À vous qui passez sans me voir... 3

2 minutes de lecture

J’en suis à cet état de réflexion quand, tout à coup et venant de nulle part, apparaît une mimine sucrée de confiture au petit doigt voleur trempé à la dérobée.

Elle se pose sur moi dans une caresse appuyée. Deux billes toutes rondes forment un regard étonné qui s’interroge à mon écho. Vite, il se cache ne laissant poindre qu’un petit bout de nez. Voilà que se colle une bouche en cœur, beurrée et confiturée. Une grosse miette sauvageonne reste accrochée et brouille mon teint de multiples saveurs colorées. Je commence à me désoler quand, l’espace d’une seconde, je reçois en pleine face un rire cascadé qui s’éclate dans les reliefs de la tartine collée. Des quenottes avides tentent de me croquer. Les joues gonflées me soufflent un bisou de buée d’un air chaud à la senteur de lait. J’aime ce cache-cache renouvelé. Nul besoin de me dérober, je sais jouer. Je deviens magicien sans avoir à panser, juste à réfléchir !

J’étais à terre, le crochet m’avait été enlevé. Je me croyais délaissé et me voilà offert au plus petit à me rendre ma grandeur. Il se retourne et m’entraîne au jeu du « Qui c’est ? » . En retour, je lui réponds : « Qui suis-je ? » . J’aime ces retournements qui chamboulent mon impassible immobilité.

Je crois le tout-petit parti. Je le cherche du regard ; le coquin, il se cache toujours mais m’a laissé sa petite main… en gage. Déployée sur moi comme la carte d’une île à trésor, je deviens capitaine du jeu : cinq petits doigts forment un brelan d’or. J’attends serein le retour du petit compère. Je sens que la partie va être longue, à ma plus grande joie. Soudain, un autre s’approche. Le vertige du jeu me prend : deux pour le prix d’un, quatre pour deux… le jeu se dessine à l’infini. Je suis pris au piège de quatre feux : deux devant, deux à l’arrière, un de chaque côté. Je suis cerné, encadré de la plus belle manière : un jumeau et sa jumelle !

Et nous voilà à converser par regards et rires entremêlés. Je croule sous les bisous sucrés et les caresses à mes vieilles joues patinées. Dans une magie renversée, je sors du cadre imposé et deviens petite Nana'Lou et petit Tom'Pau conjugués. Je m’envole avec eux sur la route qu’ils dessinent d’un trait de rigoles assurées. Je le sens, je le sais : le bonheur est à ma portée.

Investi d’une nouvelle mission, je reprends du service. Remis à la place d’honneur, je deviens jardin d’enfants et terrain de leurs jeux. Je suis récompensé de leurs rires et des « Ho ! » et des « Ha ! » de ceux qui m’avaient un instant récusé. De simplement posé, on m’arrime, on assure mon assise bien calée au mur. Des chaises et des fauteuils se positionnent spontanément devant moi. Les spectateurs s’assoient et attendent, chargés d’une nouvelle espérance. Ma lucarne se pare d’un nouvel éclat, le bois argenté se remet à scintiller. Me voilà salle de spectacle du théâtre de la vie naissante, témoin d’une aurore nouvelle.

J’ose le dire, là maintenant : je suis heureux !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Patapouf et Cie ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0