Ô Sagesse ennemie
Quand on me parle de sagesse, j’ai tout de suite l’image d’un homme venu tout droit de l’antiquité, habillé modestement d’une toge blanche immaculée, et dispensant sa connaissance avec amour et générosité. Dans cette vision idéalisée, le sage serait le dépositaire de LA vérité. Une vérité qui serait comme un objet extérieur à l’homme, un monolithe de marbre blanc gravé des commandements de la sagesse.
Pas vous ?
Pourtant, dans la réalité cette image pourrait en fait être tout à fait l’inverse de ce qu’est la sagesse.
Pourquoi ?
Parce que si le sage enseigne la sagesse, et si il est dépositaire de la vérité, alors cela signifie que nous n’avons plus qu’à l’écouter et à apprendre par cœur sa leçon, mais cette démarche est précisément l’inverse de la démarche philosophique qui nous apprend au contraire à douter et à questionner. Autrement dit penser par nous-même.
En effet on ne peut prétendre à la vérité en s'en remettant simplement à l'expérience d'autrui.
De plus, la logique fait que seule la sagesse reconnaît la sagesse, (tout comme l'intelligence) donc il faudrait déjà être sage soi-même pour pouvoir reconnaître la sagesse dans les paroles d'autrui et ainsi s'en remettre à son opinion. Mais si l’on cherche la sagesse c’est bien parce qu'on ne l’a pas (ou qu’on ne sait pas qu’on l’a)... Le meilleur moyen d’aller vers elle semble donc être la remise en question systématique de tout enseignement, associée à la culture de l'expérience personnelle de notre réalité.
La vie est une règle constituée d'exceptions, et les généralités ratent toujours la vérité. L'appréhender correctement nécessite un esprit frais et vif, débarrassé des cadres trop lourds qui l'empêchent de flotter et prêt à s'adapter à chaque instant aux formes insaisissables des courants qui nous transportent.
Ne jamais se fondre entièrement dans l’opinion d’autrui, ne jamais généraliser sérieusement sur un sujet, abattre ses propres préjugés à chaque instant. En chaque action vider le sac de nos vieilles croyances, de nos conditionnements, et les remettre à plat, les dépoussiérer, même si c’est plus confortable de dormir dessus, même si c’est plus gratifiant de montrer qu’on sait des choses et qu’on a un avis bien tranché sur la vie parce que ça nous donne l’impression d’avoir du caractère. Car en effet, cette humble démarche nous amène inévitablement à comprendre qu’en vérité nous croyons beaucoup, mais nous savons bien peu…
Cela demande et apporte de la confiance en soi, car il faut vaincre la peur de l’inconnu qui nous fait nous ranger dans des systèmes de pensées préfabriquées. Mais chaque victoire même petite, est un capital de force pour aborder la marche qui suit sur la montagne de la vérité
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