Lettre désespérée à un lecteur
Il m'a jeté là, puis il est parti, toujours caché derrière ce pseudonyme. Il m'a laissé ouvert au charcutage de mes lettres, soi-disant pour m'améliorer, laissant aux autres le travail de mon nettoyage, de mon élévation.
Nous en avions pourtant discuté ! Je dis ça, mais je sais bien que je ne suis guère intervenu. Je ne faisais que lui renvoyer son image, ce qu'il m'avait fait.
Je suis à ta merci. J'ai peur de ne pas te plaire, de t'embêter, d'être sans intérêt ou mal fagoté. Pourtant, tu sais, il a eu du mal à me tracer. Je sais que je porte des choses très intimes de lui. Il y a ce qu'il voulait dire, mais j'ai emporté aussi ce qu'il voulait taire. Il y a même des bribes de choses qu'il ignore sur lui. Il le sait. C'est pour ça qu'il est très ambigu dans son amour pour moi. Il m’adore, me trouve sublime, mais je sens qu'il me hait.
Il faut dire qu'il en a bavé pour me faire. Jamais content ! À reprendre, retailler une expression. Puis le passage dans sa machine à laver, pour retirer ce qu'il appelle des fautes.
Plotch, il me bazarde et m’abandonne sur ce site ! Il m'a rassuré, me disant qu'il y connaissait des gens extraordinaires. Depuis, j'ai appris qu'ils étaient comme lui, semant leurs textes sans protection. Je vois plein d’inconnus passer. Certains sourient, la plupart me survolent à peine. Je ne suis rien, une goutte invisible dans un océan de banalités.
Mais je ne suis pas dupe ! J'ai compris qu'il attend ta réaction. C'est terrible pour lui. Il a besoin, comme nous tous, de reconnaissance. Il croit, le sot, que je suis un bon moyen pour cela ! Il veut ignorer la vérité.
J'ai une partie de moi grimée. Je l'ai entendu dire : « Ça, ça va marcher, c'est putaclick ! ». Voilà, il me prostitue pour son ego. Finalement, il est comme les autres.
Mais je lui appartiens, alors je cède. Je suis fier de travailler pour lui, de m'offrir à vous. Ce que je préfère, c'est quand je vois une émotion dans votre œil. Là, je sais que nous avons réussi. Nous nous sommes rencontrés, une fraction de seconde.
Je vous laisse, je n'ai pas encore fait ma recette de likes aujourd'hui. Il va être encore déçu !
Attention ! Pas la peine de m’en mettre un par charité ! J'ai horreur de ça. Moi, j'm'en fous ! C'est lui qui est vexé !
Si je n'en rapporte pas assez, il va être fâché. Il va me repasser dans son clavier. C'est vrai que j'en ressortirai plus souple, plus gouleyant, mieux tourné. J'aime bien, mais d'un autre côté, ça me déclenche des troubles de la personnalité. Je ne suis plus pareil en restant identique !
Et vous, comment il vous traite votre protecteur (ils disent auteur•e entre eux !) ?
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