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La ville était tellement grande ! Dans les rues, les habitants se pressaient et vaquaient à leurs occupations. Ils parlaient une langue étrange et exotique. Pourtant, cette cité n'était pas dépourvue de technologie, loin de là ! Des écrans géants étaient installés toutes les deux ou trois rues et beaucoup de personnes avançaient le nez plongé dans leur tablette tactile. Ils n'étaient pas si différents de mes contemporains après tout. Au-dessus de nos têtes, des engins volants semblables à des drones circulaient avec des bourdonnements incessants.
Je me sentis perdue avant de remarquer que les enseignes et les affiches que nous croisions étaient tous écrits dans le dialecte des sorciers. Une ancienne langue que je croyais morte depuis longtemps. Mais ici, c'était le seul moyen de communication utilisé. Je supposai que les mots que j'entendais devaient être ceux que je pouvais lire mais pas prononcer. Il me restait tellement de choses à apprendre !
Une fois la nuit tombée, le flot de passants se fit plus rare. L'éclairage public s'éteignit peu à peu, et seuls quelques réverbères restèrent allumés. J'aperçus le panneau d’une taverne et me dirigeai dans cette direction.
— C'est quoi cet endroit ? me demanda Arthur.
— Une auberge. Tu ne sais pas lire ou quoi ?
— Non… Tu sais, toi ?
Je me retournai pour le regarder, étonnée. Un sorcier qui ne connaissait pas sa propre langue ? C'était un comble ! Je me rappelai alors de la bibliothèque du monastère et je compris.
— C'est ça le gros problème de la Fondation ! Vous avez oublié l'essentiel.
— Comment ça ?
— Tu te souviens combien j'avais été étonnée par votre bibliothèque ? Ce n'était pas à cause de sa taille…
— Je ne vois pas vraiment ou tu veux en venir.
— Ceci, dis-je en indiquant l'écriteau, est la langue avec laquelle j'ai appris à maîtriser mes pouvoirs. Tous les ouvrages que j'ai lu lors de ma première année étaient rédigés avec ces symboles, c'est pour ça que je comprends. Mais, vous au monastère, vous n'aviez que quelques livres écrits dans l'ancienne langue, dont le journal de Hopper…
— Mais je ne vois toujours pas pourquoi cette langue serait utilisée ici.
— Jake m'a dit que la source de toute magie se trouvait en ce monde. Je crois qu'il voulait justement parler de la langue. Imagine un peu si tes formules étaient traduites en langage sorcier. La puissance qu'elles auraient !
Je poussai la porte de l'établissement et me retrouvai dans une salle bruyante et enfumée. Quelques clients quittèrent leur boisson du regard pour m'examiner mais ils reprirent vite leur conversation là où ils l'avaient laissée. Je m'approchai timidement du bar.
— Excusez-moi, dis-je doucement. Nous venons d'arriver en ville et…
— Vous n'êtes pas encore passés par le Bureau ? me demanda le barman dans ma langue, quoi qu’avec un léger accent.
— Non… Quel bureau ?
— Celui de l'immigration, pardi !
Il indiqua le médaillon qu'il portait autour du cou. Je remarquai alors que tout le monde autour de nous en avait un semblable. Ian se hissa sur le tabouret laissé vacant.
— Nous ne savions pas qu'il fallait absolument s'enregistrer, intervint Arthur. Nous ne sommes arrivés qu'aujourd'hui.
Le tenancier regarda l'enfant avec un sourire.
— Ça ira pour ce soir, dit-il. Vous pouvez dormir en haut. Mais vous devez absolument vous présenter au Bureau à la première heure demain. Sinon, gare aux ennuis ! On a beaucoup trop d’étrangers qui arrivent à Lor sans prévenir en ce moment ; impossible de laisser tout ce monde courir partout sans aucune information ! Venez, je vais vous montrer la cuisine.
Nous le suivîmes à l'arrière de l'établissement. Le repas était délicieux mais c'était peut-être dû au fait que nous étions tous les trois affamés. Une fois rassasiés, nous découvrîmes la minuscule chambre dans laquelle nous devrions passer la nuit. Il y avait deux lits et une malle posée dans un coin. La lumière de la lune entrait par une fenêtre étroite située plus en hauteur. J'allumai la chandelle.
— Tu ne devrais peut-être pas faire cela ici, dit Arthur. Je n'ai encore vu personne utiliser le Don depuis que nous sommes arrivés. Qui sait ce qu'ils vont en penser…
— Tu as raison, je n'avais pas vu ça comme ça. Je ferai plus attention.
Cela ne m'empêcha pas d'allumer une deuxième bougie de la même façon. Personne n'était là pour nous voir alors le problème n'en était pas un. Arthur sourit. Je me demandai fugitivement pourquoi l'électricité était abondamment utilisée à l'extérieur mais que les interrupteurs ne fonctionnaient pas à l'intérieur de la maison. C'était bien étrange…
Ian s'était déjà allongé et endormi immédiatement. Je le recouvris d'une vieille couverture usée avant de poser mon regard sur l'autre lit. Arthur fit de même.
— Je vais… commença-t-il.
— Ne sois pas ridicule ! Il y a bien assez de place pour nous deux !
— Tu es sure que…
Je soupirai avant de me glisser sous les draps. Il me rejoignit peu après en faisant attention à ne pas me frôler. Je souris avant de m'endormir, épuisée par la journée que nous venions de vivre. Mes rêves furent peuplés de raies mantas et de vols planés dans les nuages.
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