3
Une fois sortis du bois, je me dirigeai vers le bâtiment du réfectoire. A l'intérieur, j'attrapai un plateau et des couverts. Ian et Arthur firent de même. C'était gratin de pâtes aujourd'hui au menu. J'ajoutai, comme à mon habitude, un verre d'eau sur mon plateau et sur celui du petit.
A peine installés à table, Ian fit sauter la moitié du contenu de son verre entre nous. Je souris et lançai aussi mon avatar dans le combat. Je continuai pourtant à manger en silence, tout en enchaînant les coups. C'étaient certaines des séquences d'Iris et je pouvais les reproduire sans même avoir à y penser.
Lys vint s'asseoir près d'Arthur.
— Qu'est-ce qu'ils font ? demanda-t-elle.
— Aucune idée.
Je sursautai soudain, et parai in-extremis le coup de Ian. Je ne l'avais pas vu venir.
— Où as-tu vu ça ? l'interrogeai-je. Je ne te l'ai pas appris…
— Dans l'arène, hier.
— Eh bien ! Je crois que je devrais aller voir ces entraînements plus souvent sinon tu vas vite me dépasser.
— Mais tu as quand même réussi à le bloquer ! Comment tu as fait ?
— J'ai eu un bon professeur, souris-je. Recommence lentement, je vais te montrer.
Je passai le reste de l'après-midi dans le parc en compagnie de Ian. Et d'Arthur qui ne nous lâchait pas d'une semelle.
— Tu t'es fait de nouveaux amis ? Demandai-je, un geste vers le groupe d'apprentis qui jouaient sur la pelouse.
— Oui, mais…
— Mais quoi ? Ils ne sont pas gentils ?
— Pas vraiment… Ils se moquent souvent de toi. Pas devant moi mais je le sais quand même.
Je soupirai.
— Ce sont des enfants, Ian. Ils ne font que répéter ce que les adultes disent autour d'eux.
Arthur semblait mal à l'aise. Je me doutais bien que beaucoup de rumeurs devaient circuler à mon sujet parmi les sorciers du monastère. Mais je n'avais pas envie que Ian en subisse les conséquences.
— Je ne crois pas qu'ils le pensent réellement, continuai-je. Tu ne dois pas t'arrêter aux apparences.
— Mais moi je n'aime pas quand ils disent des choses méchantes… Je veux pas que tu sois triste !
— Tu es gentil. Mais ne t'inquiète pas pour moi, d'accord ? Je suis assez grande pour me défendre toute seule. Va t'amuser avec les autres !
Il me sourit avant de courir rejoindre ses camarades. J'observai le groupe pendant quelques secondes avant de m'asseoir contre un tronc. Arthur s'assit à côté de moi.
— Qu'est-ce que tu cherchais à la bibliothèque ? me demanda-t-il après un moment de silence.
— C'est compliqué…
— Tu as besoin d'aide ?
— Vous ne comprendriez pas.
— Essaie toujours.
— Pourquoi ça vous intéresse à ce point ?
— Tu es différente, ça change de l'ordinaire. Et j'ai l'intuition que tu n'es pas ici par hasard.
— Lys ne vous a donc rien dit ?
— Oh si, bien sûr. Elle m'a raconté une drôle d'histoire. Mais elle n'a pas jugé bon de me préciser comment tu t'es retrouvée à travailler pour ces voleurs.
— Par hasard, répondis-je en regardant les enfants jouer dans un arbre.
Je l’observai. Il semblait sérieux. Je n'étais pas assez libre de mes mouvements dans ce monastère. Et je manquais de temps. S'il pouvait me permettre de sortir pour vérifier certaines choses… Mais je ne savais pas par où commencer pour éviter qu'il ne me prenne pour une folle. Je traçai machinalement le sceau de Hopper dans la terre.
— J'ai déjà vu ça quelque part, me dit Arthur en s'asseyant à côté de moi. C'est quoi ?
— Un portail, normalement.
— Et où mène-t-il ?
— Dans un monde caché derrière le nôtre.
Il me regarda, perplexe.
— C'est une histoire que j'aimais bien quand j'étais môme. Je me souviens que mon mentor nous la racontait souvent. Je m'imaginais à la place de Hopper. Je rêvais de partir à la découverte d’une nouvelle dimension. Puis Jacob a disparu et je me suis rendu compte que ce n'était qu'un récit fantastique. Cela fait des années que je n'y avais plus pensé…
— Et si je vous disais que c'est bien plus qu'une simple histoire ?
— Tu y crois vraiment ? Pourquoi donc ? s'étonna-t-il.
— Parce que je l'ai vu. C'est comme ça que j'ai découvert mes pouvoirs il y a quatre ans.
Il me jeta un regard surpris.
— Quatre ans seulement ? J'aurais parié sur beaucoup plus…
— Jake et Iris étaient de bons professeurs, souris-je. Et puis, j'avais accès aux livres. Vous savez, c'est pas les mêmes que dans la bibliothèque.
— Comment ça ?
— Je pensais que tous les livres de magie étaient les semblables, expliquai-je. Mais je n'ai compris mon erreur qu'à mon arrivée ici. Ceux que j'avais étaient bien plus utiles vu qu'ils étaient axés sur la pratique. Mais il n'y en a que peu des comme ça ici.
— Tu sais, Jake et moi étions de bons amis à une époque, avoua-t-il. Je te parle de ça… nous avions l’âge de Ian. Mais revenons-en à toi. J'aimerais bien voir ces ouvrages.
Je décidai de saisir ma chance de retourner enfin à la librairie. J'étais certaine que le rituel nécessaire à l'ouverture du portail devait se trouver dans les carnets de Jake. Et j'espérais qu'il ne les avait pas emportés avec lui à Lor.
— C'est possible. Mais dangereux, dis-je.
— Pourquoi ?
— La Confrérie. Ils sont eux aussi après le secret de Hopper. Ils risquent de nous tomber dessus sans prévenir…
— Je crois que je suis prêt à prendre le risque.
Je regardai à nouveau en direction de l'arbre où étaient les enfants. Ils avaient disparu, partis jouer plus loin. Le soleil se rapprochait de l'horizon.
— Ce soir alors, dis-je.
— Pourquoi aussi vite ? On a tout le temps du monde.
— Vous peut-être. Mais moi, il ne me reste plus que trois jours.
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