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La porte se referma et je n'entendis pas la suite. Je regardai autour de moi. Je me trouvais au bas d'une cage d'escalier sombre et poussiéreuse. Je commençai à monter les marches tout en réfléchissant à ce que je venais d'entendre. Jake m'avait dit que les sorciers avaient mis leurs différends de côté mais cela ne correspondait pas au discours tenu aujourd'hui. Si j'avais eu plus de temps, je serais restée jusqu'à la fin pour essayer d'en apprendre plus. Mais ce n'était pas la raison de ma présence.
Je tirai la porte du deuxième étage. Tout était silencieux et seule la lumière de l'ampoule de secours illuminait le couloir. J'avançai à tâtons, comptant les portes. Peu à peu, mes yeux s'habituèrent à l'obscurité environnante.
J'arrivai devant une porte vitrée que je ne pus ouvrir. C'était pourtant le seul accès à la pièce indiquée sur le plan de Jake. J'avais promis que je n'utiliserais pas de sorts ce soir mais je sortis tout de même une petite fiole contenant de la poudre bleue. Une fois le sort activé, je franchis l'obstacle sans aucune difficulté.
La salle d'exposition était elle aussi plongée dans le noir. Les seules lumières provenaient des hautes fenêtres d'où l'on pouvait voir la ville en contrebas. De longues étagères d'animaux empaillés s'alignaient entre de grands squelettes de mammifères. Dans l'obscurité, les os blanchâtres ressortaient de façon lugubre. Les voyants rouges des caméras clignotaient par intermittence. J'espérai que Jacob avait réellement brouillé les images.
Soudain, je remarquai un mouvement au fond de la pièce. Je n'étais donc pas seule…
— Euh… Il y a quelqu'un ? Je me suis perdue et…
Et je me sentis stupide de m'adresser ainsi à mon propre reflet. Tout le mur du fond était en effet une paroi réfléchissante, c'était donc pour cela que la salle m'avait parue si grande. Je m'approchai lentement pour la toucher mais ma main passa au travers. Je maudis la poudre d'Iris avant de me rendre compte qu'il n'y avait pas de mur derrière la paroi. Et pour cause : c'était un miroir sans tain !
Je passai de l'autre côté pour découvrir un local de rangement. Des caisses en bois s'empilaient là depuis assez longtemps vu leur état. Je compris en voyant l'épaisse couche de poussière que personne n'avait dû mettre les pieds ici depuis des années.
Quelque chose me perturbait. J'avais l'impression qu’une présence sinistre émanait de l'une des boîtes. Je passai ma main sur la paroi des caisses, faisant s'envoler un nuage de débris. L'inscription gravée dans le bois indiquait que le colis provenait d’Égypte. Je lus la date : 1912. Je m'arc-boutai pour tenter de soulever le couvercle. Les planches cédèrent avant les clous qui les maintenaient en place. J'espérai que personne ne me surprendrait à dégrader ainsi le matériel.
Le coffre était rempli de dizaines de pièces en provenance de fouilles archéologiques. Il y avait là des coupes, des bijoux et deux anciens poignards. Je tendis la main pour m'en emparer mais reculai bien vite lorsque le pendentif que je portais commença à brûler ma peau. Je ne pouvais donc pas les toucher.
Je m'assis contre la caisse pour réfléchir. Il fallait que je trouve rapidement une solution pour emporter les deux couteaux. Et puis d'ailleurs, pourquoi y en avait-il deux identiques ? Jake avait pourtant parlé d'un exemplaire unique…
La proximité de ces objets me donnait la chair de poule. Quelle était donc la vraie raison de ma présence ici ? Je n'étais pas une voleuse, je n'aurais dû avoir aucun intérêt à agir ainsi. Et pourtant, seule l'aura des lames m'empêchait de les attraper et de partir à toute vitesse. Cela ou bien…
Je me levai et me penchai à nouveau par-dessus le bord de la caisse. Les deux poignards entrecroisés étincelaient dans la faible intensité lumineuse.
— Je n'ai rien à craindre de vous, dis-je tout bas, la main tendue. Vous ne pouvez plus me faire de mal, j'ai déjà assez donné avec le livre de Hopper.
Je me sentis ridicule de parler ainsi à des objets inanimés et éclatai de rire dans le silence qui m'entourait. Une fois calmée, je me rendis compte que la sensation étouffante qui m'avait assaillie lorsque j'étais entrée avait complètement disparu. Il ne restait plus qu'une pièce poussiéreuse remplie de vieilleries et deux longs poignards argentés au fond d'une boîte. Je les empochai, me tournai pour retraverser le miroir avant de me figer net.
Un gardien muni d'une lampe torche avançait tranquillement dans la pièce. Je n'avais pas prévu que la sécurité effectuait des rondes nocturnes. Je paniquai avant de me rendre compte qu'il ne pouvait pas me voir. Il me suffisait donc d'attendre qu'il s'en aille et de repasser de l'autre côté de la paroi.
— Rien à signaler ici, dit l'homme dans sa radio. Vous êtes certain d'avoir vu quelque chose dans cette aile ?
Une voix grésillante lui répondit. J'espérai que le vigile mettrait ce qu'il avait vu sur ses écrans sur le compte de l'obscurité. En attendant, il fallait que je trouve un moyen de m’éclipser discrètement…
Je patientai jusqu'à être certaine d'être à nouveau seule et piquai ensuite un sprint entre les armoires. Une fois de l'autre côté de la porte, je descendis rapidement les marches pour me réfugier dans le couloir désert.
Je cachai mon butin près de l'entrée avant de me glisser à nouveau dans le grand hall. J'entendis les applaudissements des invités, le discours devait être terminé.
— Ah tu es là ! me fit sursauter un de mes collègues. Viens, on a fini.
— Déjà ?
— Oui, ils nous jettent dehors, va savoir pourquoi ! Mais je ne vais pas m'en plaindre, on est payés double alors je m'en fiche bien de…
Je le suivis sans prêter attention à la suite de son monologue. Je me changeai rapidement et profitai du fait que tous les autres se trouvaient encore dans le vestiaire pour récupérer les poignards et m'éloigner, le cœur battant. Je me dis que ça n'avait pas été si difficile. J'aurai cependant deux mots à dire à Jacob !
Jake et lui ne m'avaient même pas attendue en plus… Il était plus de minuit et le parc était désert, tout comme les trottoirs environnants. Je commençais à avoir froid alors je décidai de rentrer chez moi.
Une fois dans ma chambre, je ne pus m'empêcher d'examiner ce que j'avais rapporté. Je remarquai que les deux poignards n'étaient pas tout à fait les mêmes : l'un était serti d'une pierre bleue alors que celle du manche de l'autre était rouge sang. Ces couleurs avaient-elles une importance ?
Était-ce Hopper qui me poussa à cacher ainsi l'un des deux dans le grenier ? Je me souvins que le dessin de Jake représentait une pierre bleue. C'est donc celui-là qu'il aurait et je garderais l'autre. Après tout, il m'avait envoyée voler un seul objet. Et puis, j'avais la ferme conviction que le second me serait nécessaire plus tard.
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