La cérémonie
Avec sa perruque et ces lunettes, il se sentait un peu ridicule. Cela était bien inutile, puisqu’ils ne l’avaient pas vu depuis… il calculait… dix-huit et vingt ans. C’était sa femme qui était partie la première, l’accablant de tous les maux. Bon débarras ! Elle avait toujours refusé de divorcer, puisque c’est lui qui avait la fortune et les revenus. Il lui servait une pension, qu’il n’avait même pas négociée.
Son fils était parti deux ans après, faire des études à Londres, puis aux États-Unis, pour finir par s’installer du côté de Boston. Il n’avait jamais été invité et son fils n’était jamais revenu. Sa fille était partie quelques mois plus tard. Pour ce qu’ils partageaient… Elle avait opté pour l’Australie, comme pour être certaine que la distance éviterait les retrouvailles.
Des amis… il n’en avait plus. Non. Il n’en avait jamais eu. Des relations, oui. Par exemple, ses deux collègues du cabinet médical et leur secrétaire. Plutôt ex, puisqu’il avait quitté trois ans auparavant. Il ne les avait pas revus, n’étant jamais passé les voir.
Chaque matin, il allait prendre son café, en promenant Florentin, avant sa mort. Son chien, le seul être vivant pour lequel il avait de l’importance. Il lisait son journal pendant deux heures. Le patron le connaissait. De vue. Il n’était même pas là. Il n’avait pas dû être prévenu. Et puis, fermer son débit pendant une heure…
Ce qui le gênait, c’était la présence d’inconnus. Il avait entendu parler de ces gens qui assistent aux enterrements, comme les tricoteuses lors de la Terreur.
Il attendait les discours. C’est pour ça qu’il avait organisé tout ça. Le mec des pompes funèbres avait été difficile à convaincre. En fait, il avait marchandé dur.
Assister à son enterrement ! Quelle belle idée ! Savoir ce qu’ils vont dire de vous, combien ils vous regrettent. C’est avec le choc de l’émotion, mais quand même.
Sa femme, enfin son ex-femme, son fils, sa fille, un des deux collègues, un voisin (!), ces trois inconnus. Il attendait. Quand le prêtre demanda si quelqu’un voulait dire un mot, le silence régna.
Il ricana. Il allait modifier son testament, puisqu’il n’existait plus pour eux. Bien fait !
Une vive douleur le prit dans la poitrine. Il…
Annotations
Versions