Genèse d'une idée
En cette fin de printemps pluvieux, le procès vient de se terminer. Le plus frappant a été le témoignage des deux psychiatres : l'accusé vivait dans un délire total.
Cette assertion est stimulante : comment peut-on vivre à la fois dans la réalité et dans un délire ? Où sont les sutures de ces mondes ? Quelle est leur cohérence ? Surtout, le plus effrayant est que, si les experts affirment le délire, c'est qu'ils savent qu'elle est la réalité, la vraie !
Quand j’échange avec des connaissances sur l'actualité, je m'aperçois que leur perception est très différente de la mienne. Parle-t-on de la même chose ?Quand j’explore un site complotiste, je suis étonné de la construction des idées, de leur ajustement parfois si troublant. Quand j'entendais un président divaguer et ranger au rang de fake news les informations qui le dérangeaient, je me demande où est la raison. Quand je me raccroche à ma rassurante rationalité scientifique, j'apprends que les physiciens ne connaissent que cinq pour cent de notre Univers.
Quand mon ami ou mon conjoint comprend mal mes paroles ou mes gestes, qu'une brouille apparait, quelles sont les différences de perception qui nous font diverger ?
J'ai écrit des récits, avec des êtres imaginaires. Pourtant, je peux vous dire où j'étais à la moindre de leurs péripéties, comment je l'ai vécue, ressentant la joie ou la douleur du personnage, avant de la coucher dans son histoire. Étrange confusion des sentiments.
Quand le sommeil arrive, quand les rêves fourbissent leurs trames, quand des éléments de ma journée reviennent, tout se mélange et je ne sais plus si cet échange si intense sur Scribay était réel ou imaginaire, .
Ces experts peuvent donc discerner la vraie réalité ! J’en ai tant besoin ! À moins que je ne la craigne et la déteste ?
Cet homme pris dans son délire qui aboutira à ces meurtres, je veux le comprendre, me glisser dans son esprit. En quoi est-il différent de moi ? Et si ma réalité était composée de petits délires…
Déjà, les premiers mots se forment, l'ambiance m'entoure, je suis happé par ce gouffre.
Vite, mon clavier.
À cause de la pleine lune, il avait laissé sa voiture en bordure du bois. En parcourant les derniers mètres le séparant …
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