentis un peu gênée. Le Docteur Kitu suivit mon regard.
— Non, Jake est un ami. Je lui ai parlé un peu de ton cas et je crois qu’il peut t’aider.
— Et le secret médical dans tout ça ? Vous en faites quoi ? demandai-je étonnée.
— Ne t’inquiète pas pour ça, intervint Jake. Si tu veux tout savoir, j’ai eu une formation de guérisseur alors ce n’est pas un problème. Et puis, après ce que j’ai vu dans la salle d’attente, je crois que Vlad a bien fait de m’appeler.
— Au point où j’en suis, tout est bon à prendre… Désolée, je ne voulais pas dire ça.
— Pas de soucis, dit-il avec un sourire. Et si tu me racontais tout depuis le début ?
J’hésitai un instant.
— Vous allez certainement me prendre pour une folle…
— Non, tout comme ton médecin, je ne pense pas que tu aies de problème psychologique. Je crois simplement que tu es tombée sur quelque chose qui te dépasse. Alors, vas-y en détail.
Je regardai le Docteur Kitu. Il connaissait déjà cette histoire et acquiesça pour m’encourager.
— Tout a commencé en avril. J’étais sur un marché aux puces et j’ai vu ce livre. Après…
— Qu’est-ce qui t’a poussé à l’acheter ? me demanda Jake.
— Je…
Je me rendis alors compte que, durant tous ces mois, personne n’avait jamais posé cette question. Pas même moi. Ce n’était pas qu’un simple livre pour moi, mais pourquoi ? Justine avait dit que c’était du charabia, mais moi je comprenais ce que je lisais. Penser à mon amie me rendit nostalgique. Elle avait réussi son année et continuait ses études. On ne s’était plus vues depuis des semaines et elle me manquait. Voilà encore une chose que le livre de Hopper m’avait volée…
Je me ressaisis. Cela devait s’arrêter, maintenant ! Et s’il fallait que je trouve pourquoi j’avais été attirée comme par magie vers cet ouvrage, je trouverais.
J’essayai de me souvenir de ce jour-là. Le soleil, la couverture verte posée au sol et une image.
— La forêt, dis-je finalement en sortant mon carnet. Je me suis penchée pour voir la couverture de plus près et, quand je l’ai touchée, j’ai… Pendant un instant, j’ai cru y être pour de vrai. Mais c’est impossible n’est-ce pas ?
Je fixai mon dessin. Je me rendis compte que, bien qu’il ressemblait à celui du livre, j’avais ajouté des détails et des couleurs qui ne se trouvaient pas là originellement.
— Continue.
— Ce qu’il s’est passé après, je ne m’en souviens pas. Je me suis réveillée à l’hôpital deux jours plus tard. Et puis, c’est comme si l’histoire s’était gravée dans mon esprit. Je ne pouvais plus penser qu’à ça et les maux de tête et les vertiges ont continué par la suite. J’ai essayé de m’éloigner du livre. Je l’ai enfermé dans le grenier, mais c’était de pire en pire et je me suis retrouvée une deuxième fois à l’hôpital malgré le traitement que je prends.
— Et qui n’aide pas vraisemblablement, fit remarquer le Docteur Kitu.
— Je suppose que tu l’as toujours gardé avec toi depuis. Montre-le-moi pour voir.
J’ouvris mon sac et tendis l’ouvrage au guérisseur. Il eut un léger mouvement de recul en prenant le livre.
— Hopper, c’est bien ce que je pensais, dit-il tout bas. Que ressens-tu là, maintenant ? me demanda-t-il ensuite.
Je ne pris pas le temps d’y réfléchir et dis la première chose qui me passa par la tête.
— J’ai envie de… vous l’arracher des mains et de partir en courant.
— Je vois… Tu as de la chance, c’est une copie. Si ç’avait été l’original, je ne crois pas qu’on serait là pour en discuter.
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