Chapitre 61 - Partie 3

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  –Que... passe-t-il ? souffla Ric.

  –Ta chair a commencé à se nécroser, grinçai-je. Par la Déesse, Ric ! Tout ton côté gauche est meurtri. Tu es tombé dessus quand ton Ascension a commencé ?

  Il ferma les yeux et acquiesça faiblement.

  –Je marchai dans la chambre que j'avais loué quand... c'est arrivé. Ma jambe s'est... cassée. Puis... je suis tombé.

  –Et pourquoi n'es-tu pas allez chez un médecin à la fin ? Tu pourrais perdre ta jambe ! Dame Nature, je ne comprends même pas comment tu as pu rester ainsi pendant trois semaines, te déplacer jusqu'au palais et monter à la fenêtre de mon bureau !

  –La Cause...

  Mon pouls eut un soubresaut.

  –Ils te sont tombés dessus juste après ?

  Il opina, ravivant le feu dans mes veines.

  Dame Nature !

  –Et pour bouger... J'ai utilisé... mon pouvoir, ajouta-t-il.

    Il avait fait léviter son propre corps ?

  Freyja revint aussi vite qu'elle était partie, les bras chargés d'une boite en ferrailles, de flacons et d'une seringue. Après avoir désinfecté cette dernière, elle la remplit avec le contenue d'une des bouteilles.

  –Remonte sa manche et tiens son bras, m'ordonna-t-elle.

  Rejetant mes interrogations, je m'exécutai sans poser de question.

  –Attention..., murmura Frigg.

  Freyja empoigna le coude d’Alaric.

  Semblable à une onde de choc, une intense tension jaillit instantanément d’eux et un violent spasme les secoua. Freyja manqua de lâcher la seringue tandis qu’il rouvrait les paupières dans une brusque inspiration.

  Un vert forêt sombre avait envahi ses prunelles. Il ne restait même pas une trace prouvant qu'ils étaient normalement vairons.

  Si nous avions encore le moindre doute sur sa nature, il venait de s'envoler.

  Interdit, je le fixai une seconde avant de me tourner vers sa pair. Ses iris avaient aussi viré au vert.

  Frigg sauta de joie.

  –Oui ! Ils se sont reconnus !

  Un bruit de casse retentit.

  –Vous..., souffla Ric en dévisageant sa consœur.

  Freyja le lâcha. Aussitôt, la tension retomba et leurs yeux reprirent leur couleur naturelle. Un instant de flottement seulement interrompu par les couinements d’allégresse de Frigg passa avant que je retrouve la parole.

  –Que s'est-il passé ?

  Le regard hagard, Freyja observa sa main, puis se tourna vers un coin de la pièce où se trouvaient plusieurs plantes vertes. Les pots de certaines étaient brisés et leurs racines jaillissaient de la terre déversée. D’autres était bien plus grandes ou touffus qu’à ma dernière visite. Les feuilles des grimpantes se déversaient de tous côtés, envahissant le haut du buffet, dégringolant le long de ses côtés, s’élevant contre le mur…

  –Vous vous foutez de moi, murmura-t-elle.

  –Que s'est-il passé ? répétai-je.

  –Ce qu'il s'est passé ? J'ai perdu le contrôle pour la première fois en quinze ans, voilà ce qu'il s'est passé ! Dès que je l'ai touché, mon pouvoir à jaillit et ils se sont comme...

  –Décuplés, conclut Ric.

  –Exactement. À croire qu'une partie sommeillait depuis toujours et venait de se réveiller.

  Un couple d'Élémentalistes voyaient donc ses pouvoirs augmenter lorsqu'ils étaient réunis ?

  –C'est toujours le cas ?

  Ils secouèrent la tête.

  –Mon pouvoir est même très calme, précisa Freyja, alors qu'avant de le toucher, il était particulièrement agité. Quoi qu'il en soit, ça n'a pas intérêt à recommencer ! Il est hors de question que je perde à nouveau le contrôle.

  –Mais t'as pas perdu le contrôle, Freyji, intervint Frigg en posant les poings sur les hanches. Les deux parties de la Terre se sont juste reconnues. (Un immense sourire chassa sa moue moralisatrice et elle couina à nouveau de joie.) C'est vraiment génial ! Maintenant que vous vous êtes entrés en résonance, vous pourrez recommencez dès que vous serez proches !

  En résonance ?

  La Guérisseuse fronça les sourcils, avant qu’un faible gémissement reconcentre très vite notre attention sur Alaric.

  –Nous réfléchirons à tout ça après nous être occupés de lui, décréta-t-elle.

  Levant derechef la seringue, elle avança sa main vers son coude. L'appréhension l'arrêta à quelques centimètres de sa peau, mais après seulement deux secondes d'hésitation, elle se saisit de son bras.

  Rien d'étrange ne se produisit.

  Nos soupirs de soulagement résonnèrent dans la pièce. Retrouvant toute son assurance, Freyja injecta sans plus attendre le contenu de la seringue à Ric. Les paupières de ce dernier papillonnèrent un instant, puis il plongea dans un profond sommeil.

  Durant le quart d'heure qui suivit, j'assistai Freyja pendant qu'elle ôtait toutes les zones nécrosées de sa chair à l'aide d'un scalpel. Peu importait à quel point un Guérisseur était puissant, il ne pouvait faire revivre des tissus morts. C'était leur limite. J'ignorai comment une apothicaire comme elle pouvait avoir les connaissances nécessaires pour procéder à une telle opération, mais j'en remerciais Dame Nature. Si elle ne retirait pas ces chairs mortes avant de le soigner, la nécrose continuerait à se propager et l'empoisonnerait de l'intérieur, le tuant à petit feu.

  Ne supportant la vue du sang, Frigg s'était assise par terre, à l'autre bout du canapé et observait avec attention le visage endormi d'Alaric. De temps à autre, elle effleurait sa cicatrice du bout des doigts, demandait à Freyja si elle avait fini, ou se perdait dans des soliloques inintelligibles. Elle avait aussi glissé le bas de la chemise de nuit qu'elle traînait depuis mon arrivée dans la main de Ric, afin qu'il n'ait plus peur. Il s'agissait d'un ancien vêtement de nuit de Magdalena qu'elle avait transformé en doudou, m'avait expliqué Freyja. Sans lui, elle ne pouvait s'endormir.

  –Voilà, c'est terminé, déclara cette dernière après avoir vérifié qu'il ne restait plus un seul tissu mort avec son pouvoir. Maintenant, c’est l’heure de la partie déplaisante.

  –Comment ça ?

  Il ne lui restait pas qu'à le guérir ?

  –Même s'il n'est pas allé chez un médecin et que ses os sont mal positionnés, certains ont commencé à se ressouder, m'expliqua-t-elle. Je dois les briser avant de pouvoir le soigner.

  J'accusai le coup avec difficulté. Dame nature, n’avait-il pas déjà eu son compte d’os fracturés avec son Ascension ?

  –Comment comptes-tu t'y prendre ? demandai-je. Avec... un marteau ?

  Elle ne devait pas avoir les instruments nécessaires pour une telle procédure médicale.

  –Bien sûr que non, imbécile. Je ne suis pas une barbare. Je vais utiliser mes pouvoirs.

  Mes yeux s'agrandirent de stupeur.

  –Tu es une Assa...

  –Non, me coupa-t-elle d’une voix glaciale. Même si j'ai la capacité de détériorer l'organisme, je ne m'en sers pas pour ôter la vie. Alors ne m’appelle jamais ainsi.

  Son ton sec et son regard noir, presqu’aussi sombre que tout à l’heure, ne souffrait aucune contestation. Pourtant, juste avant qu'elle ne se reconcentre sur Alaric, je vis un éclat, enfoui au plus profond de ses prunelles, qui trahissait une autre vérité : elle ne s'en servait plus pour ôter la vie.

  Autrefois instrument de mort ; désormais instrument de vie...

  « Freyji Freyja sauve les gens. Elle ne les laisse pas mourir et ne les tue pas comme Hinenui »

  Se pouvait-il…

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