« Quand je me suis levé pour aller ouvrir la porte, j’ai trébuché et suis tombé de toutes mes forces sur le genou. Ma femme, qui venait de la cuisine portant un gratin de courgettes brûlant, a eu peur et a fait un mouvement de recul, qui lui a fait tomber le plat de ses mains, lequel est allé atterrir sur ma tête. Réaction normale : j’ai poussé un hurlement, qui a provoqué chez elle le même phénomène. Le chien, qui n’avait rien vu de la scène, mais qui a entendu sa maîtresse pousser cde cri, a cru qu’elle était attaquée, et s’est ainsi précipité aveuglement sur son prétendu agresseur : moi. Il a pris mon bras à pleins crocs et, tandis qu’il le tirait de toutes ses forces vers lui, j’exerçais de toutes les miennes, un mouvement contraire, sans parvenir à me dégager du fauve qui, ayant enfin reconnu son maître, a ouvert sa gueule, a libéré mon bras, et provoqué ce qu’en physique on appelle l’annulation de V’ opposé à V de même grandeur. Ce qui veut dire que, lorsque la force V exerce une pression dans un sens, et que la force V’ exerce la même pression dans le sens inverse, il y a inertie de mouvement. Or, s’i l’une des deux forces s’annule, l’autre libère une pression égale au double de la sienne. Imaginez donc mon bras crispé, mon poing fermé, exerçant cette double pression, et allant finir sa course contre le mur, et vous aurez une infime partie de la douleur que j’ai ressentie.

La sonnette a retenti de nouveau. Ma femme, comme si rien ne s’était passé, a décidé d’aller ouvrir et, comme elle s’élançait vers la porte d’entrée, elle n’a pas aperçu le morceau de courgette qui traînait par terre. Son pied, hélas, oui. Elle a glissé, et est allée finir sa course folle contre le chien qui, innocemment, jouait avec son nonos. Celui-ci ayant reçu l’auguste tête de mon épouse contre ses côtes, a poussé un aboiement de surprise, d’étonnement, et de douleur.

— Et alors ?

— Alors, pensant sans doute que nous n’étions pas à la maison, la personne n’a plus insisté, et nous n’avons jamais su qui c’était. »