urbi

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Et vous voilà. A Rome, le paradis pour vos confrères. Un purgatoire pour vous.

Des ruines nettoyées, répertoriées, rationnalisées, quand elles ne sont pas emballées dans un decorum pour touristes. Les pelouses tondues du Palatin vous rendent malade, autant que les allées gravillonnées de Caracalla.

L'édifice gigantesque et inexplicable, dompté, quadrillé par des ficelles, enferré par des petites barrières aux formes géométriques. Avec vous au milieu.

Voilà où vous en êtes. Une main se pose sur votre épaule, vous la sentez mal assurée.

- On va en ville ce soir, ça te dit ?

Vous ne savez plus combien de temps vous êtes restée à ruminer mais derrière vous l'équipe de fouilles est en train de lever le camp.

Vous ramassez vos affaires et suivez le groupe.

A Rome les nuits sont chaudes et les gens sont collants. Surtout dans les bars.

A la terrasse un type de l'équipe de fouille fait des efforts surhumains pour ne pas vous dévorer des yeux. Il s'appelle Nathan, vous appréciez sa retenue mais vous ne voyez que ses coups d'oeils refoulés. Et, de fait, il devient lourd. Vous savez par habitude qu'il l'est un peu moins après quelques verres. A condition que ce soit vous qui les buviez.

Mais ce soir vous n'avez ni la patience ni l'envie d'attendre que l'ivresse fasse son oeuvre. Vous faites semblant depuis trop longtemps. Les soirées festives et les nuits en duettiste ne sont plus une échappatoire suffisante aux journées de bagnard.

Vous avez essayé. Vous avez cru pouvoir changer, rentrer dans le rang, en imitant vos collègues. En les mimiquant vous pensiez apprendre à rationnaliser les ruines, à canalyser votre fascination douloureuse en une méthodologie scientifique plus facile à gérer. Mais ça ne fonctionne pas.

Vous rendez à Nathan un de ses regards appuyés et vous quittez le bar.

Il est gentil Nathan. Et il est prévisible. A peine sortie vous l'entendez derrière vous.

- Tu pars déjà ?

Vous vous apprêtez à renvoyer le gars au fond du bar lorsqu'il pose une autre question.

- Tu penses à quoi ? Quand tu restes seule au milieu de la foule, tous les soirs.

Depuis combien de temps n'avez-vous plus laissé qui que ce soit se sentir assez à l'aise en votre compagnie pour poser ce genre de question ? En plus de vous faire crever de désespoir ce chantier de fouilles vous ramollit.

Mais pour une raison qui vous échappe, entrainée par un besoin humain enfoui plus profond que votre entêtement sociopathe, vous répondez.

- Aux astronautes.

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