Chapitre 1 - Partie 2

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  Si Lunixa n'était pas ici, où était-elle passée ? La délégation arriverait dans un peu plus d'une heure et demi... Lors de la venue des Eld'fólkjallais, elle avait fini de se préparer peu de temps avant de les accueillir. Peut-être était-elle retournée dans ses appartements pour s'apprêter. Je m'y rendis à grandes enjambées.

  Ma tension s'accentua lorsque je trouvais ses quartiers tout aussi vide que sa salle de musique. Rien n'avait bougé depuis mon réveil. Elle ne semblait pas y avoir remis les pieds. Était-elle finalement déjà prête ? Je jetai un œil dans sa penderie pour le vérifier.

  La magnifique robe exposée au centre de la pièce attira tout de suite mon regard. Une robe d'un bordeaux semblable à celui de mon ensemble. Il s'agissait forcément de celle que Lunixa avait prévu de porter aujourd'hui, c'était obligé. Je serrai les dents. Pourquoi ne l'avait-elle pas encore mise ? À moins que Magdalena ne l'ait déjà maquillée, coiffée, et qu'il ne lui restait plus qu'à revêtir cette robe, Lunixa ne serait pas prête à temps. Mon pouvoir commença à s'agiter en moi.

  Dame Nature, mais que fait-elle à la fin ?

  –Magdalena ? l'appelai-je alors que je me rendais dans mes appartements pour finir de me préparer. Où êtes-vous ?

  Je plaçai ma cape sur mon épaule gauche, l’attachai à la chaîne en or qui la retenait, puis récupérai ma couronne.

  –Magdalena ?

  Je la posai sur ma tête et sortis de mes appartements pour me rendre au rez-de-chaussée.

  –Magdalena ! m'impatientai-je. Que faites-vous ?




  Elle ne m'avait toujours pas répondu lorsque j'arrivais dans la salle à manger où une foule de domestiques préparait la table, frottait l'argenterie pour en faire ressortir l'éclat, essuyait les verres pour effacer toute trace sur le cristal. Lunixa n'était pas là non plus.

  –Magdalena ! insistai-je.

  Pourquoi ne me répondait-elle pas ?

  –Altesse ?

  –Quoi ?! fis-je sèchement en me retournant.

  Le domestique recula d'un pas, effrayé par le ton de ma voix. Bon sang... Je pris une profonde inspiration pour me reprendre en main.

  –Je suis désolé... Qu'y a-t-il ?

  –Pourriez-vous nous traduire les instructions de la Princesse ? me demanda-t-il.

  Il me tendit une feuille, de nouveau des notes de Lunixa. Je m'empressai de la lire, puis repartis à sa recherche.

  Étant le seul au château à parler l'illiosimerien, plusieurs personnes vinrent me trouver pour que je leur confirme ou traduise ce que Lunixa avait programmé. L'arrivée des traducteurs me déchargea de ce poids, mais je devais encore accueillir les différents invités venus pour l'occasion, ce qui ne cessait de couper mes recherches. Ma tension empirait de minutes en minute. Je parcourais le château de fond en comble sans succès ; Lunixa restait introuvable. Ceux que j'avais interrogé n'avait pas pu me fournir la moindre information à son sujet. Et il en allait de même pour Magdalena qui continuait à faire la sourde oreille. J'étais dans un tel état que je n'arrivais plus à contenir mon pouvoir ; le feu se promenait librement le long de mes veines, affluait sous ma peau. Si quelqu'un me touchait, on m'enverrait à coup sûr à l'infirmerie pour forte fièvre.

  –Altesse ? –Oui ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? m'irritai-je quand on m'accosta pour la énième fois.

  –Je..., hésita le page. Ce... c'est pour vous signaler qu'un soldat illiosimerien vient d'arriver. La délégation sera là dans une demi-heure.

  Mon cœur manqua un battement. Une demi-heure ? Dame Nature, il fallait absolument que je trouve Lunixa !

  –Kalor !

  La voix de Thor me ramena d'un coup à la réalité. Je me tournai vers lui tandis qu'il s'approchait d'un pas soutenu.

  –Sais-tu où est Lunixa ? s'enquit-il.

  –Non, je ne l'ai pas vue depuis mon réveil.

  Ni depuis qu'elle était venue dans mon bureau, en milieu de soirée...

  Le visage de mon frère s'assombrit ; mon pouvoir s'agita.

  –Thor ?... Qu'y a-t-il ? demandai-je le souffle court.

  –Personne ne semble l'avoir vu depuis cette nuit.

  –Pardon ?

  –C'est pour ça que j'espérais qu'elle t'ait dit ce qu'elle faisait. Les dernières personnes à lui avoir parlé sont les jardiniers qui se sont occupés de décorer la véranda.

  –À quelle heure ?

  –Un peu avant deux heures du matin. Et d'après eux, ils étaient les derniers qu'elle devait voir.

  J'avais quitté mon bureau après trois heures... Bon sang, j'aurais dû la trouver endormie dans son lit ! Pourquoi n'était-elle pas dans sa chambre ? Avait-elle été retenu par un imprévu ? Mais cela n'expliquait pas que personne ne l'ait vue. Qu'est-ce qui pourrait...

  Ma respiration se bloqua.

  Et si... et si Ulrich avait finalement décidé d'agir ?

  Mon sang ne fit qu'un tour. Dans un état second, j'abandonnai Thor et courus jusqu'au bureau de ma mère.

  Son secrétaire n'eut pas le temps de m'adresser la parole. Je traversai la pièce en coup de vent, puis ouvrit la porte de bureau sans m'annoncer. Ma mère redressa la tête d'un coup, surprise par cette entrée brutale. Quand mon regard croisa le sien, mon pouvoir s'embrasa ; je claquai la porte dans mon dos. Si sa réponse n'était pas celle attendue, je ne pouvais garantir le secret de ma nature d'Élémentaliste. C'était déjà un miracle que mes yeux ne soient pas devenus orange malgré la violence du feu qui brûlait en moi. Ma mère aurait eu une réaction bien plus importante si cela avait été le cas.

  Elle posa son porte-plume et ouvrit la bouche. Je ne lui laissai pas le temps de prononcer un mot.

  –Où est-elle ?

  Elle cilla plusieurs fois, décontenancée.

  –Qui ?

  –Lunixa ! Elle est introuvable ! Ulrich s'est-il finalement lassé d'attendre l'accouchement ?!

  Son visage se durcit.

  –Que veux-tu dire par introuvable ?

  –Ce que ce mot signifie ! m'emportai-je. Personne ne l'a vu depuis cette nuit. J'ai eu beau retourné le château, elle n'est nulle part !

  –N'a-t-elle pas... dormi avec toi ?

  Elle ne chercha même pas à dissimuler son dégoût à l'idée qu'une humaine partage ma couche.

  –Je n'en sais rien, je me suis endormi avant qu'elle ne me rejoigne. Alors répondez à ma question, ordonnai-je sèchement. Qu'avez-vous fait ? Où est-elle ?

  –Je n'en ai aucune idée, je n'ai rien fait. Ulrich a été très clair la concernant : personne ne doit la toucher avant l'accouchement de Mathilda.

  –Comment puis-je croire un traître mot sortant de votre bouche ? Vous n'avez qu'un désir, la voir morte !

  –Oui, c'est ce que je souhaite ! s'énerva-t-elle à son tour. C'est une humaine, jamais un être comme elle n’aurait dû se retrouver à ton bras ! Elle n’est pas digne d’être ta femme ! Tu ne devrais pas accepter qu'elle t'effleure, encore moins t'unir avec elle... Le simple fait de savoir tu t'es abaissé à un tel acte me répugne au plus haut point. Il est plus que temps s'en débarrasser pour t'en libérer et te ramené à la réalité ! Pourtant je la laisse à tes côtés car je connais ma place, mon fils. Si Ulrich m'ordonne de ne pas la toucher, je prends sur moi et je lui obéis.

  L'air avait du mal à gagner mes poumons. J'avais espéré que ma mère soit fautive, j'aurais eu un coupable, quelqu'un à blâmer pour l'absence de Lunixa. Mais ma mère ne mentait pas, je le savais : pour elle, les ordres d'Ulrich ou de tout autre chef de la Cause étaient absolus. Jamais elle n'agirait dans leur dos. Et lui... Vu sa dernière tentative d'assassinat, il s'assurerait que je sois aux premières loges quand il s'en prendrait à nouveau à Lunixa. Il ne me ferait manquer cela pour rien au monde.

  Mais si la Cause n'est pas responsable de son absence... Alors où est-elle ?

  Je reculai jusqu'à la porte, puis cherchai la poignée dans mon dos.

  –Kalor, si ton hum...

  Le visage de ma mère se crispa de répugnance et elle se corrigea.

  –Si ta femme a disparu, tu dois prévenir ton père. Elle fait partie de la royauté.

  Ces mots me frappèrent au plus profond de mon être. Son rang était le cadet de mes soucis ; elle aurait pu être paysanne que cela n'aurait rien changé. Mon cerveau refusait simplement d'accepter la situation.

  Lunixa avait disparu.

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