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La fin du mois d'août approchait à grands pas. Il ne restait donc plus que quelques jours avant le moment où il deviendrait impossible d'exécuter le sortilège sans danger.
Il devint clair que Jake ne souhaitait pas partager tous ses secrets avec moi. Au fur et à mesure que l'échéance approchait, il s'enfermait de plus en plus souvent avec ses notes, que ce soit en compagnie de son ami ou non. Sans autre occupation, je me lançai à nouveau dans la préparation des sorts d'Iris et je fis même quelques expériences de mon côté. Pourtant, malgré le fait que cela parvenait à me distraire, je n'y retrouvai plus le plaisir du début. Surtout qu'Iris se montrait elle aussi assez distante.
Je ne changeai pas mes autres habitudes. Le samedi, je me rendis à la brocante comme à chaque fois. Les allées étaient bondées en ce week-end de vacances. La brise faisait chanter les feuilles des platanes et le soleil tapait fort. Mais je ne m'en apercevais même pas, trop perdue dans mes pensées.
Au détour d'un attroupement, quelque chose de familier attira mon attention. La couverture verte était la même que dans mon souvenir, seuls les objets posés dessus avaient changé ; quelques statuettes en métal doré et des assiettes décoratives. Je levai la tête pour rencontrer le regard du vendeur. Cela faisait des semaines que je venais ici mais je ne l'avais jamais revu depuis le jour où tout avait commencé. Je fis tout de même attention à ne toucher aucun objet.
— Excusez-moi, dis-je. Vous m'avez vendu un livre particulier il y a plus d'un an. Je me demandais si vous n'en auriez pas d'autres semblables…
Il me regarda, sourcils froncés. Je devinai qu'il ne se rappelait pas du tout de moi. Je tirai une page de mon sac, le dessin de la forêt de Lor qui ne me quittait jamais. L'homme l'examina attentivement avant de me le rendre.
— Je me souviens, dit-il. C'était un livre écrit dans une langue étrangère, n'est-ce pas ? Je crois bien en avoir vu un autre dans le même style quelque part dans l’une de ces caisses.
Il fouilla quelques instants dans sa voiture avant de sortir triomphalement un mince ouvrage écorné. Je me concentrai dessus mais ne ressentis rien de particulier. Ce n'était peut-être pas ce que je cherchais. J'acceptai tout de même de l'ouvrir à la première page pour y découvrir l'ancienne langue. La fine écriture manuscrite ne me permettait pas de lire tous les mots ; certains symboles avaient été tracés trop rapidement et n'avaient pas la bonne forme. Mais je me dis qu’une fois le teste retravaillé, cela ne devrait plus poser de problème.
L'écriture me disait quelque chose. Ce n'était pas comme avec le livre de Hopper, cet objet ne pouvait pas créer de lien avec mon esprit. J'étais certaine d'avoir déjà vu quelque chose de semblable de mes propres yeux. Cela devait avoir son importance.
— D'où vient-il ? demandai-je.
— Oh, de quelque part certainement. Je fais beaucoup de vides-maisons, alors je ne saurais pas le dire. Pourquoi ? C'est intéressant ?
— Je ne sais pas encore… Combien en voulez-vous ?
— Combien m'en donnes-tu ?
Je sortis ce que j'avais dans ma poche, soit une quinzaine d'euros. Le vendeur sourit, satisfait.
Je ramenai le carnet chez moi, pour éviter que Jake ne le voie. J'y avais en effet trouvé une représentation détaillée de mon poignard, sans parvenir à lire le texte explicatif qui l'accompagnait.
— Tortue étincelante sur un chameau délicieux ? Mais ça n'a aucun sens ! m'exclamai-je.
Je reconnaissais pourtant bien là les signes de l'ancienne langue. C'était peut-être un faux…
Après des heures à essayer de lire le texte, je dus finalement me rendre à l'évidence : je n'avais pas la moindre piste pour déchiffrer le code utilisé. Je recopiai néanmoins le passage de l'artefact, avec l'intuition que c'était important.
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