Ô Liberté Illusoire
La première chose qui vient à l'esprit quand on associe Liberté et Illusion, ce sont les limites de la condition humaine. Certes l'humain comme tout être vivant est fini et mortel et sa liberté ultime n'existe pas. Ceci étant évident je ne m'attarderai donc pas dessus.
Et si la vraie illusion résidait dans le concept même de liberté et non pas dans son application ?
Une Liberté sacrée qui trouverait sa limite là où commence celle des autres ? Adage étrange et paradoxal qui dénonce déjà l'imposture à lui seul, en stipulant le plus honnêtement du monde que la liberté créé la contrainte alors qu'elle devrait en être le pur abolissement.
Liberté qu'on brandit comme un oriflamme doré en toute occasion. Liberté pour laquelle chacun devrait se dresser, se battre et pourquoi pas jusqu'à la mort. Condition naturelle inaliénable de l'homme, suprême valeur érigée sur les frontispices et les devises monétaires ou argument de vente de l'idéal capitaliste... Qu'est ce que la Liberté au fond ? Un pouvoir ! Celui de faire ce qu'il nous plaît, ce que nos désirs nous poussent à vouloir. Mais que désirons nous ? La jouissance, d'une manière ou d'une autre. Le plaisir, peu importe sa forme ou l'allure complexe qu'il revêt.
Nous courons après la liberté, criant son nom, brandissant ses couleurs comme des zélotes armés d'une rage révolutionnaire, et pourtant saurions-nous nous satisfaire de cette liberté acquise et infinie ? L'accession à un état où l'on pourrait assouvir chacun de nos désirs.
L'argent est un bon exemple car il est un levier de la liberté en nous donnant un pouvoir sur cet assouvissement. Pourtant cette capacité ne semble pas apporter le bonheur aux personnes les plus fortunées, qui s'ennuient, cherchent de nouveaux moyens toujours plus couteux de se divertir, de stimuler artificiellement leur bonheur. Car affranchis d'autant de contraintes qu'il soit possible à l'être humain, ils perdent le sens de leur existence, la flamme de se battre et de vivre.
La Liberté réelle est-elle donc "idéal", ou rien qu'un leurre qui replie l'ego sur lui même ? Nous piégeant dans notre individualisme, notre égoïsme, notre insatisfaction permanente et nos désirs insatiables de plaisir et de pouvoir.
Et au fond, est-ce que, secrètement ou inconsciemment, nous n'aimons pas plus l'esclavage que la liberté ?
Car la servitude nous place dans un "état de devenir" constant, et propice au désir (d'émancipation, d'évasion, de plus, de mieux, etc...) qui est cher à l'ego.
La liberté ne serait donc pas une finalité mais un chemin en forme de tapis roulant qui ne mène nulle part. Elle n'aurait de sens et de beauté que dans le devenir, le futur. Un idéal qui nous pousse à avancer, mais qui n'est beau que de loin.
Si tel est le cas, alors derrière son vernis humaniste, la Liberté apparaît soudainement fade et inutile. On peut rester désemparé devant cette conclusion qui semble nous priver de ce que nous n'avons pas. Car en effet, sans liberté nous n'avons plus que le choix de rêver d'un ailleurs durant toute notre vie de servitude en sachant que nous n'obtiendrons jamais ce que nous désirons, ou bien, si nous en avons la possibilité, de nous adonner à la jouissance, parfois jusqu'à l'extrême de manière auto-destructrice (suicide, drogues etc...), pour oublier, tromper notre bonheur et fuir la réalité.
Mais parmi ces options, aucune n'est la voie de l'accomplissement et de l'émancipation que la Liberté promettait d'être. Car même si la jouissance est séduisante par sa capacité à nous faire nous évader un moment, le besoin de se la procurer, après le retour à la réalité, nous aliène. Elle nous fait porter les chaînes de l'addiction.
Peut-être que la seule chance qu'il nous reste se trouve dans une voie entre les deux.
Lorsque l'on abandonne la glorification du Soi perdu dans l'avidité du désir, et que l'on retrouve le courage de se battre pour ses valeurs, alors l'être humain ouvre une possibilité de participer à une œuvre qui le dépasse et dans laquelle il trouvera peut-être sa place, son rôle, sans en tirer d'autre gloire que de "servir" le meilleur des "maîtres".
Ne serait-ce pas cela la vraie Liberté ? Choisir à qui l'on offre son service.
Une famille, un blessé, un démuni, le "bien", l'Amour... ?
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