Tout un fromage pour un café
Un homme entra dans un bar et commanda un café.
« Serré ou pas ? Demanda le garçon.
— Serré, s’il vous plaît.
— Avec un peu de lait ou pas du tout ?
— Sans lait, s’il vous plaît.
— Avec un sucre ou deux ?
— Deux sucres, s’il vous plaît… Mais, pourquoi toutes ces questions ? Si j’avais voulu un café léger, avec un nuage de lait et un seul sucre, je vous aurais dit : ‘‘Garçon, je voudrais un café léger, avec un nuage de lait et un sucre.’’ Or, je vous ai commandé un café. C’est tout.
— C’est tout ou rien, argumenta le garçon. Dans votre commande vous n’explicitez rien d’autre qu’un café. Comment voulez-vous que je devine quoi que ce soit d’autre ? »
Le client commençait à perdre patience :
« Mais enfin, vous devez avoir des centaines de clients par jour qui vous commandent un café, et auxquels vous ne demandez pas autant de précisions.
— En effet. Je les sers un point c’est tout.
— Alors pourquoi m’assaillir de vos questions idiotes et saugrenues du style : ‘‘Serré ou pas… Avec du lait ou pas… Avec un sucre ou deux…’’ Que vous ai-je fait ! Ma tête ne vous revient-elle pas ?
— Ne le prenez pas comme ça, monsieur. C’est par pure gentillesse que je vous ai demandé toutes ces précisions.
— Mais pourquoi à moi ?... Pourquoi pas… que sais-je… A madame… ou au jeune homme ?
— Je n’ai pas pensé à le leur demander lorsqu’ils m’ont passé la commande.
— Et il a fallu que vous y pensiez, juste après que je vous ai demandé un café ? Vous ne pouviez pas attendre le prochain consommateur ? Non, il a fallu que ça tombe sur moi. »
Le garçon fit un geste de ses mains qui voulait dire : « Je jette l’éponge. »
« Vous avez raison, reconnut-il. Jamais je n’aurais dû vous poser toutes ces questions. »
Le client poussa un soupir de soulagement :
« Ce fut dur de l’admettre, hein ?... Enfin… Combien je vous dois pour mon café – serré – sans lait – avec un seul morceau de sucre ?
— Quatre francs trente. » (*)
L’homme mit une pièce de cinq francs :
« Tenez, gardez tout. »
Le client se leva et s’en alla. Le garçon, en ramassant la pièce, s’aperçut qu’il ne lui avait pas servi le café.
« Toute cette histoire pour rien, constata-t-il avec amusement. »
Puis il revint derrière le comptoir et vit la tasse pleine, destinée à son client. Un instant il fut tenté d’en vider le contenu dans l’évier mais, se ravisant, il la leva, la porta à ses lèvres en murmurant :
« A ta santé vieux con ! »
(*) = Au siècle où cette limarrée a été écrite, l’euro n’existait pas encore. (NDA)
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