Chapitre 72 - Partie 1

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LUNIXA


  L'odeur de la poudre me chatouilla les narines comme Magdalena en appliquait sur mes pommettes. Immobile devant la coiffeuse, je regardais mon visage s'embellir et ma coiffure prendre forme sous ses doigts de fées. Dans le silence de mes appartements, je pouvais entendre chacun de ses gestes, le tapotement des pinceaux contre les coffrets à maquillage, leurs frottements sur ma peau et mes lèvres, le bruissement de mes cheveux sous l'action de ses mains.

  Après qu'elle eut déposé quelques gouttes de parfum derrière mes lobes et aux creux de mes clavicules, elle compléta ma toilette avec les bracelets et les boucles d'oreille d'une parure en or blanc et diamants rose. Le pendentif en argent orné d’une tourmaline rubellite de Freyja ne se fondrait pas totalement au milieu d'eux, mais j'étais tenue de porter des pierres roses. Cette couleur était celle de la naissance, de l'enfance et les futurs parrain et marraine se devaient dans avoir sur eux. Ma robe avait donc été cousu dans magnifique tissus d'un rose très doux, sur lequel des broderies et des appliqué blancs avaient été ajoutés.

  Magdalena fit preuve d'une grande prudence lorsque je lui confiai les deux parties de la chaîne du pendentif et les referma derrière ma nuque. En temps normal, cela aurait été elle qui l'aurait ajusté au-dessus de mon décolleté, mais cette fois-ci, je m'en changeai tandis qu'elle allait chercher mon diadème.

  Kalor arriva lorsqu'elle m'en coiffait. Sans se presser, ma femme de chambre apporta les derniers ajustements à ma coiffure et ma tenue, puis elle me libéra et je pus rejoindre mon époux de l'autre côté du paravent.

  L'air sombre qui avait gagné son visage à notre réveil ne s'était pas atténué et la délicatesse de son costume trois pièce, taillé dans un tissu de la même teinte que ma robe, ne parvenait à l'atténuer. Cependant, à l'instant où ses yeux argentés se posèrent sur moi, une éclaircie de tendresse dissipa son obscure expression et la pâleur de sa tenue pu enfin adoucir ses traits. Un mince sourire, que je lui retournai avec tout autant de retenue, souleva le coin de ses lèvres.

  –Tu es magnifique, ma chérie.

  –Merci, ce costume te sied également à ravir, déclarai-je en posant ma main sur le revers du col.

  J'avais toutefois l'impression de m'être apprêtée pour un enterrement et cette pensée fit retomber mon sourire. Kalor engloba ma joue de sa main et la frotta de son pouce avec douceur et compassion. Lui aussi devait le ressentir ainsi. Pendant quelques instants, son regard resta ancré dans le mien, formulant des promesses qu'il se refusait de formuler à haute voix pour ne pas les trahir, puis il descendit le long de mon cou jusqu'à atteindre la naissance de ma poitrine, là où reposait le pendentif de Freyja. La chaleur de sa paume s'accentua et sa mâchoire se crispa. Il approcha son autre main du porte-cendre pour s'en saisir, mais se ravisa au dernier instant.

  –Il est bien rempli ? s'assura-t-il. (J'opinai.) Bien. N'oublie pas ce que je t'ai dit.

  Le cœur serré, j'acquiesçai. Quoi qu'il arrive, quelles qu'en soient les conséquences, si je devais lâcher cette arme en public pour arrêter la Cause, je devais le faire.

  Conscient du déchirement que je ressentirais si nous nous retrouvions dans cette situation, Kalor empoigna mon menton et me donna un tendre baiser. Il apposa ensuite son front contre le mien et, après une longue inspiration, il s'écarta pour glisser la main au creux de mes reins. Il était temps de partir.

  Même si nous savions que le Marionnettiste ne chercherait pas à me posséder à notre départ du palais, car le trajet était trop long et la cérémonie ne commencerait qu'une demi-heure après notre arrivé, Kalor et moi nous montrâmes vigilants dès la sortie de mes appartements. Sous un masque de bonheur à semi-factice, nous veillions à rester hors de portée de toutes les personnes que nous croisâmes sur le chemin jusqu'au carrosse. Et quand le valet de pied me tendit la main pour m'aider à monter en voiture, Kalor s'interposa subtilement pour s'en charger lui-même. Comme cela arrivait parfois au sein d'un couple, le domestique baissa simplement la main et se contenta de fermer la porte une fois que nous fûmes tous les deux installés à l’intérieur. Quelques instants plus tard, notre cortège, composé de notre carrosse et de six soldats à cheval, se mit en marche. Alors que nous nous engagions sur la route qui traversait la forêt, mon regard se porta vers ces bois.

  Des bois où Alaric ne se cacherait pas pour assurer nos arrières et une possible fuite. D'après Freyja, le jeune homme pouvait se rendre utile malgré sa fatigue toujours importante. Kalor avait toutefois décidé d'ordonner à son ami de rester chez les Raspivitch et avait demandé à Freyja de s'assurer qu'il lui obéissait bien. Ce choix ne lui avait pas été facile à prendre – nous étions si peu nombreux que refuser sciemment de l'aide revenait presque à se planter une dague dans la cuisse – mais il m'avait avoué ne pas avoir totalement confiance en la fiabilité d'Alaric. Après ce que ce dernier avait vécu entre les mains de la Cause, son envie de se venger risquait de prendre le pas sur ma protection et celle de Baldr.

  Un sentiment qui n'avait trouvé que trop fortement écho en moi. Moi aussi, j'avais commencé à perdre de vue notre objectif. Heureusement, Freyja m'avait aidé à rouvrir les yeux. Lorsque je verrais la Marquise Piemysond, je ne devrais surtout pas oublier ses mots plein de sagesse. Kalor devait pouvoir compter sur moi.

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