Chapitre 35 - Partie 4
Un étrange grondement lui échappa et il se rendit sans attendre dans ma penderie pour en ressortir avec un vêtement blanc. Mon cœur, déjà bien trop rapide, devint de plus en plus fou à mesure qu'il s'avançait vers moi, son attention toujours rivée sur le sol pour éviter de me regarder. Lorsqu'il ne resta plus que deux mètres entre nous, il ne put toutefois s'empêcher de jeter un œil à mes jambes dénudées, au bas de mes cuisses... La température de la pièce augmenta et, le souffle court, je vis l'argent de ses yeux s'assombrirent de désir juste avant qu'il ne les ferme. Par-delà la peur qui m'habitait, une étincelle s'alluma en moi.
–Tiens, souffla-t-il en me tendant la chemise de nuit sans rouvrir les paupières.
–M... Merci.
Je voulus m'en saisir sans le toucher, mais ma main tremblante refusa de m'obéir et nos doigts finirent par s'effleurer. Les siens, déjà brûlants, devinrent encore plus chaud à ce contact et je m'empourprai d'un coup. L'espace d'un instant, j'eus l'impression de sentir ces mêmes phalanges tracer un sillon ardent sur mes cuisses, comme elles l'avaient déjà fait pour me délester de mon dessous.
De l'étincelle naquit une flamme.
–Lunixa...
Ce murmure rauque déclencha une vague de frisson sous ma peau et m'arracha aux réminiscences de cette sensation. Je me rendis alors compte que nos doigts se touchaient encore – ou plutôt se tenaient, désormais –, que Kalor avait rouvert les paupières, qu'il avait cessé de fixer le sol pour me regarder droit dans les yeux, et qu'il s'était rapproché de sorte que moins de vingt centimètres séparent nos corps. Sa seconde main englobait même la ligne de ma mâchoire.
Une intense bouffée de chaleur me gagna soudain. J'arrachai vivement mes doigts des siens et m'écartai de sa paume.
–Lun...
–Encore merci pour la chemise de nuit, le coupai-je en le contournant. (Il pivota pour continuer à me faire face.) C'est vraiment très gentil. Mais je... je devrais...
Ses doigts se refermèrent derechef sur les miens alors que j'esquissais un pas en arrière. Tout mon corps se figea.
–S'il te plaît, ne pars pas.
Kalor ne prononça aucun de ces mots, mais son regard était si parlant que j'eus l'impression de les entendre. Ma poitrine se serra. Il m'avait arrêtée, mais sa poigne était trop lâche pour me retenir. Qu'importait à quel point il souhaitait que je reste avec lui et brûlait de désir pour moi, dans tous les sens du terme, il ne m'y forcerait pas si je n'en avais pas envie. Jamais.
Toujours immobile, le souffle court, je fixai durant de longues secondes ses magnifiques yeux argentés qui me demandaient de rester, qui s'étaient obscurcis et dilatés à l'idée de m'habiter, et qui étaient ternis d'une pointe de douleur. Celle qu’il ressentait déjà à l’idée que je me refuse encore à lui, comme je le faisais toujours.
Comment pouvais-je lui faire autant de mal alors que ce soir-là, je pouvais lui permettre de me toucher ?
Lentement, la décision que j'avais prise dans la salle de bain s'étiola et mon pied revint à sa place.
Kalor ne sembla y croire. Pendant un instant, il cessa de respirer, les yeux agrandis par le choc. Quand il finit par comprendre qu'il ne rêvait pas, l'ensemble de son corps se détendit et le sourire qui se dessina sur ses lèvres refléta un tel bonheur, une telle joie, que j'en eus le souffle coupé.
Ses doigts étreignirent un peu plus les miens pour me prendre vraiment la main. Avec délicatesse, il me débarrassa de ma chemise de nuit et de mon dessous, puis fit un premier pas vers le lit. Le sang se remit à pulser dans mes veines. Alors que Kalor m'entraînait vers notre couche, mon pouls accéléra de plus en plus, gagna en puissance. Mon cœur finit battre si fort que tout le château devait pouvoir l'entendre.
Pendant tout ce temps, le regard aimant de Kalor ne quitta pas le mien une seule seconde. Il n'avait d'yeux plus que pour moi. Jamais je ne m'étais sentie autant désirer.
Arrivé à côté du matelas, Kalor libéra mes doigts et prit mon visage entre ses mains. Ses yeux en étudièrent chaque parcelle avec tant d'intensité que j'avais l'impression qu'ils me touchaient. Lorsqu'ils se posèrent sur mes lèvres, il ne put contenir plus longtemps le feu qui couvait en lui. D'un coup, la chaleur de ses paumes s'accentua, son regard s'enflamma et il vint prendre possession de ma bouche. Mes dernières barrières s'effondrèrent. Le désir inassouvi qui j'avais accumulé quand il m'avait allongé sur son lit avant d'aller chez Magdalena, quand nous nous étions presque unis dans son bureau, puis ce soir, explosa en moi. Le besoin de m'agripper à lui, de fourrager mes doigts dans ses cheveux, de lui retourner son baiser, de le sentir sous mes doigts, en moi, m'emplir comme lui seul le pouvait, me frappa avec tant de force que je ne pus contenir un geignement et dus me faire violence pour ne pas lâcher le drap de bain.
–Kalor...
–Je sais, souffla-t-il contre mes lèvres.
Il y pressa derechef les siennes et ma chambre se retrouva plongée dans l'obscurité d’une nuit sans lune.
La serviette glissa le long de mon corps.
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