Chapitre 29 - Partie 3

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  La flamme qui brûlait dans les yeux de Kalor se ralluma enfin et leur rendit à nouveau cet éclat qui attirait le regard. Il semblait même plus intense qu'auparavant. Sous mes doigts, les siens retrouvèrent cette chaleur anormale mais rassurante qui lui était propre. Ses épaules se redressèrent et il retrouva toute sa prestance. Le voir redevenir lui-même agrandit mon sourire. Sans un mot, il retira ma main de sa joue et y déposa un baiser. Il n'avait pas besoin de me remercier, la lueur de détermination qui brûlait dans son regard le faisait pour lui. Mon histoire lui avait donné exactement ce dont il avait besoin : une preuve qu'il avait raison de se battre pour un futur commun.

  –Nous ne vous détestons pas de nature, conclus-je avec douceur. Notre vie est seulement baignée par des discours de haine nourris par la Déesse elle-même. S’en défaire est très difficile, mais pas impossible. Bien que le nombre ne soit pas élevé, d’autres personnes y sont aussi parvenues.

  Dont Apollon. Père m'avait violemment gourmandée la fois où j'avais remis en question l'existence des Lathos, mais mon petit frère, lui, m'avait écoutée avec attention. Et après en avoir discuté plus en détails avec lui, il s'était rangé de mon côté. Même si je ne l'avais pas vu depuis des années, j'étais persuadée que c'était toujours le cas. Sous ses airs espiègles, Apollon avait toujours su ce qui était juste. À l'instar de Kalor, il parvenait à surmonter l'endoctrinement qu'il subissait en vue de faire de lui un souverain implacable envers l'autre espèce. Il ne pouvait en être autrement.

  À mes mots, Kalor prit mon menton en coupe et étudia mon visage avec attention.

  –Si seulement mère et les partisans de la Cause pouvaient t'entendre. T'avoir pour femme est une vraie bénédiction.

  Un sourire sincère illumina son visage et il s'empara de mes lèvres. Glissant sans m'en rendre compte mes doigts dans ses cheveux, je l'embrassai passionnément en retour. J'étais celle qui avait la chance de l'avoir pour mari. Qu'il se soit tourné vers moi me touchait bien plus qu'il ne devait le penser. Malgré tous les problèmes que je lui avais causés et que je continuai à lui causer, il n'avait pas hésité à me confier ses doutes, ses troubles. Cette preuve de sa confiance ne me faisait que l'aimer davantage et je m'en voulais de ne pas avoir la force de lui rendre la pareille.

  Cependant, cela ne changeait rien à ce que je ressentais pour lui et je souhaitais le lui prouver à travers ce baiser. Sa nature n'avait aucune importance à mes yeux, je l'aimais pour qui il était et comptais le soutenir dans son combat.

  Entrouvrant mes lèvres, j'invitai Kalor à approfondir notre baiser et il entraîna ma langue dans une valse lente et langoureuse. La température de sa peau augmenta, de fins frissons parcoururent mes corps, mes sens repoussèrent le goût de tabac qui s'attardait dans sa bouche pour apprécier le sien. Sans interrompre cette danse, il m'allongea sur le canapé et se plaça au-dessus de moi. Malgré la brume de plaisir qui voilait mon esprit, mes muscles se tendirent en sentant sa main brûlante soulever mes jupons pour ses poser sur ma cheville. Je devais l'arrêter. Nous étions en plein jour ; rien ne pouvait cacher ma marque.

  Ses doigts s'avancèrent sur mon mollet, traçant un chemin incandescent sur leur sillage, et un gémissement de plaisir m'échappa. Ma peau s'enflamma à son tour. Une vague de chaleur se propagea dans mon bas-ventre.

  Arrêter... Il faut arrêter...

  Mon corps refusa d'obéir. Au lieu de le repousser, je raffermis ma prise sur ses mèches brunes et le pressai un peu plus contre moi, le mordillant légèrement. Nos lèvres ne se séparèrent que le temps de brèves inspirations, tandis que ses doigts poursuivaient leur route sous ma robe. Ils passèrent sur genoux, s'engagèrent sur ma cuisse, approchèrent ma hanche et mon dessous...

  Deux coups retentirent contre la porte.

  Mon cœur s'arrêta. Bien plus réactif, Kalor se redressa d'un coup et m'entraîna avec lui. Mes mains remirent de l'ordre dans mes jupons par pur automatisme. Kalor avait à peine quitté le canapé que le battant s'ouvrit sur son secrétaire.

  –Votre Altesse, je suis navré de vous déranger en plein rendez-vous, mais on m'a dit de vous remettre ce pli de toute urgence.

  Kalor passa une main dans ses cheveux pour tenter de les remettre en place et alla chercher l'enveloppe que lui tendait Edgar. De mon côté, je me levai et me rapprochai de la fenêtre pour m'éloigner d'eux, les joues brûlantes.

  Par la Déesse, qu'est-ce qui m'avait pris ? Nous avions frôlé la catastrophe ! Si Edgar n'était pas arrivé, nous nous serions unis sur le canapé... dans son bureau... en plein jour. Mortifiée par notre comportement et mon inconscience, je cachai mon visage écarlate derrière mes mains. Nous ne devions plus jamais nous laisser aller ainsi !

  Un raclement de gorge s'éleva dans mon dos. Les lèvres pincées et toujours horriblement gênée, je me tournai vers Kalor. Les yeux fixés sur un angle du plafond, il se grattait l'arrière de la tête, l'air tout aussi embarrassé que moi. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il ne prenne la parole.

  –Je suis navré. J'ai été un peu emporté par notre baiser.

  Le rouge de mes joues s'accentua, si tant est que cela soit possible.

  –Tu n'es pas le seul responsable, murmurai-je d'une toute petite voix.

  Je dus me faire violence pour ne pas détourner le regard quand il ramena le sien sur moi.

  –Que... Que voulait Edgar ? m'enquis-je, pressée de changer de sujet.

  Je n'avais rien entendu de leur discussion.

  Ma question arracha à Kalor un sourire inattendu qui chassa les restes de sa gêne. Perdue, je le regardai s'approcher de moi, puis me présenter sa main ouverte. Mon souffle se coupa. Au centre de sa paume reposait un anneau en or que je ne connaissais que trop bien.

  –Mon alliance…, soufflai-je.

  Je n'en croyais pas mes yeux. Les soldats l'avaient retrouvée ! Des larmes de joies me montèrent aux yeux. J'avais cru l'avoir perdue pour toujours.

  Kalor écarta sa main lorsque je voulus m'en saisir.

  –Pas ainsi, déclara-t-il sans se départir de son sourire.

  Puis il posa un genou à terre.

  –Mais que fais-tu ? m'exclamai-je. Relève-toi tout de suite !

  Il secoua la tête.

  –Je n'ai jamais eu l'occasion de le faire, que ce soit à notre mariage, car je ne connaissais pas la femme que je devais prendre pour épouse, ou à nos renouvellements de vœux, car on ne m'en a pas laissé le temps. Alors je souhaite le faire maintenant.

  Ses lèvres retombèrent et il plongea son regard dans le mien. L'intensité et le sérieux qui y brillaient me laissèrent muette.

  –Mademoiselle Lunixa Ilona Alexiane Calliopée Zacharias, me feriez-vous l'honneur d'être ma femme ?

  La solennité de sa voix faillit me faire pleurer. La gorge nouée, mais souriante, je pris les pans de ma robe et m'inclinai.

  –Prince Kalor, Asbörjn, Erich, Sigurd, Harold, Asmund Talvikrölski, tout l'honneur serait pour moi.

  Rayonnant, il se redressa, prit ma main et me passa la bague au doigt. Un profond soulagement se propagea en moi. Ce n'était qu'un morceau de métal, mais la sentir sur mon doigt, à sa place, me donna l'impression d'être de nouveau entière.

  Kalor me laissa le temps d'apprécier le retour de mon alliance, puis il passa une main dans le creux de mes reins, m'amena délicatement contre lui et me donna un baiser passionné, plein de promesses heureuses.

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