Difficile de faire un choix... Entre prendre telle route ou telle autre route, entre enfiler telle tunique ou telle autre plus confortable, entre épouser tel homme contre tel autre, entre faire offrande à Ironie plutôt qu’à Temps – Enfin ! Mille choix, mille difficultés insurmontables !

Heureusement, les Dieux ont pensé à tout ! La Messagère a pensé à tout !

Voyez, les petits, au protemple de la déesse de la transmission. Là, ce bâtiment devant lequel une éternelle file s’étire ? Il n’est pas très grand, tout juste plus grand qu’une case classique, mais il s’en différencie car il est directement planté dans le plafond, sans aucun surport, comme s’il y avait poussé, simplement sorti de Terre. Une excroissance, un bubon sur la peau de notre Mère ! On croirait, en le voyant, qu’il était déjà là bien avant la Cité, bien avant les humains. Etrangement, il n’est pas composé de corne comme la quasi-totalité de nos fiers subâtis bravant le Ciel – non, il est assemblé avec de gros morceaux de roche, mis bout à bout, avec pour seule jointure un mortier mystérieux qui ne rompt jamais malgré la charge.

Ainsi, disais-je, les gens attendent gentiment leur tour devant l’étrange petite structure, et ressortent ensuite, de l’autre côté, avec des palettes d’expressions variables comme celles de l’arc-en-ciel sur leurs visages réanimés. Regardez : joie, détresse, inspiration, amour, désespoir, interrogation, doute, certitude, gravité, légèreté, et j’en passe ! Pourquoi une telle palette, me direz-vous ? Parce qu’ils ont entendu l’avis de la Dicte.

La Dicte, mais qui est-elle ? Qu’est-elle ? Ah ah !

La Dicte est une sorte d'Illum. Donc une Ter. Elle n’est pourtant maitresse d’aucun temple, elle ne vénère pourtant aucun dieu – même la Messagère – et elle ne rend de compte à personne ; elle est l’indépendance incarnée ! On dit même qu'elle n'aurait aucun sceau de caste...

En plein milieu de sa bâtisse encombrée, elle se tient assise sous un drap rapiécé, multicolore, composé de tissus d’un autre âge. S’y découpe un espace qui laisse dépasser le bas de son visage mais qui ne laisse apparaître que sa bouche sombre. Rares sont ceux qui connaissent la couleur de ses yeux, qu’on dit tantôt aveugles, tantôt clairvoyants, voire lumineux ! Le reste de son corps reste tapis sous la couverture. À quoi ressemble-t-il ? Vieille femme décharnée, frêle jeune femme, incarnation divine ? Seuls les aidants, une Vox fidèle et une Ter du Message, connaissent son apparence.

Dans sa petite demeure de pierre, elle reçoit tout le monde : hommes, femmes, enfants ; toutes les castes : Aers, Ter, Inter, Vox, Artes ; même les abjects, si on leur autorise sortie ; même l'Acastale en personne, si besoin.

Et après ? Hé bien : on lui pose une question – une seule. Attention ! Sinon dehors ! – qu’elle répète ensuite mot pour mot, avec un étrange accent, que nombreux disent être l’inflexion divine. Le Temps alors passe… Et la réponse finit par tomber, parfois claire, parfois énigmatique, parfois absurde, parfois rude, parfois belle, parfois la réponse sera même une autre question. Qu’importe, la Dicte aura parlé, et sa parole vaudra vérité.

Ne vous étonnez pas si un jour vous recevez chez vous, apporté par un Vox essoufflé, un message qui vient d’elle. La Dicte, parfois, transmet les messages directement aux intéressés, même quand ils n’ont rien demandé. Il vous faut alors garder le message pour vous, il est une émanation directe de la déesse et il n’appartient qu’à son receveur. Prenez garde ! Le dévoiler aux autres – même à vos mères ! Même à vos pères ! – vous condamnerait à la malédiction de la Messagère. Et voulez-vous devenir sourds, muets ou aveugles pour la cause ? Sim Mana ne le croit pas.

Alors gardez en tête ceci : s’il faut obéir à l'Acastale, faites-le ; mais s’il faut obéir à la Dicte, faites-le encore plus ! Au péril de votre vie ! Et ce, même si vous devez trahir la Cité, voire l'Acastale – car à travers son commandement, ce sont les dieux qui ordonnent…