L'intru — Vox
« On me reproche parfois de m’attarder sur des questions dont tout le monde se contrefiche — même vous les enfants, alors que votre âge devrait normalement vous pousser à la curiosité — comme si ça allait m’arrêter… alors, je poursuis, avec, aujourd’hui : les noms !
Vous avez tous deux noms, non ? Et après le transpassage, vous hériterez même d’un troisième. Le premier, c’est votre nom personnel, celui qui vous identifie dans votre lignée. Il ne peut pas se répéter — toi, le petit, Agolt, c’est bien ça ? Non ? Oh, qu’importe. De toute façon, quel qu’il soit, ce nom, eh bien, jamais aucun de tes enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants ne s’appelleront Agolt, jamais ! — c’est une obligation instaurée par les orgènes ! Mais pas par les Dieux, cela dit… Enfin bref.
Ensuite vient votre nom de lignée, celui que vos braves mères vous donnent à l’accouchement — d’ailleurs certains disent nom-de-ventre. Il signe votre appartenance à une famille et tout son cortège d’ancêtres. Ainsi vous pouvez aisément repérer vos cousins, même éloignés.
Vous savez, par ailleurs, que si vous désirez ardemment épouser votre cousine, ou votre cousin, les orgènes risquent de vous tomber dessus ! Et là, gare ! Ça peut aller jusqu’aux Colonnes !
Enfin, le nom de caste, accompagné du joli sceau castal, qui sera tamponné sur vos fronts — Bam ! Impossible d’y échapper ; et en plus c’est douloureux !
Ça vous fait trois noms !
Ces noms sont exigés courts par les orgènes, et non évocateurs, car vous imaginez bien que s’appeler : Prévalente Cielimmergé Terrienne — et la dame a vraiment existé ! mais il y a très longtemps — c’était du gros boulot de prononciation ! C’est pour cela qu’à chaque nouvelle naissance, il y a un orgène qui vient avec un gros registre et discute longuement avec les parents pour décider du nom que portera l’enfant. Un nom qui sera alors unique dans leur lignée. Aussi il sera nécessaire qu’il soit d’une sonorité harmonieuse ! Car on raconte qu’un nom dysharmonieux ne peut que mener à une vie dysharmonieuse. Un nom qui sonne mal est vite oublié, un nom qui ne chante pas assez est vite écorché ! Tout cela déplait à la Messagère, qui attend de nous que toute communication soit claire et sans ambiguïté !
C’est pour cette même raison qu’elle n’écoute jamais ce que je dis. »
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