2. La fuite

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La nuit commençait à tomber sur le village breton, j'aurai dû retourner à l'hôtel, mais j'en étais incapable. Je courais, alors que les larmes coulaient sur mes joues brûlantes.

À chaque fois que j'avais voulu partir, Will m'avait retenue. Je ne désirais pas me retrouver face à lui, qu'il me retrouve, qu'il me fasse changer d'avis. J'en avais assez de cette vie, assez de me sentir minable ! Il ne me rattraperait pas !

Je bifurquais vers la forêt et accélérai encore. Mes membres douloureux semblaient évacuer ma souffrance. Sous le couvert des arbres, je me sentais mieux. Mes larmes cessèrent de couler et je goûtais la chaleur de cette soirée d'été. Le vent chaud sur ma peau humide était comme un baume.

J'aurai dû être plus prudente, je pouvais rencontrer n'importe qui dans ces bois. Mais j'étais si bien, enveloppée par cette odeur d'humus. L'odeur de la terre, des feuilles, si familière, me rendait nostalgique et chassait ma peine et ma colère.

J'allais tout droit, toujours tout droit sur le sentier pour éviter de me perdre. J'ignore combien de temps j'ai couru., mais quand je m'arrêtai, seule la lumière de la Lune m'éclairait. Je regardais autour de moi. D'immenses arbres se profilaient à perte de vue. Sous les rayons de l'astre nocturne, la majesté du lieu me frappa.

J'entendis un bruit derrière moi. Y avait-il quelqu'un ? J'écoutais. Un nouveau bruissement. Peut-être était-ce un animal ? Mais si ce n'était pas le cas ? Peut-être un homme, mais bien ou mal intentionné ? Ou pire... Will...

Inquiète, je m'écartais du sentier pour me cacher derrière un épais buisson. J'observais le sentier. Rien. Je tendis l'oreille. C'est ce moment que choisis la Lune pour disparaître derrière des nuages. J'étais dans le noir total et il n'y avait aucun doute, quelque chose se rapprochait.

Je reculais, doucement, tout doucement. J'essayais de garder le sentier en face de moi. Devrais-je monter dans un arbre pour ne pas m'éloigner ? J'avais beau être citadine, mon enfance m'avait appris que se perdre dans une forêt était à la fois facile et dangereux.

Le bois mort craqua sous mes pieds. Je m'arrêtais, à l'affut du moindre son. On poussait des branches, les brindilles étaient foulées sans ménagement, mais loin de là. Je ne savais pas si mon visiteur m'avait dépassé ou s'était dirigé totalement ailleurs, en revanche, je constatais que les bruissements s'éloignaient.

Soulagée, j'attendis quelques minutes. La Lune ne daigna cependant pas se monter. Je fouillai mes poches à la recherche de mon portable. Elles étaient vides. Je pivotai en tous sens pour inspecter le sol à tâtons, dans l'espoir de l'avoir fait tomber autour de moi, avant de me rendre à l'évidence. Dans mon empressement à m'enfuir, j'avais laissé l'appareil dans la chambre.

Quelle cruche !

Je m'assis et patientai. Quand la chiche lumière de la Lune reparut, j'aperçus le sentier, non loin sur ma droite. Sans réfléchir, je le suivis en sens inverse.

J'avançais vite depuis plusieurs minutes lorsqu'un doute horrible m'assaillit. Allais-je vraiment dans la bonne direction ? J'avais tourné sur moi-même en cherchant mon téléphone. Étais-je sur le même sentier ? Dans le bon sens ?

Je réalisais que j'étais perdue, quand j'entrevis une trouée dans les arbres. Je pénétrai dans une clairière, baignée par l'irréelle lumière de la Lune qui luttait pour rester visible. Un rayon perça au travers des nuages et vint se poser sur un étang.

Comme hypnotisée je m'en approchai, retirai chaussures et chaussettes puis levai mon pantalon pour aller en goûter la fraîcheur. Je me glissai dans les flots jusqu'aux genoux. Les clapotis de l'eau froide semblèrent se répercuter bruyamment dans le silence tandis que je jouais avec les reflets de l'astre céleste, comme en transe.

Tout-à-coup, je posai le pied sur une pierre branlante et m'affalai de tout mon long dans la marre. Les rochers entaillèrent mes mains quand je tentai de me rattraper en vain. Le bassin était plus profond que je ne m'y attendais, glissant dans des ténèbres glacées je n'arrivais plus à penser.

Je fus brusquement ramenée à la réalité au moment où j'entrai en contact avec le fond, incroyablement réel dans ce lieu fantasmagorique. En manque d'air, je me relevai immédiatement. C'était plus profond que je l'avais cru... Je n'étais qu'à quelques pas du bord, mais l'eau m'arrivait à la poitrine. Prise de violents frissons, je me hâtai vers la berge.

Un bruissement retentit sous le couvert des arbres. Je m'arrêtai net, de l'eau montant encore jusqu'à mes cuisses. Je scrutai l'ombre d'où était venu ce bruit. Une chose s'y cachait, je distinguais sa forme, il était grand, plus que moi. La chose semblait faite tout en muscles, avec des yeux brillants.

Je tremblais de tout mon corps. Que faire ? Une voix s'éleva et je compris alors que c'était un homme qui se tenait là :

— Serait-ce une nymphe qui sort de ce lac ?

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