mon petit prince

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La nature l’avait fait ainsi, petit prince rayonnant, petit prince unique. Il ne comprenait pas les autres, qui agissaient si différemment de lui, alors qu’il saisissait si facilement toutes les connaissances. Comme cela l’angoissait, il se réfugiait dans sa tête, restant parfois longtemps sans ouvrir la bouche, n’osant déclencher une réaction étrange.

Le vaste château de ses parents, le comte et la comtesse, dominait cette vallée radieuse. Tout le monde était gentil avec lui et il était aimable avec tout le monde. Il savait qu’il devait éviter de manger certains mets qu’une sorcière avait empoisonnés à jamais pour lui, mais cela était sans importance. Il faisait attention et le magicien de la Grande-maison l’avait sauvé plusieurs fois de ces dangers.

Il avait rencontré le fils du duc, leur voisin. Il avait croisé son cœur et maintenant, ils battaient à l’unisson, sans que l’on distingue lequel portait l’autre. Il apprenait doucement à échanger avec les autres, car il avait construit au fond de lui une retraite dans laquelle il pouvait être entièrement lui. Seul son ami-cœur pouvait lui parler quand il s’était rencogné dans son abri. Sa vie de petit prince, finalement, était heureuse, avec de la joie, de la musique, de la tendresse. Il était si mignon, si généreux, que nul n’aurait songé à le blesser.


Puis, tout avait basculé. Il avançait sur sa route, perdu. Il était dans son monde où nul ne pouvait plus pénétrer. On lui avait volé son papa, on lui avait volé son enfance. Il ne savait pas pourquoi tout cela était arrivé. Il souffrait infiniment sans avoir mal. Même son ami-cœur ne le comprenait plus. Sur les conseils de la fée sa marraine, il semait des petits cailloux blancs, espérant qu’ils pousseraient et reconstruiraient une nouvelle maison dans laquelle il serait à l’abri pour toujours.

Un gros ours balourd passait par là. Intrigué par ces petits cailloux blancs, il en ramassa un, le trouva joli et demanda au petit prince pourquoi il les abandonnait alors qu’ils étaient si beaux. Le petit prince se fâcha, embêté par ces questions. Le gros ours haussa les épaules et s'éloigna légèrement. Cependant, il était peiné, car il devinait la souffrance du petit prince. Il n’était pas le seul ! Un garde avait assisté à la scène. Depuis longtemps, il était touché par la tristesse et le silence du petit prince. Il le regardait avec tant d’affliction que le petit prince voulut le consoler par un sourire. Le gros ours, qui observait par-dessus son épaule, trouva ce sourire magnifique.

Le lendemain, le garde et l’ours se tenaient à nouveau sur le chemin du petit prince, s’interrogeant du regard. Il était impossible de laisser un nuage de malheur au-dessus de cette chevelure blonde. Puis encore le jour d’après. Le petit prince était méfiant. Le garde et l’ours l’impressionnaient beaucoup. Ils finirent par s’apprivoiser tous les trois, se saluant aimablement.

Chaque jour, ils se retrouvaient et le petit prince sentait leur chaleur. Son silence mélancolique s’effaçait parfois pour un éclat de rire enfantin, accentuant le désarroi de ces deux nouveaux compagnons de promenade. Du haut de sa tour, la comtesse avait assisté chaque jour à la même scène. Craintive, elle était descendue pour protéger son enfant de ces deux personnages inquiétants. Tout allait bien ! la rassura le petit prince. Elle regardait maintenant de loin ce qui se passait, mais le petit prince avait l’air heureux et confiant avec ses deux accompagnateurs. Le garde et le gros ours firent la connaissance de l’ami-cœur du petit prince, le fils du duc.

Un jour, le petit prince oublia ses cailloux blancs. Puis il se mit à raconter au garde et à l’ours, car avant, il avait été incapable de parler, tellement il en avait envie.

On lui avait volé son enfance ! Cela avait été terrible et il ne savait pas trouver les mots pour le dire. Sans s’en rendre compte, il rapporta cette violence épouvantable. Quand la comtesse fut avertie, elle envoya ses soldats jeter le coupable au cachot et subir un sort mérité. Le petit prince était terrorisé d’avoir raconté son histoire. Sa maman, l’ami-cœur, l’ours et le garde l’entouraient avec une infinie tendresse. Les consolations se mêlaient d’admirations pour le courage qu’il avait montré en parlant.


Le petit prince n’effaça pas ce vol de sa mémoire, mais il put le ranger comme une chose mauvaise. Son sourire revint plus souvent. L’énorme rocher qui l’écrasait s’était évanoui. Il se dit alors que son repaire était confortable, mais que la vie dehors devait pouvoir apporter d'autres attraits. Il décida alors de changer. Il se rendit compte que les petits cailloux blancs avaient poussé et formaient maintenant un petit château bien adapté à sa façon de vivre. C’était une maison accueillante, curieuse de ceux qui y venaient, généreuse et forcément souriante !

Voir cette maison du petit prince grandir est une chose incroyable à contempler, car on peut deviner le château merveilleux qu’il va devenir.

De temps en temps, le petit prince envoie un sourire heureux à l’ours et au garde. Ils se disent alors qu’avoir tendu la main au petit prince est la chose la plus belle qui leur soit arrivée. Ils remercient le petit prince de les avoir choisis pour le porter dans son passage.

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