Fantoche
« Fantoche, où sont mes pantoufles ? »
Il réfléchit et me répond de sa voix de robot, caverneuse, monocorde et saccadée :
« Elles – sont – dans – le – sac – à – provisions.
— Pourquoi sont-elles là ? »
Il me répond du tac au tac :
« Je – ne – suis – pas – programmé – pour – répondre – à – ce – genre – de – questions – mais – pour – retrouver – tes – affaires. »
Je suis vexé.
« Pour un robot, tu es rudement culotté. »
Pas de réponse. Je répète ma phrase. Toujours pas de réponse. Alors je lui demande à brûle pourpoint :
« Où est mon nez ? »
Il réfléchit :
« Au – milieu – de – ta – figure.
— Et mes lunettes ? »
Nouvelle réflexion :
« Sur ton nez.
— Bien, maintenant plus vite : où est mon nez ? »
Il réfléchit :
« Au – milieu – de – ta – figure.
— Non, j’ai dit : plus vite. Sans réfléchir. Où est mon nez ? »
Il réfléchit :
« Au – milieu – de – ta – figure. »
Il m’énerve. Je hausse le ton :
« Espèce d’abruti, je veux que tu me répondes sans réfléchir, comme tout à l’heure lorsque tu m’as dit que tu n’étais pas programmé etc. Alors, dis-moi où est mon nez ! »
Il réfléchit :
« Au – milieu – de… »
Avant qu’il n’ait eu le temps de finir sa phrase, je me suis saisi d’un marteau et, d’un ton menaçant :
« Ecoute-moi, espèce de chose infâme, si tu ne me réponds pas du tac au tac, je te détruis. Compris ? Alors, où est mon nez ? »
Il réfléchit. Avant même qu’il n’ait commencé à parler, je le frappe de toutes mes forces. Sa tête se sépare du corps, tombe par terre, et toutes les pièces s’éparpillent. Je frappe, je frappe encore, et le buste, et les bras, et les jambes, subissent le même sort. Lorsque ma colère s’est apaisée, je pose le marteau, je constate les dégâts et, d’un air contrarié, je m’écrie :
« Merde, je ne me souviens plus où sont mes pantoufles. »
Annotations
Versions