Chapitre 17 - Partie 2
Dès l'instant où je pris ma décision, de vieux souvenirs auxquels je refusais de penser m'engloutirent. Le passé et le présent se confondirent. Je ne courais soudain plus seulement dans les bois, mais également dans un château... à une époque plus ancienne...
En le voyant arriver au bout du couloir, je poussai un petit cri de surprise. Mes jambes se stoppèrent et je me retournai aussitôt. La cabane. Je devais atteindre la cabane.
Dans ma précipitation, je faillis glisser lorsque je bifurquai à l'angle d'un autre corridor mais je réussis à me redresser. En revanche, je ne pus éviter mon frère qui arrivait à contre sens. Nous tombâmes tous les deux.
–Par la Déesse, Artémis, grogna Apollon en frottant son séant. Qu'est-ce qui te prends ?
–Navrée, Apo, je n'ai pas le temps de t'expliquer.
Je me redressai en vitesse et l'embrassai sur la joue avant de reprendre ma course.
–Père va te gronder s'il te surprend à courir dans le palais ! lança-t-il alors que je m'éloignais.
–Je sais !
Mais je n'en avais que faire ! Je poursuivis ma route au même rythme et atteignis enfin la porte de mes appartements. Je l'ouvris à la volée, puis m'engouffrai dans le salon sans prendre le temps de la refermer. Le même schéma se reproduisit une fois arrivée à ma chambre. Je traversai la pièce en vitesse, puis montai sur mon lit. Un sentiment de victoire m'envahit. Je me mis debout sur le matelas et croisai les bras. Il entra quelques secondes plus tard.
–Tu as perdu ! m'exclamai-je en posant les poings sur les hanches.
Un sourire suffisant naquit sur ses lèvres et son regard doré se mit à briller.
–Tu le penses vraiment ? demanda-t-il, toujours sur le seuil de la porte.
De cette démarche féline qui le caractérisait tant, il s'avança vers moi, tel un prédateur s'approchant de sa proie. Mon assurance s'envola. Je fis un pas en arrière.
–Arès... Je suis dans la cabane, tu n'as pas le dr...
Trop tard, il montait déjà sur le lit. Je me retrouvai sur son épaule une seconde plus tard. Un rire m'échappa.
–Artémis zéro, Arès cinq, annonça-t-il. Je crois qu'on est tous les deux d'accord pour dire qui est le grand vainqueur d’aujourd’hui.
–Non, je ne suis pas d'accord ! rétorquai-je en frappant son dos. Tu as triché. J'ai réussi à t'échapper cette-fois ! Et laisse-moi descendre !
–Très bien.
Il me fit basculer en arrière et mon corps rebondit sur le matelas. Toujours debout, il baissa les yeux vers moi.
–Alors comme ça, tu n'es pas d'accord pour dire que j'ai gagné ?
–Non, tu as triché !
Ses lèvres s’étirèrent davantage.
–Je n'ai qu'à te faire changer d'avis dans ce cas.
Il se plaça au-dessus de moi, puis s'agenouilla, ses jambes de part et d’autre de mes hanches.
–J'aimerais te voir essayer, le provoquai-je.
Il haussa un sourcil, puis aussi vif qu'un cobra, il posa les mains sur ma taille pour me chatouiller. Mon rire résonna entre les murs.
–Arrête, Arès ! S'il te plaît, arrête ! m’esclaffai-je à en pleurer.
–Hmmm, ce n'est pas ce que je veux entendre.
–D'accord, c'est toi qui a gagné !
Ses doigts cessèrent aussitôt leur douce torture. Tandis qu’il essuyait l'une de mes larmes, toute trace d'arrogance disparut de son regard. Il se pencha vers moi. Le sang me monta aux joues mais j'acceptai avec plaisir de lui donner sa récompense : ses lèvres se posèrent sur les miennes dans un doux baiser.
–Tu sais que je t'aurais aussi embrassé si tu m'avais laissée gagner ? marmonnai-je une fois qu'il s'écarta de moi, cachée derrière une mèche de cheveu.
La récompense fonctionnait dans les deux sens.
–Oui, je sais, confirma-t-il en glissant mon fin rempart derrière mon oreille. Mais je suis mauvais perdant.
Il descendit du lit puis me tendit une main que je pris sans hésitation.
–Que fait-on à présent ? demandai-je lorsqu'il me guida hors de ma chambre.
–Je veux t'apprendre quelque chose.
Submergée par mes souvenirs, je ne vis pas que le sol penchait brusquement et manquai de trébucher. Je réussi toutefois à maintenir mon équilibre et à dévaler la pente qui débouchait sur une clairière. J'eus du mal à en croire mes yeux. Une clairière. C’était exactement ce qu’il me fallait !
Et ici que tout allait se jouer.
Je courus encore sur une centaine de maître avant de m’arrêter. Les restes du souvenir m’accompagnèrent tout du long.
Après avoir récupéré son arme, Arès m'emmena dans la forêt. Nous marchâmes un long moment, main dans la main. Ses pas absolument silencieux m'émerveillèrent toujours autant que d'habitude. J'avais l'impression d'être importante à côté de lui !
–Mais non, tu ne l’es pas, me rassura-t-il en déposant un baiser dans mes cheveux. Tu es la femme la plus gracieuse que je connaisse.
Mes joues s’empourprèrent. Il avait toujours les mots qu’il fallait pour me remonter le moral.
Nous nous arrêtâmes quelques minutes plus tard, puis Arès s’accroupit, toujours sans un bruit, Arès s'accroupit. Je l'imitai.
–Tu n'es pas obligé de voir ta cible pour viser, m’expliqua-t-il fans un murmure. Tout peut se faire à l'oreille. Dis-moi, qu'est-ce que tu entends ?
Je tendis l'oreille.
–Rien, je n'entends rien, avouai-je au bout de quelques secondes.
–C'est parce que tu n'as pas appris à écouter. Concentre-toi sur ce buisson, m'ordonna-t-il en désignant l'endroit en question. Il y a un animal qui se dirige vers nous, caché derrière. Probablement un renard.
–Comment tu peux savoir que c'est un renard ?
–L'habitude... Maintenant, plus un bruit.
Je me rapprochai un tout petit peu de lui, les lèvres pincées au cas où le renard m'effrayerait en sortant de sa cachette. Je voulais rester concentrée sur le buisson, comme Arès me l'avait demandé, mais mon regard dévia très vite vers mon amoureux. Du coin de l’œil, je le vis placer son carreau et se mettre en position. J'étais tellement absorbée par son magnifique profil serein, détendu, la fluidité et le naturel de ses gestes que je ne vis même pas le renard. Arès tira.
Une arbalète se matérialisa dans ma main. Du sang se mit aussitôt à couler de mon nez. Une vague de fatigue s’abattit sur moi et ma gorge se noua.
–Tu as compris ? s'assura Arès. Repose-toi sur ton ouïe pour déterminer l'emplacement de ta cible.
Je fermai les yeux pour me focaliser sur mes autres sens tout en plaçant correctement mes mains sur l’arme. L'Horloger s'approchait de moi, martelait le sol de ses pas, m'indiquant exactement sa position.
–Si tu fais ça, tu auras juste besoin d'une seconde pour viser et tirer. Tiens, essaye.
Il me tendit son arbalète. D'une main incertaine, je la pris. Arès se plaça dans mon dos. Son torse s'y colla lorsqu’il posa les mains sur moi pour me montrer comment positionner correctement son arme.
Une larme roula sur ma joue. Voilà pourquoi je détestais tant ces armes. Il m'avait peut-être aussi appris à manier mes poignards mais ce n'était pas la même chose. Il n'avait jamais eu à se mettre derrière moi ou à m'entourer de ses bras pour m'aider à les utiliser et avoir une bonne position. L'arbalète, en revanche... J'avais l'impression de sentir à nouveau son souffle sur ma nuque, ses doigts glisser le long de mes bras pour corriger ma pose, ses lèvres laisser une pluie de baiser sur mon cou pour tester ma concentration...
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