Ils sont en filigrane — Vox (V2)
« Regardez-les, ils marchent en rangs bien joliment, non ? Ce sont des Ter, mais pas n’importe lesquels ! Regardez le rythme de leur pas, sentez la musique qui s’en dégage. Allez, parlez-leur, essayez de les rencontrer, vous n’entendrez en réponse que le bruit de l'air. Ce sont eux, les prêtres du Venteux, ils sont ainsi. On les appelle les gens du silence.
Soufflez sur vos doigts souillés, les enfants, sentez vos gorges produire ce flux sans aucun effort. Le souffle du Vent est en nous. Sans lui, aucune parole n’adviendrait !
Méfiez-vous de lui d’ailleurs, il est le dieu de la destruction tout de même !
Oubliez les cris, évidents, et pensez aux ravages que quelques mots, même murmurés, peuvent parfois provoquer.
Les enfants du Vent, vivant dans vos belles gorges, promettent et annoncent déjà les scandales que vos paroles déchaineront un jour !
Les prêtres du Vent, par contre, désirent son apaisement, son accalmie, ils disent, sans parler, qu’en faisant silence, les tempêtes minuscules qui habitent leurs voix demeureront à jamais des avortons.
Alors ils vivent, marchent, épousent, enfantent et meurent, sans prononcer aucun mot.
Et s’ils doivent le faire, c’est avec d’infinies précautions qu’ils glissent, doucement et en un souffle, un filet de mots d’une intensité telle qu’aucun humain ne semble capable de les entendre sans trembler jusqu’au plus profond de son être… »
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