De retour à la maison, je ne pus m'empêcher d'ouvrir le manuel de chimie prêté par Jake. Ce qu'il m'avait montré m'avait intriguée. Je décidai cependant de ne pas retourner immédiatement à Arcadya. Il me fallait un peu de temps pour y réfléchir, du temps pour moi aussi.

Étonnamment, le livre était bien plus récent que tout ce qui se trouvait dans sa boutique. Il n'était pas neuf, loin de là, mais ce n'était pas non plus une antiquité. J'avais un jour entendu dire que les ouvrages scientifiques devaient dater de maximum dix ans pour être encore en phase avec les nouvelles découvertes.

Les premières leçons me parurent faciles. Ce n'étaient que des rappels sur les atomes, les liaisons et les différents états de la matière. Je n'avais encore jamais vraiment étudié dans de tels manuels. Pour moi, c'étaient plus des livres de référence qui restaient sagement alignés sur une étagère.

***

Un soir, une dizaine de jours avant Noël, mes parents ne cessèrent de me jeter des regards étranges durant tout le repas. Je n'aimais pas cette ambiance. Finalement, mon père se risqua à poser la question.

— Céline. Ta mère et moi aimerions savoir… ce que tu comptes faire de cette année. Je sais que cela peut te paraître étrange qu'on te le demande, tenta-t-il de se justifier. Mais tu ne peux pas passer ta vie enfermée dans ta chambre, il faut que tu te décides à reprendre enfin des études. Quatre mois de congé auraient dû amplement te suffire à…

Je ne l'écoutais que d'une seule oreille. Le sujet revenait pour la troisième fois déjà. Mais, cette fois-ci, je ne garderais pas le silence. Je savais quoi répondre, même si je me sentais affreusement mal de devoir mentir à ma famille. Je pris une grande inspiration, en espérant que ma voix ne me trahisse pas.

— Justement, dis-je, je comptais vous en parler.

Le silence tomba immédiatement sur notre tablée. On aurait pu entendre une mouche voler.

— J'ai hum… J'ai un peu discuté avec le Docteur Kitu et il m'a expliqué que tous mes soucis de santé récents n'étaient dus à aucune cause physique.

— Mais alors… commença ma mère.

— Laisse-la finir, voyons, s'interposa mon père.

— En fait, le problème vient, venait plutôt, de moi et de mes choix… Il m'a dit que, même si je ne le savais pas, les études que j'avais entreprises n'étaient pas celles qui me convenaient le mieux. Mais vu que je faisais de mon mieux pour réussir, cela engendrait beaucoup trop de stress et c'était pour ça que j'ai été aussi malade avant mes examens.

— Cela semble logique, dit pensivement mon père. Continue.

— J'ai donc réfléchi et j'ai décidé que j'entamerais des études de médecine l'année prochaine.

Mes parents eurent l'air soulagés. Je savais bien qu'ils s'inquiétaient pour mon avenir.

— Niveau stress, tu vas être servie, plaisanta ma mère.

— Justement, j'y ai aussi pensé, dis-je. Avec le concours d'entrée qu'il y a dans ce domaine, je veux me préparer au mieux. C'est pour ça que… je commence à étudier les sciences dès maintenant pour être fin prête en août.

— Ah, c'est donc pour ça le livre de chimie que j'ai aperçu dans ta chambre, me sourit ma mère. Je comprends mieux maintenant pourquoi tu passes autant de temps devant ton ordinateur.

— En plus, ajoutai-je, j'ai trouvé un nouveau travail pour aider à payer les factures.

Je n'aurais peut-être pas dû annoncer cela ainsi. Je voyais bien qu'ils ne me pensaient pas capable de reprendre une vie normale. Cependant, je n'avais pas le choix, il fallait que je les rassure au mieux. Même si la vérité éclaterait forcément en septembre. Mais peut-être que si je m'avançais suffisamment dans mes révisions, j'irais réellement m'inscrire en fac de médecine, qui sait…

— Es-tu certaine que ce n'est pas de trop ? demanda mon père. Tu sais bien que tu es toujours la bienvenue ici, que tu travailles ou pas.

— Tout va bien. Je me sens mieux depuis quelques jours. Et puis, vous avez raison. J'en ai assez de rester cloîtrée entre quatre murs…