« Eh bien, j’m’en vais vous raconter une histoire qu’a l’mérite d’être racontée… Faut y pas penser que c’est toujours messieurs les scribouillards qu’ont l’droit d’raconter des histoires. Nous aussi, c’est qu’on peut le faire…

« Bon, que je vous dise, ce jour-là, La Brunette elle broutait tranquille – La « Brunette c’est une vache, pardi – quand v’là t’y pas que s’approche ce galopin de « Ribouldingue – c’est mon taureau – qu’avait une idée derrière la tête, et bien placée, « si vous voyez c’que j’veux dire… Et voilà t’y pas que c’grand couillon, hop là, lui monte « dessus et vas-y que j’te l’mets, et vas-y que j’te l’mets. Tu parles si La Brunette l’était « contente la garce ; un gourdin de c’te taille l’en avait jamais eu dedans… Et l’autre, « vas-y que j’te l’mets, vas-y que j’te l’mets… mais La Blanchette qu’avait vu tout ça – « faut que j’vous dise que La Blanchette, c’est la légitime de Ribouldingue et elle est « sacrebleusement jalouse – donc La Blanchette qu’avait vu tout ça, elle fonce dans l’tas et « hop ! hop ! des coups de cornes dans les couilles de ce pauvre Ribouldingue qui retire son gourdin, en catastrophe, de la pauvre Brunette, et vas-y qu’il se met à courir en gueulant comme un âne. La Fernande qu’avait vu tout ça – La Fernande c’est ma femme – ell’ m’dit : ‘‘Ça lui apprendra à faire le beau avec une autre. Tu vois l’Emile ce que j’te ferai si t’avais des idées malsaines avec d’autres… par exemple la p’tite Rose… » La p’tite Rose c’est y celle qu’habite la ferme voisine. C’est une jeune veuve et elle a un de ses popotins et une de ces paires de nichons à ne plus vous faire débander. D’temps en temps, je vous l’avoue, quand la Fernande est au marché ou quand elle me croit au foin, j’m’en vas lui donner un p’tit coup par-ci et un p’tit coup par-là, et j’lui répète tout l’temps : ‘‘Glousse pas la Rose. Si la Fernande nous surprend, gare à mes orphelines.’’… »

« Dites, m’sieurs les lecteurs, maint’nant que vous savez tout sur la Rose et sur moi, n’allez pas moucharder à Fernande hein ?? »