Commencer avec la mort

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 Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. En tout cas, je l’ai su aujourd’hui. Et moi qui pensais que la vie s’arrêterait. Non. Elle ne s’est pas arrêtée. J’ai bu mon café comme tous les jours, peut-être avait-il simplement moins de goût, peut-être était-il simplement plus difficile à avaler. J’ai fumé ma cigarette comme tous les jours, peut-être était-elle seulement plus corrosive, peut-être était-elle seulement plus nécessaire.

 La vie ne s’est pas arrêtée comme je le croyais. Maman est morte, c’est un fait. Et moi je suis en vie, je suis là, je ne suis pas parti avec elle dans le néant. Alors je me suis traîné les pieds jusqu’au canapé. J’ai allumé la télé. Aux infos, on n’a pas parlé de maman. La vie ne s’est arrêtée que pour elle aujourd’hui. Je savais bien que ça finirait par arriver. C’est la vie. La vie, c’est la mort. C’est simple, évident.

 Je suis sorti chercher le pain. Le boulanger m’a dit « mes condoléances ». J’ai dit « Merci, une baguette s’il vous plaît ». J'ai payé et je suis parti.

 Je suis passé chez l’épicier. Il m’a dit «  Je suis désolée pour votre maman ». J’ai dit « Merci, deux steaks hachés s’il vous plaît ». J'ai payé et je suis rentré.

 J’ai fait cuire un steak, congelé l’autre. Je l’ai mangé, saignant, comme je l’aime, avec des pâtes au beurre. Et un grand verre de vin rouge. Je m’en suis allé me promener dans la ville.

 Je fais le même tour que d’habitude. Les promeneurs sont les mêmes aussi. Ils ne pensent pas à maman. Mais moi j’y pense, tandis que je mets un pied devant l’autre, les mains dans les poches de mon manteau bleu. J’y pense, parce que normalement le jeudi, après ma promenade je vais boire le thé chez maman. Mais maman n’est plus là. Je pourrais aller boire le thé chez elle, même si elle n’est pas là. Je pourrais même m’asseoir dans son fauteuil pour une fois. Mais sans elle, ce ne serait pas pareil. Et puis, je ne sais pas où elle rangeait le thé. Alors je marche, et je marcherai plus longtemps, je marcherai jusqu’à l’heure à laquelle je rentre chez moi d’habitude.

 Aujourd’hui, maman est morte. Je pensais que tout s’arrêterait, ce n’est pas vrai, par contre je crois bien que je ne boirais plus de thé.



exercice : écrire avec un incipit connu ("Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas" L' Étranger, Albert Camus)

en une vingtaine de minutes pour se sortir les doigts du luc ! 

11 decembre 2019

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