Chapitre 40 - Partie 1

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LUNIXA


  Lui prendre la main. Tournoyer sur moi-même. Revenir près de lui…

  Mon corps continuait à se mouvoir tel un automate. Suivre Arès et enchaîner les pas, c'était tout ce que j'avais à faire.

  Mais quand la danse approcha de la fin, le brouillard qui embrumait mon esprit commença à se retirer, à me ramener à la réalité. Son regard toujours plongé dans le mien et notre proximité me sautèrent aux yeux. La sensation de ses doigts autour des miens et de sa main sur ma taille me brûlèrent la peau malgré mes vêtements et ses gants. J'eus de nouveau l'impression d'étouffer.

  Plus que quelques instants... Plus que quelques instants à tenir... Encore un tout petit peu.

  Arès exécuta la passe finale. Mon cœur s'arrêta. À la dernière seconde, je repris le contrôle de mon corps et trébuchai. Arès me rattrapa de justesse.

  –Je suis vraiment navré, Princesse, je pensais que vous connaissiez ce pas.

  Que je connaissais ce pas ? Ces mots me comprimèrent violemment la poitrine. Je n'arrivais plus du tout à respirer. Cette passe... Elle faisait partie de la dizaine de pas que nous avions inventées ensemble, lorsqu'il venait dans mes appartements, le soir. Seul lui et moi étions censés les connaître ! Oh Dame Nature. Se… Se doutait-il de quelque chose ? Avait-il voulu voir si j'étais Artémis ? Si je ne m'étais pas reprise à temps...

  Arès m'aida à me redresser et je me retrouvai de nouveau face à l’intensité de son regard et face à son visage impassible. Je reculai aussitôt et m'arrachai à ses mains. Sans qu'aucune surprise vis-à-vis de ma brusquerie ne traverse son visage, il s'inclina, comme il était de règle à la fin d'une danse.

  –Princesse.

  Lorsqu'il se redressa, un spasme me traversa ; je m'empressai de lui offrir une légère référence pour ne pas revoir ses yeux.

  –Merci pour la waltzenger, murmurai-je d'une voix à peine audible. Et... Et aussi pour m'avoir sauvée de l'Horloger.

  Gardant les yeux rivés vers le sol, je me relevai, puis m'éloignai de lui. Un nouveau morceau, celui de la danse suivante, fut entonné, mais je l'entendis à peine. Mon sang battait avec violence à mes tempes et étouffait tout autre son. Ma tête recommença à me tourner, ma vue devint trouble. Pantelante, je louvoyai entre les nobles et sortis de la salle de bal.

  Il me sembla entendre mon nom, mais je ne m'arrêtai pas ni ne me retournai. Arès était encore trop près... bien trop près. Il fallait que je m'éloigne encore de lui.

  D'un pas bien plus vif que ce dont je ne me serais cru capable, je me mis à remonter le couloir sans savoir où j'allais.

  J'avais presque atteint la première intersection lorsqu'une main se referma sur mon poignet. Un vent de pur panique me traversa. Me retournant d'un coup, je m'arrachai à cet étau et me retrouvai face à Kalor. Mon souffle se coupa.

  Pendant un instant, ni lui ni moi ne fîmes le moindre geste. Alors que je le fixais sans ciller, son regard me parcourut, perdu. J'eus un brusque mouvement de recul quand il plongea dans mes yeux.

  –Lunixa ? Que se passe-t-il ?

  –Rien. Rien du tout.

  –Ne me mens pas, tu es blanche comme un linge.

  Il voulut faire un pas faire moi, mais je reculai, le souffle encore plus détraqué.

  –Je… Je n’arrive pas à respirer. J’ai besoin… J’ai besoin…

  Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que Kalor fut soudain devant moi, ses mains de part et d’autre de mon visage.

  –Tout va bien, ma chérie, c'est moi. Respire.

  Il me montra l'exemple en prenant une profonde inspiration, puis en expirant lentement par la bouche. Je tentai de l'imiter, en vain.

  –Je ne peux pas... Nous sommes trop près.

  Arès pouvait sortir à tout instant et nous voir. Me voir.

  –Très bien, nous allons sortir dehors.

  –Non ! Pas dehors.

  Nous aurions besoin de repasser devant la salle.

  –Pas dehors ? D'accord, nous n'irons pas, chercha à me rassurer Kalor d'une voix posée. Où veux-tu aller ? Dans ta salle de musique ? Tes appartements ?

  –A… Appartements.

  –Très bien. Alors allons-y.

  Il se plaça derrière moi, posa une main au niveau de mon coude et l'autre au creux de mes reins pour me soutenir. Au moment où nous nous mettions en marche, un garde s'approcha.

  –Altesse, puis-je faire quelque chose pour vous aider ?

  –Oui, allez demander à un domestique d'amener une tisane dans les appartements de ma femme.

  –Un domestique en particulier ?

    –Paulina Skaldottir, déclara Kalor après une seconde de réflexion.

  Le soldat opina et s'éloigna sans tarder tandis que nous poursuivions notre route. Sans un mot, Kalor me fit traverser les couloirs jusqu'à l'escalier. Les larmes me montèrent aux yeux pendant que nous marchions, mais je luttais pour ne pas les laisser tomber. Je ne pouvais pas craquer. Il ne fallait pas...

  Une fois devant les marches, il me prit dans ses bras. Me retrouver enveloppée dans sa chaleur, bercée par sa démarche régulière et assurée, m'aida à ne pas fondre en larmes et m'apaisa un peu.

  –Voilà, c'est ça, ma chérie, murmura-t-il. Respire. Tout va bien.

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